Une tribune pour les luttes

Forum civil des sociétés civiles du Processus de Barcelone – Union pour la Méditerranéen.

Plate-forme non-gouvernementale EUROMED - Vivre ensemble et circuler librement en Euroméditerranée.

Article mis en ligne le mardi 4 novembre 2008

Les 30, 31 octobre et 1er novembre 2008, s’est réuni à Marseille, à l’initiative de la Plateforme des ONG euromed, le Forum civil des sociétés civiles du Processus de Barcelone – Union pour la Méditerranéen.

Grâce au soutien de la Présidence française de l’Union européenne et de la Commission européenne, 250 personnes venant de tous les pays du Partenariat ont, pendant trois jours, réfléchi et discuté sur les conditions du vivre ensemble et de la libre circulation des personnes dans cette région du monde.

Elles ont adopté trois recommandations spécifiques.
La première concerne leur protestation face aux difficultés rencontrées par les participants du sud de la Méditerranée pour obtenir leurs visas et entrer en France. Il s’agit là d’un véritable empêchement de circuler, y compris dans le cadre d’une manifestation officielle. De la même manière ils ont protesté contre l’attitude du gouvernement syrien qui a empêché un des participants de venir à Marseille.
La seconde concerne la nécessité de voir le secrétariat de l’Union pour la Méditerranée installé dans un pays qui a l’habitude de travailler avec les sociétés civiles indépendantes et autonomes.
La troisième est de rappeler, notamment à propos du suivi de la Conférence d’Istanbul sur l’égalité de genre, mais aussi de manière générale, que toutes les instances du Processus de Barcelone doivent accueillir la participation de la société civile.

Avec l’aide de la fondation Hannah Lindt, une vidéo conference a été organisée avec des représentants de la vie culturelle de Gaza.

Enfin, le Forum a adopté une déclaration sur la nécessité de regarder les migrations comme une chance et à ne pas leur opposer des préoccupations uniquement sécuritaires. Il a regretté l’adoption de la directive retour par le Parlement européen et a réclamé une application pleine et entière du droit d’asile.

Une délégation de la Plateforme s’exprimera lors de la Conférence ministérielle pour faire part du résultat des travaux du forum.

Le 3 novembre 2008.


DECLARATION FINALE DU FORUM CIVIL EUROMED

DES 30, 31 OCTOBRE 2008 ET 1er NOVEMBRE A MARSEILLE

Réunies à Marseille, les 31 octobre, 1er et 2 novembre 2008, les 250 représentant(e)s d’organisations de la société civile du nord et du sud de la Méditerranée réaffirment avec force leur attachement au Partenariat euro-méditerranéen proclamé à Barcelone en 1995. La Méditerranée a vu naître parmi les plus grands espoirs de l’humanité comme les pires tragédies. Plus qu’une frontière, elle a été transformée en un lieu d’échanges que, depuis des millénaires, les hommes et les femmes ont parcouru pour rayonner sur plusieurs continents et s’ouvrir au reste du monde. À ce titre, les civilisations qui y sont nées offrent à l’Humanité tout entière une expérience prodigieuse sans avoir de leçons à délivrer et sans nier, non plus, les espoirs ou les déceptions qu’elles ont enfantés et provoquent encore. L’histoire des peuples de la Méditerranée concerne le monde et la marche du monde concerne nos peuples. Nos associations, aux objets divers, participent de cette histoire, et c’est pourquoi nous nous reconnaissons le droit de faire entendre notre voix.

La création du « processus de Barcelone – Union Pour la Méditerranée » a suscité des débats et des interrogations. Ils ont traduit la perplexité et les inquiétudes des participants concernant les objectifs, les modalités de gouvernance et les risques que peut génnérer ce nouvel instrument du Partenariat. En tout état de cause, le Partenariat euro-méditerranéen, fondé sur la volonté de partager un destin commun, respectueux de la diversité des pays qui le composent doit aussi s’appuyer sur le respect des valeurs et des principes qui sont inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme dont nous fêtons cette année le 60ème anniversaire. Ces valeurs sont des normes universelles que chaque peuple est en droit d’atteindre et dont tous et toutes doivent bénéficier. Leur ignorance ou leur affaiblissement, au nord comme au sud de la Méditerranée, ne font que renforcer les dictatures, les pires injustices comme la violence aveugle.

Parmi ces normes auxquelles nul ne saurait déroger, la liberté d’association et l’existence et la reconnaissance d’une société civile autonome et indépendante sont une des conditions essentielles au fonctionnement démocratique des sociétés. Trop souvent, spécialement au sud de la Méditerranée, les sociétés civiles sont l’objet d’une défiance inacceptable et leurs membres soumis à une répression intolérable. À cela s’ajoute, aujourd’hui, la remise en cause de la participation des représentant(e)s de la société civile aux institutions du Partenariat.

Comme ils et elles n’ont cessé de le souligner lors des précédentes réunions des fora civils, les participant(e)s au Forum civil de Marseille considèrent que cette région du monde ne peut connaître la stabilité et la démocratie que si la paix s’y installe. Ceci suppose que chaque Etat soit reconnu dans ses frontières, que tous les pays concernés abandonnent la possession de l’arme atomique ou s’interdisent de la construire. La colonisation et l’occupation de la Palestine et des fermes de Shaaba, l’annexion de Jérusalem-Est et du Golan, le blocus de Gaza et, plus généralement le sort du peuple palestinien constituent un déni de droit. Nous appelons la communauté internationale, et en particulier l’Union européenne, à faire appliquer d’urgence les résolutions des Nations unies.

Le respect et la promotion effective de l’égalité entre hommes et femmes s’inscrivent dans les mêmes exigences du respect des droits universels et indivisibles. L’égalité hommes/femmes est la condition sine qua non des processus de démocratisation et de développement et implique une sécularisation du droit. Aucune société, sous peine de régresser, ne peut maintenir la moitié d’elle-même sous le boisseau d’une discrimination sexiste. Aucune raison culturelle, religieuse ou de quelque nature que ce soit ne peuvent justifier l’inégalité hommes/femmes ou les violences contre les femmes.

De la même manière, la cohésion et le développement des sociétés du Nord et du Sud de la Méditerranée exigent l’interdiction, dans les faits, de toute forme de discrimination à raison, de l’origine, de la religion, d’absence de religion, ou de l’orientation sexuelle.

Les migrations ont toujours tenu une place importante dans cette partie du Monde. Elles y constituent une réalité tangible depuis que les hommes et les femmes peuvent se déplacer et s’inscrivent dans l’histoire de nos sociétés. La globalisation des échanges, l’accroissement des moyens de transports et la circulation toujours plus rapide de l’information ont accru ce phénomène. L’absence d’accès aux garanties sociales minimales et à un emploi décent l’amplifient. La traditionnelle voie Sud/Nord est égalée par une aussi importante voie Sud/Sud. À ce qui devrait être conçu et reçu comme un enrichissement, nous constatons que des millions de personnes sont, en réalité, assignés à résidence et empêchés de circuler.

L’Union européenne et ses Etats membres construisent ainsi une Europe forteresse qui n’hésite pas à enfermer hommes, femmes et enfants. Ce sont les mêmes qui meurent dans le désert ou en mer. Ce sont les mêmes que l’on expulse en sachant qu’ils paieront parfois de leur vie le prix de leur retour. Les pays du sud de la Méditerranée sont appelés à repousser les frontières de l’Union européenne jusqu’à leurs propres frontières et infligent aux étrangers qui s’y présentent des traitements encore plus scandaleux, à la mesure des faiblesses de l’Etat de droit qu’ils connaissent.

Au total, les réfugié(e)s sont nié(e)s dans la réalité de leurs souffrances et traité(e)s en fraudeurs ; les migrant(e)s sont interdit(e)s de travail régulier ou appelé(e)s à être élu(e)s au bénéfice d’un arbitraire légalisé ; tisser des liens artistiques, mêler les cultures ou simplement rendre visite à sa famille sont des exercices aléatoires soumis à la volonté régalienne des Etats.

De telles politiques construisent et légitiment des murs, au propre et au figuré, et surtout, elles enferment les sociétés dans une attitude ou l’Etranger(e), est ressenti(e) comme porteur de tous les maux. Il n’est plus rare d’entendre chez les responsables politiques des discours ouvertement xénophobes voire racistes au nom d’une identité qui serait exclusive de tout enrichissement extérieur. Le risque est alors de figer les sociétés et que leurs rapports ne soient qu’une confrontation. Il est aussi de créer au sein de chaque société des processus d’affrontements entre ceux que l’on désigne comme des indésirables ou descendants d’indésirables et les « nationaux ».

Il est illusoire d’imaginer que la seule création d’un espace économique pourrait se substituer à l’exigence de démocratie, de respect des libertés civiles et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels. La volonté de développer, notamment économiquement, cette région doit être soutenue, mais la mobilité des acteurs humains en est une des conditions essentielles.

Les migrant(e)s et les réfugié(e)s ne constituent pas un péril. La souveraineté des Etats n’est pas mis en danger par la venue de personnes qui ont, depuis toujours, constitué un enrichissement social, économique, culturel et démographique. Nous en appelons à une autre politique qui doit prendre en compte une réalité qui n’est pas réductible au seul traitement policier et qui intègre la circulation des personnes comme le corollaire d’un développement commun et de l’échange des sociétés. Nous appelons les Etats à faire de la libre circulation des personnes un facteur prioritaire du progrès social dans cette région du monde.

C’est pourquoi nous formulons les propositions suivantes :

Nous demandons la fin des visas de court séjour qui entravent les liens familiaux et les échanges humains. et portent atteinte aux échanges artistiques, scientifiques et éducatifs.

Nous demandons que tous les pays du Partenariat euro-méditerranéen ratifient l’ensemble des conventions internationales, notamment la Convention de Genève sur le droit d’asile et la Convention sur les droits des migrants, qui permettent de protéger et de renforcer les libertés civiles et politiques ainsi que les droits économiques sociaux et culturels. Les réserves, en particulier à la CEDAW, doivent être levées et le protocole additionnel à cette dernière ratifié. Le respect de la convention de prévention contre la torture s’impose à tous les Etats et le refoulement ou l’expulsion d’un étranger(e) doit être interdite s’il ou elle sont exposés à un risque de mauvais traitements ou de tortures.

Nous demandons que tous les pays membres reconnaissent et respectent la liberté d’association, la liberté de se syndiquer, l’indépendance et l’autonomie de la société civile. Nous appelons au renforcement des moyens de celle-ci, notamment dans le rôle qu’elle joue en faveur de la protection des réfugiés et des migrants. Nous appelons tous les États membres du Partenariat à conforter la place de la société civile dans toutes les instances du Partenariat euro-méditerranéen, y compris dans sa nouvelle déclinaison que constitue l’Union pour la Méditerranée.

Nous demandons que tous les pays du Partenariat euro-méditerranéen mettent en œuvre une politique d’éducation et de lutte contre les discriminations, le sexisme, la xénophobie et le racisme. Nous demandons que les politiques menées dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen intègrent, en particulier, la mobilité de la jeunesse, élément de nature à renforcer, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement, les systèmes éducatifs qui doivent profiter à tous.

Nous demandons que les choix de développement s’inscrivent dans un processus durable qui permette l’amélioration des conditions de vie de tous les méditerranéens, dans le respect de l’environnement, des ressources et des milieux naturels. Les membres du Partenariat doivent faire les efforts nécessaires pour lutter contre le changement climatique.Ce sont parmi les conditions nécessaires pour prévenir les migrations forcées.

Alors que cette région du monde subit de plein fouet la crise mondiale, nous demandons que la communauté euro-méditerranéenne fasse de la lutte contre la pauvreté, de l’emploi et des migrations une priorité de ses programmes sociaux et économiques. Les migrations devrait être un des indicateurs qui permette d’évaluer les conséquences des politiques socio-économiques et des traités commerciaux résultant des accords d’association. Les négociations actuelles sur les services et l’agriculture doivent en prendre en compte les recommandations des études d’ilmpacts de durabilité de la zone de libre échange euro-méditéranéenne. Les aides prévues dans le volet économique du Partenariat ne doivent pas être conditionnées à une libéralisation des économies ou aux dispositifs sécuritaires concernant les migrations ou le terrorisme. La place et la participation de la société civile doivent être reconnues dans le domaine socio-économique..

Nous demandons que soient soutenus, protégés et aidés les médias indépendants et alternatifs, dans le cadre d’un nouveau dispositif régional à créer. Aujourd’hui, en effet, alors que la mobilité des hommes et des femmes est entravée, des images déformées et biaisées circulent librement. Or, c’est grâce aux médias alternatifs et à leurs réseaux que les Méditerranéens, dans leur pluralité culturelle, auront la possibilité de produire leurs propres images et écrits.

Nous appelons toutes les organisations de la société civile, au travers des recommandations adoptées par le Forum, à se mobiliser pour faire de la libre circulation et de la mobilité des hommes et des femmes de nos pays leur programme de travail et une véritable priorité pour les années à venir.

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