Une tribune pour les luttes

mercredi 31 mars 2004

00 h

18h30 Amphithéâtre de la Verrière Cité du Livre Aix-en-Provence

Rencontre avec l’écrivain chilien

LUIS SEPULVEDA

- Gilles Eboli, Conservateur général, Directeur de la Cité du Livre
- L’ association Solidarité Provence Amérique du Sud
- L’association La Noria
- Le Comité Chili-Amérique latine d ’Aix
- Les Ecrîtures Croisées

vous invitent à rencontrer Luis Sepúlveda. Né en 1949 au Chili, il vit actuellement en Espagne. Il est l’auteur, entre autres, du "Vieux qui lisait des romans d’amour", du "Journal d’un tueur sentimental", de "un nom de torero" et des "Roses d’Atacama"

POUR QUOI J ’ÉCRiS ?

Luis Sepúlveda (extrait du livre ’La folie de Pinochet’, Éditions Metailié-octobre 2003)

Je ne suis pas enclin à me perdre dans de vieux doutes qui ont mortifié les anciens philosophes et leur ont donné à réfléchir, ni à éprouver d’ autres doutes qui ne soient pas nécessaires pour avancer sur l’ unique chemin que je crois possible et qui est celui de l’ écriture, cette barricade où je me suis replié quand toutes les autres étaient tombées et que je pensais qu’ il ne restait plus aucun endroit pour résister. De Guimarâes Rosa j’ ai appris que "raconter c’ est résister", et sur cette barricade de l’ écriture, je résiste aux assauts de la médiocrité planétaire qui plane sur le XXe siècle agonisant et le XXI ème qui commence à peine.

Voilà pourquoi j’ écris, par besoin de résister à l’ empire de l’ unidimensionnel, à la négation des valeurs qui ont humanisé la vie et qui s’ appellent fraternité, solidarité, sens de la justice. J’ écris pour résister à l’ imposture, à l’ escroquerie d’ un modèle social auquel je ne crois pas, car il n’ est pas vrai que ce qu’ on appelle globalisation nous rapproche et permette enfin à tous les habitants de la planète de se connaître, s’ entendre et se comprendre

Je partage pleinement la définition de notre époque donnée par José Saramago : l’ affrontement entre globalisation et droits de l’ homme, et j’ écris donc pour résister au nom de ces droits sacrés et inaliénables, qui ne peuvent pas être manipulés, administrés ou mutilés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

J’ écris parce que je crois à la force militante des mots. Je n’ ai jamais été ni ne serai un homme de convictions religieuses parce qu’ elles heurtent mes convictions morales, mais je garde du christianisme la formidable affirmation :

"Au commencement était le verbe", vérité jamais théologique mais grammaticale, car le mot est en soi un acte de fondation et que les choses existent à force de les nommer.

Au Chili, pendant les années noires de la dictature, les résistants chantaient ces vers de Paul Eluard : « J écris ton nom sur les murs de ma ville", et la Liberté existait au-delà de la mémoire immédiate, au-delà du désir fervent de la retrouver, au-delà de la douleur provoquée par la certitude de tant de morts en son nom. Elle existait dans toute sa splendide vigueur car la nommer c’ était à chaque fois la réinventer.

J’ écris par amour des mots et avec l’ obsession de nommer les choses selon une perspective éthique héritée d une pratique sociale intense. J’ écris parce que j’ ai de la mémoire et je la cultive en écrivant sur les miens, sur les habitants marginaux de mes mondes marginaux, sur mes utopies bafouées, sur mes glorieux et glorieuses camarades vaincus dans mille batailles et qui continuent à préparer les prochains combats sans craindre la défaite.

J’ écris parce que j’ aime ma langue et que j’ y reconnais la seule patrie possible, car son territoire est sans limites et son pouls un acte permanent de résistance.

J’ écris de la barricade solitaire d’ un créateur de mondes et, comme le disait Osvaldo Soriano, "avec la satisfaction responsable de celui qui se sait invité à habiter le coeur des meilleures personnes".

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