Une tribune pour les luttes

Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes

Histoire d’un procès contre la liberté d’expression et d’opinion face à la politique d’immigration actuelle.

Procès à Rennes vendredi 12 décembre 2008 . Délibéré au 12 janvier.

Article mis en ligne le samedi 13 décembre 2008

2007-2008

Le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes est régulièrement confronté à des témoignages de personnes, étrangères ou françaises, qui évoquent des contrôles d’identité douteux – que l’on nomme parfois « au faciès » – dans Rennes (notamment à la gare, dans le métro, voire dans la rue). Ces contrôles sont généralement attribués à la Police aux Frontières (PAF), service particulier de la police chargé de traquer les personnes sans-papiers.

Mars 2008

Au retour d’une sortie scolaire, 7 lycéen-ne-s étranger-e-s sont contrôlé-e-s sur des critères douteux par la PAF. L’un est interpellé et placé en rétention après avoir subi des examens médicaux (pileux, génitaux, osseux). Le contrôle d’identité et la mise en rétention provoquent une forte mobilisation du lycée de l’élève, ce qui permet de lui éviter l’expulsion.

2 avril 2008

Par ras-le-bol, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes organise deux rassemblements dans Rennes contre les pratiques et l’existence de la PAF. L’un des rassemblements se déroule devant les locaux de la PAF, route de Lorient, et rassemble une cinquantaine de personnes. Trois tracts et deux affiches accompagnent ces actions.


Juin 2008

Le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes est informé, par la Maison Internationale de Rennes (MIR), que des policiers cherchent ce qu’ils appellent les « animateurs » du collectif. Malgré les pressions et l’audition de sa directrice, la MIR refuse de donner des noms (d’autant qu’elle n’en connaît pas !).

Fin juin, une trentaine de membres du collectif se présentent spontanément au commissariat afin de connaître les motifs des recherches policières. Le responsable de l’enquête préliminaire refuse de répondre mais accepte d’auditionner deux personnes choisies par le collectif.

Le lendemain, le collectif apprend qu’une plainte a été déposée par le Ministère de l’Intérieur pour « diffamation et injures publiques à l’encontre d’un corps constitué de l’Etat », à savoir la PAF. C’est la diffusion, le 2 avril 2008, des 3 tracts et des 2 affiches qui sert de support à la plainte. Une bonne quinzaine d’expressions écrites sont caractérisées comme de la diffamation ou de l’injure.

Les auditions commencent tandis que la mobilisation s’organise. Un rassemblement de solidarité et d’explications rassemble environ 500 personnes place de la mairie à Rennes pour la liberté d’expression et d’opinion contre la politique d’immigration actuelle.

De nombreuses organisations associatives, syndicales, politiques publient des communiqués de protestation contre les pratiques policières à l’encontre de la MIR et contre la plainte ministérielle. Le Syndicat des Avocats de France (SAF) se met à disposition du collectif pour l’aider dans l’organisation de sa défense. Le conseil municipal de Rennes, le conseil général d’Ille-et-Vilaine et le conseil régional de Bretagne réagissent publiquement à l’affaire, déplorant la plainte ministérielle.


Juillet 2008

Au total, 9 personnes ont été auditionnées durant l’enquête préliminaire, dont 1 personne à Montpellier ! Si l’on excepte les 2 personnes choisies par le collectif, les 7 autres ont été convoquées par le responsable de l’enquête. Parmi ces personnes, 3 seulement avaient effectivement participé à l’action du 2 avril. 2 autres ont été auditionnées pour avoir participé à l’élaboration du site Internet du collectif (en 2003 !), 1 autre a été auditionnée pour avoir participé à une action du collectif…en 2006 ! Le déroulement des auditions consiste notamment à demander les noms des participant-e-s à l’action du 2 avril ou encore à demander l’opinion de chaque auditionné-e sur le contenu des écrits incriminés. Des photos et des vidéos sont utilisés durant les auditions.

Fin août 2008

Après les passages d’huissiers, le collectif apprend que 3 de ses membres sont appelé-e-s à comparaître devant le Tribunal correctionnel le vendredi 19 septembre 2008. Le procureur de la République a donc décidé de poursuivre le collectif suite à l’enquête préliminaire.

Selon le collectif, les 3 personnes ont été choisies arbitrairement puisque tout ce qu’elles ont fait durant l’action du 2 avril 2008 avait été décidé collectivement. La première a été choisie parce qu’elle a lu un des tracts incriminés devant la PAF. La deuxième a été choisie parce qu’elle a sonné à l’interphone de la PAF pour que les policiers entendent la lecture du tract. La troisième a été choisie parce qu’elle a répondu aux médias. A noter que l’enquête préliminaire s’est appuyée sur des images issues d’un reportage diffusé sur Internet par un organe de presse indépendant.

13 septembre 2008

En soutien au collectif, une manifestation dans Rennes rassemble environ 800 personnes pour la liberté d’expression et d’opinion contre la politique d’immigration actuelle.


19 septembre 2008

Lors de l’audience au Tribunal correctionnel, après demande des avocat-e-s du collectif et non opposition du Procureur, les juges décident de reporter le procès au vendredi 12 décembre 2008.

Octobre-novembre 2008

Le collectif organise la mise en place d’une procédure de comparution volontaire pour le jour du procès. A travers une trentaine de comparant-e-s volontaires, il s’agira de montrer que l’action du 2 avril contre la PAF était collective et que le choix arbitraire de trois personnes est inadmissible.

5 décembre 2008

Un rassemblement d’une centaine de personnes a lieu place Ste-Anne pour la liberté d’expression et d’opinion contre la politique d’immigration actuelle.

Vendredi 12 décembre 2008


JOUR DU PROCÈS : demandez le programme !

A partir de 13 heures = devant la Cité judiciaire, rassemblement de soutien au collectif, pour la liberté d’expression et d’opinion contre la politique d’immigration actuelle.

A partir de 14 heures = procès. Le jugement sera mis en délibéré après l’audience.

Vers 17 heures = fin prévue de l’audience = départ en manifestation pour rejoindre la halle Martenot où aura lieu une initiative municipale pour le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (de 17 heures à 22 heures). Le collectif tiendra un stand puis, vers 20 heures, participera à un débat public sur l’immigration (table ronde).

Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes

Assemblées générales chaque mardi à 18 h 30, à la MIR, 7 quai Chateaubriand (2è étage) à Rennes


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Vos commentaires

  • Le 13 décembre 2008 à 21:01, par Christiane En réponse à : le “combat généreux” du collectif .

    Libé-Rennes

    http://www.liberennes.fr/libe/2008/12/sans-papiers.html

    A Rennes, la PAF a les tracts des sans-papiers dans le pif

    JUSTICE - La salle du tribunal correctionnel de Rennes était pleine vendredi pour le procès de trois membres du collectif de soutien aux sans-papiers accusés d’avoir diffusé des tracts jugés diffamatoires et qualifiés d’”injures publiques envers un corps constitué”. En l’espèce la PAF ou police aux frontières. Au pied de la Cité judiciaire des dizaines de personnes étaient également venues soutenir les prévenus. L’objet du délit : trois tracts et deux affiches mettant en cause sur un mode satirique les méthodes de la PAF.

    “La police aux frontières recrute : rejoins-nous” interpellait un des tracts, énumérant les multiples “satisfactions” du métier : “cueillir quelques sans-papiers à leur domicile”, “organiser des contrôles d’identité au facies”, “menotter les sans-papiers à chaque fois que tu les déplace”, un métier qui en outre, “si tu aimes les enfants”, autorise leur “enfermement”, sans compter la possibilité de “calmer par une petite piqure” un “sans-papier trop bruyant”, etc. Cette prose n’a guère amusé la ministre de l’intérieur Michèle Allliot Marie qui déposait plainte en mai. Certaines expressions comme “la PAF aime les blagues racistes” ou “la PAF est le bras armé de la xénophobie d’Etat” ayant été plus expressément visées par la plainte. Devant le tribunal, l’une des prévenus, une institutrice de 48 ans, a rappelé que ces tracts visaient d’abord à “dénoncer des pratiques inadmissibles” et avaient été rédigés après le contrôle de sept lycéens d’origine africaine en gare de Rennes. Une autre prévenue, Ginette Janin, enseignante en retraite, s’étonne : “c’est la politique d’immigration de gouvernement qui était visée. Nous pensions qu’en démocratie on avait le droit de critiquer le gouvernement sans être poursuivi. Des hommes politiques, des journalistes ont dit la même chose que nous, pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ? chercherait t-on à faire taire le mouvement de soutien aux sans-papiers ? Tout ce que l’on dit ce sont des choses qui existent”.

    “On est dans la caricature pour faire passer des idées ?” interroge le président du tribunal.
    “Tout à fait ! Vous avez tout compris !”, s’exclame la prévenue.
    Cité comme témoin, le président socialiste du Conseil général d’Ille et Vilaine Jean-Louis Tourenne est venu rappeler les “humiliations” subies par des mineurs étrangers soumis aux tests osseux pour déterminer leur âge. Il s’inquiète aussi des "risques de dérive de la démocratie”, citant le projet de loi sur l’audiovisuel et l’interpellation récente et musclée d’un journaliste de Libération Vittorio de Filippis.
    “Y aurait t-il une volonté de juguler la liberté d’expression ?” s’est t-il interrogé à la barre.

    Dans son réquisitoire, le procureur de la république Hervé Pavy a commencé par louer le “combat généreux” du collectif et a insisté sur son entière indépendance dans cette affaire. Mais il a aussi défendu la “déontologie” des policiers, même si “il peut y avoir des dérapages”. Particulièrement choqué que l’on puisse dire des agents de la PAF qu’ils sont “familiers des idées racistes”, il a réclamé “une justice humaine et une peine d’amende, même si elle est symbolique”. Délibéré au 12 janvier.
    Pierre-Henri ALLAIN

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