Une tribune pour les luttes

"Je reviens d’Athènes" : une lettre du 17 décembre 2008

Article mis en ligne le vendredi 19 décembre 2008

Chers tous,

REGARDONS LES IMAGES :

http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/2008_greek_riots.html
http://www.youtube.com/watch?v=PK9lpMk7fiY>

Je reviens d’Athènes,

Il est indescriptible l’état dans lequel se retrouve mon pays.
Par quoi commencer ?
Par l’état de corruption de l’appareil de l’état et du gouvernement ?
Par la colère et le désespoir d’une grande partie des gens ?

J’essaie d’organiser mes idées, merci de votre patience de me lire :

Ce que tout citoyen grec sait (et que, quasiment tous les médias
admettent), c’est que le gouvernement vend notre pays, ses terres
publiques, ses lacs ( et ses ports, ses autoroutes, ses services
publiques), de façon illégale, depuis longtemps.
Hier, le premier ministre " a pris la responsabilité en personne" disant
qu’il "n’avait pas compris" ce qui se passait depuis de longues années
avec l’affaire dite " Monastère Vatopaidiou" et qu’il ne recherchera pas
de responsabilité politique (et encore moins pénale) pour un scandale
auquel au moins une dizaine de ministres en poste sont impliqués et
devraient démissionner s’ils avaient un peu d’honneur...

D’autre part, notre état ne versera pas les retraites ni ne couvrira les
frais de santé de personnes âgées et handicapées ayant cotisé pendant des
années. Les médecins conventionnés refusent dorénavant de soigner les
malades s’ils ne reçoivent pas à l’avance, en argent comptant, la totalité
de leurs honoraires, car la sécurité sociale ne prend plus en charge la
somme qu’en théorie elle doit prendre en charge. Les pharmaciens refusent
aussi dorénavant de donner de médicaments, s’ils ne reçoivent pas la
totalité des prix indiqués, pour les mêmes raisons, pour la même
défaillance de la sécurité sociale (IKA) grecque.

Les salaires des jeunes en plein temps (diplômés de deuxième ou de
troisième cycle ) sont de l’ordre de six cents ou sept cents euros net par
mois. Dorénavant, vu que la flexibilité de l’emploi va être d’une toute
autre nature, un employeur pourra engager sur un seul poste deux
personnes, chacun étant payé à mi-temps, le salaire étant divisé en deux
parties égales. Or, en cas de maladie d’une des deux personnes attachées
au poste, l’autre salarié aura l’obligation de remplacer l’absent sans
aucune récompense de salaire supplémentaire...

Il semble que les personnes âgées et handicapées et les agriculteurs
seront aussi dans la rue bientôt, bloquant, les uns, avec leur chaises
roulantes, les places publiques, les autres, avec leurs automobiles, les
autoroutes.
Ils manifesteront leur désarroi aux côtés des étudiants, lycéens,
collégiens, immigrants, employés, cadres moyens ou supérieurs, marginaux,
citoyens qui se sentent "trahis" par l’état de décomposition de ce que
nous avions - il y a longtemps- convenu d’appeler "LA CITE"... Des
arrestations de plusieurs jeunes et de manifestants ont eu lieu mais il
semble que se sont les immigrés qui en sont le plus visés.

Ce qui se joue en Grèce, aujourd’hui, est non seulement la crise
financière internationale et locale et ses conséquences matérielles, mais
aussi la noblesse du coeur et de l’esprit de ses citoyens qui exigent de
ne plus être pris pour des "moutons" ne comprenant rien, ne réagissant pas
aux absurdités écrasantes.

Espérons que les Grecs, jeunes ou moins jeunes, ne supportent plus un
mécanisme d’état complètement corrompu et inefficace (qui a été
responsable du fait que la moitié du pays a brûlé l’année dernière, sans
secours).
Espérons que l’on ne supportera plus l’hypothétique "régulation" de
l’économie par le marché (sachant que plus d’un billion d’euros en chèques
"en bois" ont été repérés depuis novembre dernier sur le marché
d’Athènes...).
Et que des économistes éclairés plaideront à nouveau pour
l’Etat -Providence.

Demain, 18 décembre, des manifestations auront lieu dans toutes les villes
grecques.
Six cent collèges et lycées sont déjà occupés, la majorité des
universités, des mairies, des radios, des plateaux de télévisions...
Une grande fête, fière, joyeuse, dangereuse et coûteuse aussi - tout comme
manipulable, et fragile.
Pensons-y...

Bonne soirée

Anastassia

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Tribune libre c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 245