Une tribune pour les luttes

Collectif Migrants Outre-mer (Mom) communiqué par le GISTI

Des conditions inacceptables de rétention à Mayotte poussent le contrôleur général des lieux de privation de liberté à dépêcher une mission sur place

+ communiqué Amnesty International et vidéo.

Article mis en ligne le samedi 20 décembre 2008

http://www.dailymotion.com/video/x7...

Anticipant la diffusion (« une » de Libération daté du
18/12/2008 et Amnesty international) d’une vidéo tournée dans le centre de rétention
administrative (CRA) de Pamandzi
,
qui donne un aperçu des conditions « indignes de la République » dans
ce lieu d’enfermement des étrangers en instance d’éloignement, le
collectif Migrants Outre-mer (Mom) a saisi en urgence, le17décembre au
soir, le contrôleur général des lieux de privation de liberté,
Jean-Marie Delarue. Dans un courriel adressé au Mom le 18 décembre au
matin, le contrôleur général répond :

« La situation du centre de rétention
de Pamandzi est préoccupante et les informations que vous me donnez,
comme d’ailleurs d’autres sources concordantes, sont alarmantes. Faute
de pouvoir se rendre ces mois derniers sur place, le contrôle général a
recueilli des informations de la Défenseure des enfants, qui s’est
rendue à Mayotte au mois d’octobre, en particulier dans ce centre. Dès
que possible, le contrôle général dépêchera sur place une mission pour
procéder à une analyse approfondie de la situation et faire les
recommandations qui s’imposent ».

Depuis 2006, il y a autour de 16 000 reconduites à la
frontière par an, mineurs compris, à partir de Mayotte – pour une
population de 187 000 habitants. Ce chiffre impressionnant ne saurait
être atteint sans violations des droits de l’homme. C’est notamment le
cas des conditions de maintien dans ce centre, qui portent atteinte à
la dignité de la personne humaine et aux droits de l’enfant. En
témoignent de façon manifeste les images du CRA, qui laissent voir en
outre que la porte de la salle réservée aux hommes est verrouillée - au
mépris des règles de sécurité les plus élémentaires, ainsi que du droit
de circuler librement dans l’enceinte des CRA et d’avoir accès
librement au téléphone.

Il n’existe pas d’alternative à la fermeture immédiate
du CRA de Pamandzi, où les étrangers sont soumis à des conditions
contraires aux obligations du Pacte international sur les droits civils
et politique, de la Convention internationale des droits de l’enfant et
de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité
(CNDS), qui s’est rendue sur place en janvier 2008, estimait déjà dans
son avis
du 14 avril 2008

que le centre de rétention administrative de Mayotte est « indigne de
la République ». L’avis de la CNDS rappelait que la capacité théorique
de 60 places « doit être respectée » ; or, dans la vidéo mise en ligne
par Libération et Amnesty international, le tableau des présents ce
jour d’octobre 2008 indique « 212 personnes dont 111 hommes, 45 femmes,
28 enfants de plus de 2 ans, 13 de moins de 2 ans et 5 gardés à vue »
(alors que ce n’est pas un local de garde à vue). La CNDS décrivait des
personnes entassées sur de « pauvres nattes » ou matelas à même un sol
de « béton brut dégradé », ce que cette vidéo rend désormais visible
par tous. Elle recommandait « instamment » qu’un règlement intérieur
soit établi et respecté ; aux dernières informations, un tel règlement
n’a toujours pas été affiché.

Selon des informations complémentaires recueillies par
Mom, la PAF aurait, il y a quelques mois, fait usage de gaz
lacrymogènes pour calmer le mécontentement des étrangers maintenus qui,
alors qu’une pidémie de gale affectait le centre, protestaient de
n’avoir reçu aucun soin, et ce sans qu’aucune précaution ait été prise
à l’égard des nombreux enfants présents.

Des témoignages attestent également que des étrangers
maintenus dans le CRA de Pamandzi ne seraient, comme le prévoit la loi,
informés de leurs droits ni au cours de la procédure de vérification
d’identité (pourtant plus longue à Mayotte qu’en métropole) ni pendant
la garde à vue, mais plusieurs heures après le début de la rétention.
Si ces faits étaient confirmés, ces étrangers seraient soumis à une
privation arbitraire de liberté contraire à la Déclaration des droits
de l’homme et à l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme. On rapporte même que, dans certains cas, les
procédures seraient établies après le renvoi des étrangers.

La Défenseure des enfants a également été alertée par
la Cimade sur la situation d’enfants isolés au sein du CRA. Dans son rapport rendu à l’issue d’une visite sur l’île les 6
et 7 octobre 2008
,
elle souligne que « les enfants, qui n’ont pas commis d’infraction,
n’ont pas à être placés dans un lieu privatif de liberté. » La
Défenseure des enfants précise qu’entre le 1er janvier et début
octobre, « 12 994 personnes ont été reconduites dont 2 194 enfants,
étant précisé que 628 d’entre eux avaient moins de 2 ans. (…) [L]es
associations ont rappelé leur inquiétude quant aux mineurs reconduits à
la frontière après avoir été déclarés majeurs dans le procès-verbal de
l’agent interpellateur. Certaines situations ont ainsi été évoquées,
témoignant de cette pratique consistant à inscrire les mineurs comme
étant nés le 1er janvier de l’année permettant de fixer leur majorité
(en 2008, tous les mineurs sont inscrits avec la date de naissance du
01/01/90) ». Dans son avis, la CNDS insistait aussi sur le fait que :
« Les conditions de vie au centre de rétention administrative de
Mayotte portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus ».

Le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de
l’Europe, qui a effectué une visite en France en mai 2008, a appelé les
autorités françaises « à ce que les droits de l’homme et la dignité
humaine soient respectés dans l’ensemble des centres de rétention et
que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte
soient immédiatement améliorées ».

Dans un communiqué du 18 décembre 2008,
Amnesty international demande également aux autorités françaises de
mettre un terme aux conditions de rétention indignes et inhumaines.

Le collectif Mom saisit les autorités judiciaires et
les invite à se transporter sur place comme la loi le leur permet. Il a
l’intention de saisir le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil
de l’Europe et le Comité de prévention de la torture. Il tiendra
informés le président de la Commission nationale de déontologie de la
sécurité (via des parlementaires), la Défenseure des enfants et le
Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

18 décembre 2008

Collectif mom

C/o Gisti, 3 villa Marcès, 75011 Paris


ADDE
(avocats pour la défense des droits des étrangers), AIDES, Anafé
(association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers),
CCFD (comité catholique contre la faim et pour le développement),
Cimade (service œcuménique d’entraide), Collectif Haïti de France,
Comede (comité médical pour les exilés), Gisti (groupe d’information et
de soutien des immigrés), Elena (les avocats pour le droit d’asile),
Ligue des droits de l’homme, Médecins du monde, Secours Catholique /
Caritas France



Amnesty International

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

18 décembre 2008

CENTRE DE RETENTION DE MAYOTTE

Amnesty International demande aux autorités françaises
de mettre un terme aux conditions de rétention, indignes et inhumaines

Dans le cadre de la Journée internationale des migrants, Amnesty International (AI) a adressé le 17 décembre 2008 aux ministres de l’Intérieur et de l’Immigration une vidéo et des photos prises à l’intérieur du centre de rétention de Pamandzi à Mayotte (1). La vidéo montre des migrants, hommes, femmes, enfants et nourrissons, entassées dans des salles fermées par des grilles à l’intérieur des locaux insalubres du centre.

Pour AI, ces conditions de maintien en rétention peuvent être assimilées à des traitements inhumains et dégradants pour les personnes qui les subissent.

Le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’issue de sa visite en mai 2008, a appelé les autorités françaises « à ce que les droits de l’homme et la dignité humaine soient respectés dans l’ensemble des centres de rétention et que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées ».

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui s’est rendue sur place en janvier 2008, a condamné « une organisation du centre, qui, faute de structures et de moyens logistiques et financiers correspondants au nombre de personnes retenues [engendre] une zone de non droit où le déni de la dignité est accepté par la puissance publique ». La CNDS cite le chef du centre : « la capacité théorique de soixante places est très régulièrement dépassée […] pour atteindre deux cent vingt personnes ; cette situation est ingérable pour les fonctionnaires et les personnes retenues ». L’avis de la CNDS précise que « depuis 1999, il est question de reconstruire le centre de rétention ».

La Défenseure des enfants pour la France, suite à sa visite sur l’île en octobre 2008, a insisté sur l’urgence des travaux à réaliser et souligne que « les enfants, qui n’ont pas commis d’infraction, n’ont pas à être placés dans un lieu privatif de liberté ».

Pour Amnesty International, les autorités françaises, qui se sont abstenues d’intervenir pour empêcher ces atteintes graves aux droits humains des migrants, ont aujourd’hui la responsabilité de prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à cette situation.

Pour en savoir plus sur la Journée internationale des migrants : www.amnesty.fr/droitsdesmigrants

Pour accéder à notre page spéciale Centre de rétention à Mayotte : www.amnesty.fr/mayotte

(1) Des copies de ces alertes ont été adressées au Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, au président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, à la Défenseure des enfants et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Service presse Amnesty International France
Aurélie Chatelard / Laure Delattre 01 53 38 65 77 - 65 41 / 06 76 94 37 05


Le centre de rétention administratif de Mayotte est«  indigne de la
République »
. D’une capacité théorique de 60 places, ce sont très
régulièrement 80 à 90 personnes s’y entassent sur de « pauvres nattes »
à même un sol de « béton brut dégradé ». Parfois elles sont 200,
« exceptionnellement 220 ». Ce constat accablant, c’est celui rendu en
avril dernier par la Commission nationale de déontologie de la sécurité
(CNDS).

Son enquête avait été diligentée après le naufrage en décembre 2007
d’une embarcation de clandestins percutée par une vedette de la police
qui naviguait tous feux éteints. Une femme et un bébé avaient alors
trouvé la mort.

Depuis, d’autres « kwassa » - les mauvaises barques empruntées par les
candidats à l’émigration - ont fait naufrage. Six morts et 16 disparus
en juillet. Quatorze morts et 7 disparus en novembre. A bord, souvent
des habitants d’Anjouan, l’île comorienne distante de seulement 70
kilomètres de Mayotte. Plus de 200 « kwassa » auraient été interceptées en
2008 par les autorités françaises, qui ont installé trois radars au sud
de l’île.

Depuis 2006, il y a autour de 16 000 reconduites à la frontière par an, mineurs compris, à partir de Mayotte – pour une population de 187 000 habitants. Ce chiffre impressionnant s’accompagne de violations permanentes des droits de l’homme. C’est notamment le cas des conditions de maintien dans ce centre, qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine et aux droits de l’enfant. En témoignent de façon manifeste les images du CRA, qui laissent voir en outre que la porte de la salle réservée aux hommes est verrouillée - au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires, ainsi que du droit de circuler librement dans l’enceinte des CRA et d’avoir accès librement au téléphone.

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Vos commentaires

  • Le 21 décembre 2008 à 18:41, par Christiane En réponse à : La Guyane, zone de non droit ?

    En matière de sécurité et de contrôle des activités de la police, il existe une "Commission nationale de la déontologie de la sécurité". Celle-ci, présidée par Roger Beauvois, vient justement de faire quelques recommandations que le contrôleur de la détention pourrait étudier.Interpellé par la Cimade (la seule ONG pouvant entrer dans les centres de détention) de Cayenne concernant des manquements graves commis par des gendarmes et policiers à l’encontre de trois personnes en situation irrégulière lors de gardes à vue et de rétention, la CNDS, après enquête, a rendu des avis selon lesquels elle recommande des sanctions disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, en cause dans ces affaires. Plus généralement, elle remet clairement en cause les conditions d’exercice de la rétention administrative dans ce territoire d’outre mer -

    Sur les activités du CNDS, les informations diffusées sur le site internet http://www.cnds.fr/ de cette institution sont édifiantes.

    Voici un lien plus accessible sur le site du Gisti :
    http://www.gisti.org/spip.php?article1325

    Extrait "Ni les économies budgétaires, ni la primauté donnée aux résultats chiffrés en nombre de reconduites effectives aux frontières ne peuvent justifier l’abandon des cadres légaux d’intervention et la présentation de procès verbaux contenant des réponses pré-remplies faussement prêté".
    La CNDS relève en Guyane, entre juillet 2006 et janvier 2008 au moins, de graves dysfonctionnements des méthodes de la police aux frontières et recommande des sanctions.

    A Mayotte, plusieurs témoignages relèvent les mêmes irrégularités et plus graves encore que les déplorables conditions de la rétention administrative largement médiatisées depuis deux jours.

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