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Médecins du Monde

Surmortalité des personnes sans abri à Marseille

Article mis en ligne le dimanche 19 avril 2009

Médecins du Monde publie une enquête inédite mettant en évidence la surmortalité des personnes sans-abri


La fin de la trêve hivernale va entraîner comme chaque année le décompte des décès attribués au froid au cours de l’hiver. Pourtant, si l’on sait que la surmortalité des sans abris n’est pas liée à la seule baisse du thermomètre, les causes réelles de décès des personnes à la rue restent le plus souvent inconnues : il existe très peu de données sur le sujet.

Médecins du Monde, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l’association Les Morts de la rue ont engagé depuis deux ans un travail commun sur la mortalité des personnes sans-abri à Marseille, en collaboration avec deux laboratoires de recherche (1). Sans être exhaustif, ce travail apporte des données rares permettant de documenter les causes de cette mortalité.

Il met en évidence des conditions de vie, d’état de santé physique et psychique et un niveau de prise en charge catastrophiques. Surtout, cette enquête démontre l’inadéquation du dispositif de soins existant par rapport aux besoins de cette population.

Sur les 44 dossiers retenus, constitués de 80 % d’hommes et de 20% de femmes, on
peut noter les résultats suivants :

* L’espérance de vie de ces personnes sans-abri est très nettement inférieure à celle de la population générale, avec une plus grande vulnérabilité des femmes : 41 anspour les femmes et 56 ans pour les hommes.

* La moitié avait été hospitalisée pour des pathologies digestives ou pulmonaires depuis le début de l’étude

* 7 cas de suicide sont à dénombrer ce qui représente une proportion importante (15%)

* Des problèmes d’addiction ont été relevés pour près de la moitié des dossiers (18/44).

* On note également 4 cas de pathologies psychiatriques. Celles-ci sont le plus souvent sous-estimées et sous-diagnostiquées

* Les personnes présentant des problèmes de santé mentale ont une surmortalité encore plus grande avec une espérance de vie de 37 ans en moyenne, en raison de lourdes pathologies chroniques associées.

* Les pathologies des personnes décédées ont été diagnostiquées à un stade très avancé, témoin d’une absence de suivi régulier et d’un problème d’orientation médicale en amont (plus de la moitié sont déjà décédés à leur arrivée à l’hôpital ou peu de temps après). « Certaines personnes sont venues jusqu’à 30 ou 40 fois aux urgences avant leur mort » explique le Dr Vincent Girard, psychiatre, praticien hospitalier. « Elles étaient bien en demande de soins, psychiques ou somatiques, mais cette demande n’a pas été perçue. »

Cette première étude met en évidence l’urgence de mettre en place un dispositif de prise en charge adapté, fondé sur une meilleure connaissance des besoins de cette population.

En effet, le fossé concernant la santé et sa prise en charge est considérable entre les personnes à la rue et la population générale, principalement en raison d’un parcours de soin inefficace.

Une approche spécifique et une meilleure articulation notamment entre les services hospitaliers et ceux de santé mentale, mais également avec les acteurs sociaux semble indispensable pour améliorer le dispositif existant. De même, les structures posthospitalisation, type lits haltes soin santé et lieux de vie thérapeutiques en lien avec les équipes soignantes sont des pistes à approfondir. Dans cette perspective, Médecins du Monde et l’Assistance publique Hôpitaux de Marseille ont mis en place à Marseille une expérience innovante, grâce à une équipe pluridisciplinaire en santé mentale.

Pour lier un contact et gagner la confiance des personnes souffrant de troubles psychiques qui vivent dans la rue, l’équipe de rue s’appuie sur des soignants mais aussi des « travailleurs pairs » ayant une expérience personnelle de la rue . Des lits halte soins santé de psychiatrie ont également ouvert au sein de l’APHM pour proposer une alternative à la rue, par exemple après une hospitalisation. Enfin « le Marabout du 46 » a ouvert ses portes : un lieu de vie ouvert le jour pour toute personne de la rue, et habitat privé de nuit pour les personnes nécessitant un suivi psychiatrique particulier. Habitants, éducateurs, soignants et gens de passage s’y retrouvent.

L’objectif est d’apporter une aide médico-sociale en créant un réseau individualisé autour de chaque personne de manière à initier un parcours de soins adapté, loin du cloisonnement du système de santé actuel.


1 Laboratoire de médecine légale (Pr.Léonetti) pour les personnes retrouvées mortes dans la rue et le département d’informatique médicale (Pr Thirion)


Lire ou enregistrer l’étude en PDF :


Mortalité des personnes
sans abri à Marseille
Premières données et premières analyses

sur :

http://www.medecinsdumonde.org/fr/p...

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