Une tribune pour les luttes

Un autre point de vue sur le KO SOCIAL

A Bourges, tentative de blocage du cortège libertaire par le Service d’Ordre du KO Social

(VOIR AUSSI L’AGENDA DU 24 MAI)

Article mis en ligne le dimanche 16 mai 2004

Sollicité comme beaucoup d’autres associations locales, le Collectif des Libertaires de Bourges s’est retiré de l’organisation du KO Social qui se déroulait pendant le Printemps, le 23 avril.

l y avait plusieurs raisons à ce retrait (pour plus de détails, voir l’article paru dans Indymedia) :
- 1° la subvention demandée au Conseil Régional pour payer des places gratuites aux chômeurs et précaires (alors que ces places auraient pu être financées par des économies pratiquées sur de nombreux postes du budget) ;
- 2° l’absence de contenu politique de l’initiative ;
- 3° la compromission avec la direction du Printemps de Bourges pour lequel l’objectif était de casser tout mouvement de grève des intermittents ;
- 4° la dérive autoritaire, les organisations berruyères étant entièrement dépossédées de toute forme d’initiative.

L’intégration institutionnelle du KO au Printemps de Bourges nous a par la suite confortés dans notre décision :
journal quotidien sur papier glacé, radio temporaire animée par le frère de Manu Chao (Antoine Chao de chez Mermet), tee-shirts vendus sur les stands du Printemps.

A la suite de notre départ, il nous était impossible de ne rien faire.

Nous pensons en effet qu’avec son aspect « manifestif » le KO est une vaste fumisterie nuisible au mouvement social. Vide de tout contenu revendicatif, il satisfait la mauvaise conscience de militants de gauche fatigués et flatte dans le sens du poil des journalistes avides de simplification. Il serait dramatique que cette formule à la mode s’impose comme la norme de « ce qu’il faut faire » en terme de militance.

Il nous semblait maladroit, sinon plus, d’apparaître à la manifestation avec drapeaux et slogans libertaires. En effet, la manif était censée être « no logo » et il aurait été aisé de nous en virer en nous accusant de
faire de la récupération. Aussi, tout en respectant cette contrainte du « no logo », avons-nous choisi de dénoncer sur le mode de la dérision le fait que le KO social n’était pas un mouvement contestataire véritable
mais bien davantage un spectacle de la contestation.

Notre dispositif comprenait tout d’abord une série de vingt-cinq panneaux recto verso qui portaient des slogans absurdes comme : « Ne bradez pas nos nuages », « 
Prout la droite », « Robespierre, reviens, ils ont perdu la tête », « On a tous besoin d’amis », « Si ça continue, on va faire une manif », « On n’est pas trop trop contents », « On a soif », etc. Le tout écrit en
orthographe SMS et sous-titré d’une même formule : « La lutte sociale n’est pas une soirée de gala ». Pour insister sur le néant politique qu’est le KO, nous avions ensuite une grande banderole absolument blanche,
vierge de tout caractère. Nous avions enfin préparé des slogans scandés comme « Claude François, Dalida / Victimes du système / Les Têtes Raides idem » ou encore la chanson « Chaud chaud cacao (so-cial !) / Chaud chaud
chaud chocolat / Si t’as des problèmes sociaux / j’t’organise une soirée de gala ».

Nous avions donc opté pour le foutage de gueule et ne nous attendions pas à nous faire que des amis. Mais la réaction de la manifestation « officielle » a dépassé tout ce que nous imaginions. Le service d’ordre, bien que squelettique (un Confédération Paysanne, un FSU moustachu, et deux ou trois adolescents), s’est montré immédiatement agressif. Le cortège n’avait pas encore démarré que le S.O. a tendu entre les manifestants « normaux » et nous un cordon sanitaire.

Devant le cordon, environ 500 manifestants, tous équipés des mêmes pancartes jaunes (« On a faim », « Liberté de circulation », « A l’attak », plus deux ou trois autres formules du même tonneau). Ce troupeau légèrement amorphe se traînait bien sagement et de façon fort peu festive.
Il reprenait en chour le seul slogan proposé (« KO social, KO social. ») sans se donner la peine d’en inventer de nouveaux.

Derrière le cordon, une cinquantaine de personnes, pour le coup un peu énervées de cette ségrégation et qui réclamaient en cour la « liberté de circulation dans la manif » ! Elles étaient suivies d’un petit cortège CGT
exclu quant à lui parce que porteur de drapeaux avec sigles. La situation était rendue totalement absurde par le fait que ce que le service d’ordre empêchait de passer, c’était une banderole entièrement blanche ! Ce
n’était certes pas la teneur du slogan qu’elle (ne) portait (pas) qui pouvait gêner les organisateurs du KO ! Ce qu’ils ne supportaient pas, c’était l’expression de la moindre critique au sein de leur mécanique unitaire
bien huilée. Toute voix discordante devait être refoulée. Cette intolérance nous a finalement servis en nous rendant bien plus visibles que si nous nous étions dispersés. Quand nous avons décidé de le faire, nous avons bien sûr débordé le service d’ordre, décidément insuffisant, et avons recollé à la queue de la manif, suivis par une CGT qui avait l’air elle-aussi de bien s’amuser de la situation.

Bilan positif au final. Nous avons rendu visible l’existence d’une divergence de fond importante. D’une part des soi-disant chanteurs engagés, qui se servent du spectacle d’une contestation soft pour se faire de la thune, aidés par des mouvements de gauche qui ont perdu même l’idée de ce que pouvaient être les luttes véritables. De l’autre côté, des militants qui refusent de brader le sens des combats qu’ils mènent. Bien
sûr les libertaires ne sont pas seuls sur ce terrain. Des syndicalistes de SUD ou de la CNT se sont retrouvés sur la même longueur d’onde. A une grande majorité, les intermittents en lutte depuis l’été dernier ont refusé de participer à la mascarade et, pour cela, ont du subir une agression verbale inqualifiable de la part de Grégoire des Têtes Raides et de sa clique. Nous sommes par ailleurs convaincus que la façon dont s’est déroulé le KO social à Bourges a détrompé de nombreux militants qui avaient choisi de bonne foi d’y participer. Si les prestations scéniques des groupes de musique étaient techniquement au point, c’était loin d’être le cas pour la partie politique du spectacle. Les incidents se sont
multipliés (une intervention inaudible faute de micros, un film fourni sur trois formats différents mais qui n’a pu être montré au public, un animateur ivre et sexiste, des dessinateurs du KO qui se moquaient en direct des gens exposés sur scène.) à tel point qu’il devenait patent que les militants berruyers n’étaient là que comme faire-valoir des musiciens.
Et non pas le contraire.

Les prochains KO se dérouleront à Marseille, Toulouse, Nancy. Ici, nous n’avons pu réagir que dans l’urgence, avec des moyens restreints. Dans les villes où passera la tournée, nous pensons qu’il est important de
s’organiser pour faire barrage aux pratiques du KO social. Parce qu’elles sont autoritaires et vaines. S’il est inutile de mouiller la chemise pour un KO social qui ne met KO que ceux qui croient en lui, il peut être au
contraire pertinent de créer des convergences entre tous ceux qui estiment que la vraie lutte est ailleurs. Des convergences faites à la base, sur des pratiques de démocratie directe, et pour le développement de luttes
concrètes. Si le KO pouvait au moins servir à cela.

www.liberturiges.fr.st

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