Une tribune pour les luttes

Grippe A : la vaccination tourne au sketch

Les mots ont un sens, par Napakatbra

Article mis en ligne le vendredi 6 novembre 2009

http://www.lesmotsontunsens.com/gri...

6 novembre 2009

La vaccination de masse contre la grippe A commencera jeudi prochain 12 novembre , mais rien n’est prêt. Médecins et infirmières rechignant à se porter volontaires, les préfets sont contraints de réquisitionner les récalcitrants. Ambiance.

Roselyne Bachelot a recommandé, vendredi, une vaccination en deux injections pour l’ensemble de la population au titre d’un "schéma vaccinal prudentiel", dans la droite ligne de l’Agence européenne du médicament (EMEA)... tout juste une semaine après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ait préconisé l’injection unique. Avec 94 millions de doses commandées et seulement 13 millions de Français prévoyant de se faire piquer, on pourrait même pousser le bouchon "prudentiel" jusqu’à 7 injections par tête de pipe. Pourquoi se gêner... D’autant que l’OMS vient de rappeler que "non seulement les vaccins constituent bien la meilleure barrière contre le virus de la grippe A, mais en plus, ils sont vraiment sûrs". Dont acte.

Les préfets réquisitionnent

Sauf que pour vacciner, il ne suffit pas de balancer les cartons de seringue d’un avion, en pleine cambrousse. Il faut aussi des locaux et du personnel : le Ministère de la Santé a prévu 1 centre pour une brochette bien fournie de 100.000 habitants. Chaque centre sera géré par une à quatre équipes, chacune composée d’un ou deux médecins, de deux à trois infirmières diplômées épaulées de deux élèves infirmiers, sans compter le personnel administratif chargé de remplir la paperasse. Paris disposera de 22 centres, la Lozère se contentera de cinq...

Problème : le corps médical ne se bouscule pas au portillon, rebuté par les postillons ? Les préfets sont ainsi contraints de dégainer les réquisitions. Deuxième problème, en période d’épidémie galopante, réquisitionner un médecin du jour au lendemain pour une période allant de 1 à 4 mois n’est pas anodin, surtout dans les zones peu dotées (la Lozère compte en tout et pour tout 176 médecins, selon le décompte du Conseil Général, y compris les spécialistes et les hospitaliers).


Vaccination des équipes médicales

Troisième problème. Très peu de médecins ont jusqu’à présent accepté de se faire vacciner, mais pour éviter d’exposer du personnel non immunisé, Mâme Bachelot a réponse à tout : "toute équipe de vaccination devra s’auto-vacciner lors de sa première vacation" dit la circulaire du 24 août. Ce qui n’est pas fait pour encourager les récalcitrants à se porter volontaires. Surtout si l’on considère que le corps humain (même celui des médecins, si si) met deux semaines à s’immuniser après la piquouze fatidique. En ajoutant les 3 semaines d’attente entre les deux injections (un peu de mauvais esprit ne fait pas plus de mal qu’une piqûre), on arrive à 8 semaines d’attente au total avant que la décoction produise théoriquement son effet. La plupart des centres auront alors déjà réalisé le plus gros du boulot.

"Faute disciplinaire"

Du côté des infirmiers en herbe, certains préfets (comme à Melun), confrontés à une fronde massive, ont décidé de réquisitionner tous les élèves de 2ème et 3ème année, deux jours par semaine... Autant de disponibilités retirées aux hôpitaux du coin, qui les attendaient de pied ferme lundi prochain, date du début de leur stage. Hôpitaux qui n’ont toujours pas été officiellement informés de la mesure de rétorsion. Et en cas de refus ? Certains se sont vus menacés de "faute disciplinaire" susceptible de remettre en cause la suite de leurs études. A la guerre comme à la guerre !

Dans les centres hospitaliers, d’ailleurs, la tension est à son comble. Les vacances n’ont pas eu l’effet escompté sur l’épidémie. Et la propagation du virus a "continué de s’intensifier", avec 341 000 consultations la semaine dernière, selon l’Institut de veille sanitaire. Dommage, car le personnel médical - aussi - prend des vacances. Mais cette fois, interdiction absolue de partir à l’étranger ! Dixit le ministère de la Santé, qui a quand même accédé aux demandes pressantes des médecins hospitaliers : depuis une semaine, les services d’urgence ont le droit d’embaucher du personnel temporaire... introuvable, en si peu de temps. Merci quand même.

La guerre du Tamiflu

Une anecdote, en passant : en septembre, l’hôpital Jean Verdier de Bondy a reçu des caisses de Tamiflu. Le personnel n’en est toujours pas revenu : il s’agissait de l’ensemble des doses disponibles pour les enfants du 9-3 ! Le médicament n’étant pas encore disponible dans les pharmacies publiques, les jeunes séquano-dionysiens qui s’étaient vus prescrire l’antiviral magique devaient obligatoirement repasser par la case hosto, pour y être à nouveau examinés, avant de pouvoir toucher le Graal ! Tout cela sans personnel supplémentaire (ils ont méthodiquement vidé tous les cartons pour vérifier). Bien sûr, il va sans dire que l’hôpital est très bien desservi par les transports en commun : un arrêt de bus et le canal de l’Ourcq à proximité. Au bout de 10 jours, panique à bord, et changement de cap, le Tamiflu pouvait être distribué sans nouvelle consultation. Puis, rapidement, nouveau changement de cap, le Tamiflu a pu être distribué dans les pharmacies de ville. Ouf ! Et bientôt en diffusion express dans l’eau du robinet ?

Dernier problème et pas le moindre, l’épidémie devient de plus en plus inquiétante : un chat américain a été contaminé par ses maîtres ! Là, ça devient sérieux...

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