Une tribune pour les luttes

Le « devoir de réserve » d’un " Prix Goncourt"

Eric Raoult souhaite remplacer le prix Goncourt par la dictée de Bernard Pivot

Marie Ndiaye : "Je persiste et signe !"

Article mis en ligne le mercredi 11 novembre 2009

Le 11 novembre 2009

Avec les liens et les illustrations :

http://onsefechier-anatic6.blogspot...

« Les artistes estiment avoir le droit de tout dire »

Tel est le triste constat dressé par Eric Raoult, après sa lecture dans la revue les Inrockutibles de l’entretien de Marie N’Diaye, dernière lauréate du Prix Goncourt, à qui il n’a pas manqué de rappeler son "devoir de réserve" afin de préserver l’image de la France. Le député-maire UMP, en bon libéral, aime la liberté d’expression, et entend lui redonner plus de vigueur, plus de force :

« Quoi de plus réjouissant, pour un artiste, que de s’exprimer totalement, librement, à travers une dictée, surtout quand elle est lue par Bernard Pivot. L’orthographe recèle une telle puissance créative. Les auteurs d’aujourd’hui négligent trop souvent ce moyen d’expression, ils préfèrent inventer des histoires à eux, qui la plupart du temps ne se sont même jamais réellement produites. On est à la limite de la diffamation, là. »

Ainsi, le député-maire souhaite revaloriser la dictée en lui donnant une place d’honneur, puisque c’est cet exercice qui devrait permettre d’élire le prochain lauréat du Prix Goncourt. Des textes allant d’Enrico Macias à Henri Guaino, ou pourquoi pas, de Carla Bruni seront sélectionnés à cette fin. Le maître de cérémonie, Bernard Pivot, membre de l’Académie du Goncourt, donnera la lecture aux candidats.
Une idée moderne, certes qui va certainement une nouvelle fois soulever la polémique chez ceux qui préfèrent critiquer l’action du gouvernement au lieu de se lever tôt pour aller travailler, mais qui a le mérite de relancer le débat de la liberté d’expression.

« Tenez, par exemple, ma secrétaire : je lui dicte des lettres tous les jours. Et bien, elle a l’air de s’en porter très bien »

Toujours sur le pont, Eric Raoult est également très vigilant à l’égard de la liberté d’expression journalistique :

« Le problème est différent. Les journalistes ne doivent pas donner leur opinion, ils doivent se contenter d’énoncer les faits tels qu’ils se sont produits.

Par exemple, quand un journaliste écrit que le programme du gouvernement et de Nicolas Sarkozy est ambitieux, visionnaire, courageux et nécessaire, ce n’est pas une opinion, c’est un fait. Il est là tout-à-fait dans son rôle.

Quand tel ou tel autre journaliste vient provoquer le très respectable président tunisien Ben Ali, par ailleurs grand ami de la France de Nicolas Sarkozy, en évoquant par exemple la poignée de journalistes - paraît-il - dans les prisons tunisiennes, je pense qu’on devrait les y inviter quelque temps afin qu’ils prennent toute la mesure de ce qu’ils disent. Qu’ils se méfient, car la France n’a pas non plus vocation à être le pays de l’anarchie journalistique. »

« Etienne Mougeotte, par exemple, est un excellent professionnel. Il donne une très bonne image de la France. Je pense que les jeunes journalistes devraient prendre exemple sur lui. »

Spécialiste de la liberté d’expression, Eric Raoult porte un regard moderne sur ces questions.

« La publicité, par exemple, est un vecteur fort de liberté d’expression et d’art populaire. Qui n’a jamais chanté au moins une fois, sous la douche : "Andros, Andros, ça c’est fort de fruits" ? »

Habile sur tous les sujets, et fortement opposé à l’homoparentalité, c’est encore lui qui avait déclaré « Dès qu’il y a un enfant, il faut un papa et une maman », relançant ainsi le débat sur l’interdiction du divorce.

Enfin, conscient que la « liberté-des-uns-s’arrête-où-commence-celle-d’autrui », il soutenait une loi visant à rétablir la peine de mort - attendez, revenez, seulement dans certains cas - notamment pour tout ce qui ressemble à du terrorisme.

«  Le sarkozysme est un humanisme », aurait sans doute écrit Eric Raoult si lui-même n’avait pas fait voeu de chasteté intellectuelle à l’âge de 15 ans. C’est en effet à ce moment qu’Eric Raoult, alors en classe de seconde B3 au Lycée Janson de Sailly, décida, courageusement et en son âme et conscience, de ne plus jamais lire un livre, et de ne plus jamais tenir un stylo. Ecoeuré par «  La princesse de Clèves », il fustige alors avec ironie tous ces « pseudo-écrivains qui savent tout mieux que les autres ».

C’est pourquoi même, selon certaines sources, il s’attaquerait à la rédaction (avec l’aide de sa secrétaire) d’une proposition de loi visant à instaurer un « couvre-feu » pour les écrivains anti-sarkozystes. C’est une manière de siffler la fin de la récréation.

« Ca a bien marché avec les bandes de racailles, pourquoi pas avec les écrivains, ils ne sont pas plus bêtes que les autres. »

Publié par Jean-Pierre Martin


9 novembre 2009


Eric Raoult rappelle Marie NDiaye à son « devoir de réserve »

Par Grégoire Leménager

On ignore si Monsieur Eric Raoult, député UMP de Seine-Saint-Denis et maire du Raincy, a ouvert « Trois Femmes puissantes », qui a reçu le prix Goncourt la semaine passée. Mais on sait désormais qu’il lit les « Inrockuptibles », à qui Marie NDiaye pas encore primée avait accordé une interview à l’occasion de la sortie de son livre.

Il vient de rendre publique son intention de demander à Frédéric Mitterrand qu’il rappelle, en sa qualité de ministre, la romancière à un « devoir de réserve » dont on ignorait jusqu’à présent l’existence :

« Monsieur Éric Raoult attire l’attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le devoir de réserve, dû aux lauréats du Prix Goncourt. En effet, ce prix qui est le prix littéraire français le plus prestigieux est regardé en France, mais aussi dans le monde, par de nombreux auteurs et amateurs de la littérature française. A ce titre, le message délivré par les lauréats se doit de respecter la cohésion nationale et l’image de notre pays. Les prises de position de Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2009, qui explique dans une interview parue dans la presse, qu’elle trouve "cette France [de Sarkozy] monstrueuse", et d’ajouter "Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux", sont inacceptables.

Ces propos d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l’égard de ministres de la République et plus encore du Chef de l’État. Il me semble que le droit d’expression, ne peut pas devenir un droit à l’insulte ou au règlement de compte personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions, plus de respecter le rôle et le symbole qu’elle représente. C’est pourquoi, il me paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité. Il lui demande donc de lui indiquer sa position sur ce dossier, et ce qu’il compte entreprendre en la matière ? »

Marie NDiaye est née à Pithiviers en 1967. Découverte par Jérôme Lindon, elle est l’auteur d’une douzaine de livres, dont « Rosie Carpe », « la Femme changée en bûche », « la Sorcière » ou « Hilda ». Elle vit à Berlin, et vient de recevoir le prix Goncourt 2009 pour « Trois femmes puissantes ».

Va-t-il falloir dissoudre l’Académie Goncourt ? Ou retirer sa carte d’identité (nationale) à Marie NDiaye ? L’an passé, déjà, Atiq Rahimi avait clairement pris position contre l’expulsion de réfugiés afghans. On attend avec impatience de savoir comment l’auteur de «  la Mauvaise vie » va arbitrer ce conflit douteux entre littérature, politique et liberté d’expression.

G.L.

PS. A la question posée dans l’entretien incriminé,«  Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ? », Marie NDiaye avait en effet donné cette scandaleuse réponse :

« Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants - ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux.

Je me souviens d’une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j’aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c’est la mort". Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n’a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n’a plus. »

http://bibliobs.nouvelobs.com/20091...


http://www.lesinrocks.com/actualite...

Marie Ndiaye : "Je persiste et signe !"

Dans un entretien qu’elle nous a accordé mercredi 11 novembre au soir, Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, maintient les propos qu’elle a tenus dans Les Inrockuptibles en août dernier, et qui avaient choqué le député UMP Eric Raoult.

Le
11 novembre 2009

par
Nelly Kaprièlian

Le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, ne s’est toujours pas prononcé face à Eric Raoult qui lui demandait de vous rappeler votre devoir de réserve en tant que Goncourt. Comment réagissez-vous ?

Je suis très déçue. La lettre de Raoult lui était adressée directement, officiellement, et il me semble qu’il est assez facile de répondre à cela lorsqu’on est ministre de la culture, il est assez facile en principe de répondre sur la liberté d’expression de l’écrivain … Au moment de l’affaire Polanski, Frédéric Mitterrand avait dit que comme ministre de la culture, il était là pour soutenir les artistes et ne pas les abandonner. Donc oui, je suis étonnée qu’il ne m’ait pas encore soutenue. J’attends de Frédéric Mitterrand qu’il mette un point final à cette affaire Raoult qui est quand même pour le point grotesque.

Quelle a été votre première réaction en apprenant qu’Eric Raoult trouvait vos propos sur la France de Sarkozy dans notre interview pour Les Inrocks scandaleux ?

Je me suis demandé si c’était réel, si c’était une blague, cela me semblait si ridicule… Mais en fait, connaissant un peu le personnage, cela ne m’a pas semblé si étonnant de sa part. Il n’empêche qu’hélas, le ridicule ne tue pas.

Nous vous avons contacté dés lundi soir et vous n’aviez pas voulu réagir sur le coup. Pourquoi ?

Parce ce que d’une part j’aurais eu l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en devant rappeler le droit à la liberté d’expression. Et puis j’avais d’autre part une répugnance à ce qu’une audience, une importance, soit donnée à cette homme-là qui est toujours à la limite de la droite extrême. Donc je me suis dit que si cette histoire était peu évoquée, s’il n’y avait pas de rebondissements, cela ne valait pas la peine de donner de l’importance à des gens de cette sorte. Mais comme l’histoire remue beaucoup, il n’y a plus de raison de se taire.

Vous comprenez cette idée de « droit de réserve » pour un prix Goncourt ?

Absolument pas. Le droit de réserve ne s’applique qu’aux fonctionnaires de l’état, et je ne suis absolument pas employé de l’état en ayant obtenu le Goncourt. Je rappelle par ailleurs que notre entretien remonte à plusieurs mois avant le Goncourt, mais quand bien même… Bernard Pivot a été très clair sur cette histoire de « droit de réserve » en disant que les écrivains ayant eu le prix Goncourt n’y étaient pas tenu.

Vous avez donné un entretien à Europe 1 au micro d’Elkkabache où vous dites que vos propos sur la France de Sarkozy, que vous jugiez monstrueuse dans notre entretien, étaient excessifs. Vous le pensez toujours ?

Au vu de ce qui se passe aujourd’hui avec cette histoire Raoult, je réitère et maintiens mes propos absolument. Quand j’ai fait cette interview pour Europe 1 lundi matin (et non pas lundi soir comme cela a été présenté par Europe 1 – ndlr), je souhaitais affiner mes propos. Je ne voulais pas donner l’impression que Jean-Yves (Cendrey, le compagnon de Marie NDiaye – ndlr) et moi-même nous présentions comme des écrivains des années 30 qui auraient fui le fascisme, car cela aurait été disproportionné. Si l’entretien avait eu lieu après que j’aie eu connaissance de ce que me reproche Eric Raoult, je n’aurais pas pris ce soin, cela aurait été très différent. Au contraire : je persiste et signe !


Qu’aimeriez-vous ajouter ?

J’en appelle toujours à Frédéric Mitterrand qui doit maintenant intervenir dans ce débat ridicule, et y mettre un point final.

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