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Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté

Appel pour le soutien à Alicja Tysiac dans son procès en appel contre le magazine " Gosc Niedzielny " et l’épiscopat polonais

Pour le droit à l’avortement

Article mis en ligne le mercredi 3 février 2010


Historique du combat d’Alicja Tysiac pour le droit à l’avortement

Alicja Tysiac, jeune femme issue de la classe ouvrière polonaise a pu, soutenue par les féministes polonaises, faire condamner en 2007 l’Etat polonais par la Cour Européenne des Droits de l’Hommes (CEDH) pour refus d’IVG légale au terme d’une longue lutte juridique.

Depuis l’interdiction de l’IVG en 1993 en Pologne, la loi ne permet d’avorter qu’en cas de viol, de malformation du f¦tus et de danger pour la santé de la mère. Lourdement handicapée suite à ses deux premières grossesses, Alicja craignait de perdre définitivement la vue lorsqu’elle s’est retrouvée enceinte pour la troisième fois. Elle demanda une autorisation d’une IVG légale, mais les médecins la lui refusèrent au terme de procédures humiliantes et dégradantes dans lesquelles son handicap a été nié et moqué.
Mais Alicja ne voulait pas être une victime du système fondamentaliste patriarcal : elle attaqua donc les institutions polonaises pour non-respect de la loi jusqu’à se retrouver devant la plus haute juridiction européenne. _ La CEDH ne statua pas cependant sur la question même de l’IVG, mais a néanmoins condamné l’Etat polonais pour non-respect du droit, du fait du manque de procédure de recours face au refus de l’IVG.

Le combat d’Alicja contre le sexisme des médias ecclésiastiques et de l’Eglise polonaise

Depuis, l’ensemble de la classe politique polonaise considère son acte d’assigner son pays devant la justice européenne comme scandaleux et inconcevable. Alicja est ainsi présentée comme l’ennemie de la nation par l’Eglise polonaise, de l’Episcopat aux médias dépendants de l’Eglise ou appartenant aux membres du clergé telle la célèbre radio extrémiste Radio Maryja. Elle est régulièrement décrite comme une véritable incarnation du mal dans la presse des paroisses, dénigrée publiquement et insultée au cours de messes, dans les sermons, les discours publics et ce non seulement par des prêtres fondamentalistes, mais également par des hiérarques de l’Eglise polonaise.

Dans son combat pour préserver son honneur et sa vie, Alicja a décidé de contre-attaquer : le 30 juin 2008 elle a assigné en justice le rédacteur en chef du magazine ecclésiastique à grand tirage " Gosc Niedzielny " (" L’invité du Dimanche ") et la société d’édition de ce magazine appartenant à l’Episcopat. Alicja Tysiac s’estime diffamée, calomniée et injuriée par le magazine qui de façon répétée l’a présentée comme une meurtrière d’enfants et l’a comparée aux criminels nazis. Alicja Tysiac a demandé des excuses et des dommages et intérêts.

La victoire d’Alicja Tysiac en première instance

Le 23 septembre dernier la juge du tribunal de Katowice a condamné le magazine et l’archevêché de Silésie à publier des excuses et à verser 30 000 Zlotys de dommages et intérêts (10 000 Euros) à Alicja Tysiac. Ce jugement constitue une première victoire sur le fondamentalisme religieux en Europe de l’Est. Il ouvre une première brèche en condamnant fermement les discours de haine ainsi que à l’instrumentalisation de la Shoah à laquelle l’avortement est comparé dans les médias et les prêches de l’Eglise en Pologne. C’est aussi première victoire idéologique des laïques et des féministes en Europe de l’Est sur le fondamentalisme religieux depuis 1989.

Le procès en appel le 19 février 2010

L’Eglise polonaise ne pouvant pas désavouer tout le discours idéologique dans lequel les femmes " avorteuses " jouent un rôle de bouc émissaire primordial, l’archevêché de Silésie refuse de s’excuser auprès d’une femme et fait appel de la décision du Tribunal. Le procès en appel, fixé au 19 février prochain, se basera sur des erreurs de procédures. Une analyse des arguments des évêques faite par les avocats d’Alicja révèle la stratégie suivante ; selon l’Eglise :
1. le verdict de la CEDH n’est pas pertinent pour la juridiction polonaise car il n’a pas été publié en polonais (la CEDH ne publie qu’en français et en anglais)
2. La liberté d’expression permet de commenter le verdict de la CDHU
3. Le Concordat, étant un traité international (entre le Vatican et l’Etat) a la préminance sur le verdict du tribunal local et l’article 20 de ce concordat aurait été violé.
4. La jeune juge du tribunal local a mal interprété le verdict de la CEDH et elle est de toute façon jugée totalement incompétente.
5. Le verdict de la Cour locale n’a pas tenu compte de l’opinion publique polonaise qui condamne Alicja et le verdict de la CEDH.
6. Les institutions UE n’ont pas de compétences par rapport aux Eglises car la relation avec celles-ci est du domaine des Etats nationaux (principe de subsidiarité)

Les arguments principaux des avocats d’Alicja sont :
1. La Pologne a signé la Convention Européenne sur les Droits de l’Homme et par conséquence elle est soumise à la juridiction de la CEDH
2. Il est inacceptable d’instrumentaliser la Shoah affin de délégitimer l’avortement’
3. Il est inacceptable de comparer la CEDH aux criminels nazis
4. Un tribunal doit prendre ses décisions indépendamment de l’opinion publique
5. La liberté d’expression a des limites, notamment quand il s’agit d’institutions fortes comme l’Eglise catholique polonaise et des medias dominants face à une femme seule issue des classes populaires.

La victoire d’Alicja à la Cour de première instance a été très importante.

Ce procès marque une rupture dans les combats défensifs que les féministes et les laïques d’Europe mènent contre le fondamentalisme religieux depuis 30 ans. Pour la première fois la hiérarchie polonaise a été condamnée à s’excuser auprès d’une femme pour ne pas avoir respecté sa décision d’avorter, en conformité avec les lois de son pays.

Une victoire d’Alicja à la Cour d’Appel serait encore plus importante. Ce serait une victoire pour les droits reproductifs des femmes en Pologne et en Europe et une victoire de l’Etat laïque sur la hiérarchie catholique polonaise ultraconservatrice. Elle démontrerait que la CEDH est la gardienne de l’universalité des droits humains en Europe contre les privilèges d’une institution confessionnelle puissante. Elle montrerait au Vatican la force et l’union des féministes et des forces laïques en Europe. _ De plus, elle constituerait un précédent important pour les luttes contre le sexisme et l’homophobie véhiculés par toutes les religions monothéistes.

Le soutien qu’Alicja a reçu en première instance lui a beaucoup aidé car il montrait aux juges polonais que " l’Europe entière les regardait ". Elle en a d’autant plus besoin dans cette deuxième instance. Nous avons également besoin de la victoire l’Alicja qui signerait une première défaite des fondamentalistes catholiques dans leur tentative d’imposer à toute la population européenne leurs valeurs et leurs opinions..

C’est pourquoi, le comité de soutien d’Alicja appelle à écrire des lettres de soutien qui seront versées dans le dossier du procès.

Elles doivent être envoyées à l’adresse du Tribunal d’Appel avec la mention : Gosc Niedzielny contre Alicja Tysiac :
_ Sad Apelacyjny
_ Al.W.Korfantego 117/119
40-156 Katowice
Pologne

Envoyez une copie électronique à
Marche Mondiale des Femmes

Marche Mondiale des Femmes, 25/27 rue des Envierges, 75020 Paris
Tel 01 44 62 12 04, 06 80 63 95 25

site : www.mmf-france.fr ; www.mmf2010.info

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