Une tribune pour les luttes

CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception) et Services Publics.

Et si la fermeture d’hôpitaux publics et la nouvelle gouvernance hospitalière conduisaient à la fin de l’accès à l’avortement ?

Article mis en ligne le jeudi 4 février 2010

28.01.2010

Et si la fermeture d’hôpitaux publics et la nouvelle gouvernance hospitalière accélérée par la loi HPST conduisaient à la fin de l’accès à l’avortement ? Une question économique et idéologique.

Rappels :

1975 : vote de la loi autorisant l’avortement (loi Veil) ; elle est obtenue par la lutte des femmes, dans la rue, dans la presse, dans les tribunaux, et par la pratique illégale des avortements par les militant-e-s du MLAC.


1979
 : vote reconduisant la loi de 1975 (loi Veil-Pelletier) et imposant aux hôpitaux publics l’obligation d’organiser la pratique des IVG.

1982 : remboursement de l’IVG par la Sécurité Sociale.

2001 : vote de la loi réunissant avortement et contraception (loi Aubry) ; l’avortement sort du code pénal et rejoint le code de la santé ; allongement des délais de 10 à 12 semaines ; suppression de l’autorisation parentale pour les mineures. Mise en place de l’IVG médicamenteuse en ville.

2004 : l’IVG médicamenteuse, autorisée jusqu’à 49 jours d’aménorrhée, peut être pratiquée en partenariat avec la médecine de ville.

Mai 2009 : décret autorisant les centres de planification familiale et les centres de santé à participer à la pratique de l’IVG médicamenteuse en ville.

En France, depuis 2002, le nombre des IVG est relativement stable, au-dessus de 200 000 par an. La part des IVG médicamenteuses progresse pour atteindre 46% des IVG réalisées en 2006 et une IVG médicamenteuse sur 6 est réalisée hors hôpital. L’accès à l’IVG, en France, se trouve aujourd’hui compromis :

1-L’accès à l’IVG est tout d’abord soumis aux contraintes liées aux fermetures et déstructurations des hôpitaux publics, que ce soit les hôpitaux et maternités de proximité ou les grandes structures hospitalières telles les Hospices Civils de Lyon ou l’AP-HP pour la région Ile-de-France.

En France, depuis 1987, la moitié des maternités ont fermé. A l’AP-HP, en 2009 trois structures pratiquant les IVG ont fermé : Tenon 75020, Broussais 75014, Jean Rostand Ivry sur Seine ; le CIVG Avicenne Bobigny est menacé. Par ailleurs, le CIVG de Poissy-Saint-Germain en Laye est aussi en danger.

Si tout concourt à la privatisation des activités médico-chirurgicales, l’activité IVG, assuré aux 2/3 par le privé, s’est réduite depuis quelques années. De fait actuellement par le désengagement du privé, en Ile-de-France, 50% des IVG sont pratiquées par le secteur public. Mais si le secteur public se désengage, où iront les femmes ?

2-Il est aussi soumis à la tarification à l’acte ou T2A, tarification actuellement faible qui rend l’acte peu attractif, peu «  rentable » tant pour les structures publiques que privées : l’arrêté du 4 août 2009 relatif aux forfaits afférents à l’IVG a revalorisé l’acte autour de 300 euros (383,32 euros pour une IVG instrumentale avec anesthésie générale), soit près de 3 fois moins que pour un acte équivalent d’aspiration pour fausse couche spontanée.

Pourquoi cette disparité ? L’IVG reste un acte dévalorisé, un acte à part, un tabou.

3-La formation médicale à la contraception et à l’avortement est encore le parent pauvre de la médecine. Les questions de prévention et tout particulièrement celles concernant la santé des femmes, hors cancer du sein, ne sont pas au cœur des priorités de santé publique.

Les praticiens en charge de l’IVG, souvent d’ancien-ne-s militant-e-s, partent en retraite, sans relève immédiate, conduisant à la fermeture du centre. Il en va ainsi du centre de Tenon.

Les quelques CIVG autonomes fermés, l’activité a rejoint les services de gynéco-obstétrique. Mais dans ces services aux activités multiples allant de l’accouchement à la gynécologie chirurgicale et aux « prestigieuses » PMA, qui se soucie de l’avortement ?

Le choix des femmes pour la technique de leur IVG est compromis :

1-Peut-on choisir quand la qualité de la prise en charge de l’IVG, comme de l’ensemble des soins, se dégrade ? A l’heure des restrictions budgétaires et des suppressions de postes dans les hôpitaux publics, la concentration des activités sur de gros pôles n’est pas un gage de qualité ni d’humanisation. Le travail médical « à la chaîne » se profile : « Il est grand temps de passer de l’artisanat médical à l’industrie du soin » dit le Pr Guy Vallancien dans le Quotidien du Médecin du 19 janvier 2009.

2-Depuis 2006, 46% des IVG sont pratiquées par la technique médicamenteuse : est-ce bien le choix des femmes ? ou des services se désengageant de la technique instrumentale ? L’IVG médicamenteuse ne doit pas remettre en question la technique instrumentale si tel est le choix des femmes. En France, plus de 100 000 IVG par an sont instrumentales. Les médecins doivent donc rester formés à l’ensemble des techniques.

Les femmes se sont battues pour leur liberté, pour le droit à l’avortement et à la contraception et ont obtenu des lois qui doivent être appliquées.

Si les hôpitaux publics doivent assumer leur mission et les chefs de service assurer leurs engagements, nous savons la spécificité des questions d’avortement et de contraception. C’est pourquoi il faut repenser des structures de proximité avec CIVG et des unités fonctionnelles hospitalières avec des budgets et des personnels soignants dédiés.

Paris, le 26 janvier 2010

Appel à mobilisation sur la Région parisienne

- 12 février 2010 : Meeting à l’initiative du CNDF et de ses partenaires pour interpeller les candidat-e-s de gauche sur les droits des femmes

- 8 mars 2010 : Manifestation à l’initiative du CNDf et de la marche Mondiale


- 18 mars
à 18h à l’AP-HP à l’initiative de l’ANCC, CADAC, MFPF, Collectif 20e Tenon avec le soutien de la Coordination des comités de défense des hôpitaux et maternité de proximité et de Sud-Santé Sociaux

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