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Loppsi : les députés valident le filtrage du Web / les dangers d’une dérive annoncée

+ Loppsi : TF1 manque à l’honnêteté de l’information

Article mis en ligne le lundi 15 février 2010

Nos chers députés étaient très intéressés par le débat sur cette loi qu’ils ont voté. Voir les photos et vidéos sur le site de Bug brother :

15 février 2010

Loppsi : TF1 manque à l’honnêteté de l’information

TF1 a une vision très particulière du débat parlementaire. Pour la seconde fois, en un an, son JT a présenté un hémicycle plein à craquer alors qu’il était en fait quasiment vide.

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2...


Avec les liens :
http://www.loppsi.org/

Création et Internet et son HADOPI se sont manquées à l’étape du Conseil Constitutionnel. C’est donc au tour de la LOPPSI de venir tenter de réguler le Net. Cette cohérence dans l’obstination à vouloir contrôler l’Internet a quelque chose d’effrayant pour notre démocratie. La main mise gouvernementale sur les médias n’est plus un fantasme mais bel et bien une réalité... Petites chroniques ordinaires de l’orwellisation de notre société de l’Information.


L’historique :

LOPPSI ou LOPSI 2 désigne un projet de loi qui fait suite à la LOPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure qui a été adoptée par le parlement le 31 juillet 2002 et consistait à alléger les procédures autorisant des partenariats public/privés. La LOPSI prévoit notamment « d’accéder directement à des fichiers informatiques et de saisir à distance par la voie télématique ou informatique les renseignements qui paraîtraient nécessaires à la manifestation de la vérité ».

La LOPPSI ou LOPSI 2 entend aller plus loin en y ajoutant la notion de "Performance"... une performance qui a de quoi faire froid dans le dos d’un point de vue du fichage et de toutes les erreurs que nous lui connaissons (voir les ratés du STIC) et des conséquences que celà entraîne pour les honnêtes citoyens qui en sont victimes. Le 24 mars 2009, lors du Forum International Cybercriminalité, Michèle Aliot Marie présentait Internet comme une zone de non droit dans laquelle les mafias de tous poils prospèrent : "Le seul point commun aux formes diverses de la cybercriminalité est l’usage du réseau." Une réalité bien exagérée destinée à permettre l’introduction de mesures liberticides : écoutes généralisées, filtrage de sites web, utilisation de logiciels espions...

La problématique :

Les services de Police ont besoin de moyens pour intervenir dans la lutte contre des trafics qui auraient pris place dans le cyber espace. L’arsenal juridique actuel n’est pas suffisant et nécessite d’être remis à jour afin d’accroître son efficacité. C’est le sens premier de la Loi d’Orientation et de Programmation Pour la Sécurité Intérieur, du moins pour son volet numérique. Mais quand on parle de surveiller l’Internet, il est difficile de ne pas céder à la tentation du filtrage global des réseaux, criminalisant de fait tout citoyen par le biais de mesures aussi inappropriées qu’inefficaces et pouvant même conduire à des effets inverses à ceux recherchés.

Les risques de dérive :

Ne nous y trompons pas, les pires choses sur cette planète ont été initialement dictées par de bonnes intentions. La lutte contre la pédo-pornographie sur Internet est une affaire sérieuse et mérite que l’on y consacre d’importants moyens. Mais des risques de dérives existent et nous pouvons en apprécier la mesure dans les premiers textes qui serviront de base aux débats à venir. Tout dans la LOPPSI n’est pas mauvais, des mesures seront sans doute très utiles, mais de nombreuses zone d’ombres issues de la méconnaissance des réseaux par le législateur rendent dangereuses les mesures qui seront proposées. Si HADOPI est une mauvaise réponse à un faux problème, LOPPSI est une mauvaise réponse à des problèmes bien réels. En ce sens, elle mérite que nous poussions notre réflexion pour permettre à nos députés de ne pas céder à ce qu’ils pensent être la facilité et qui ne peut que conduire le Net hexagonal à se transformer de manière non souhaitable. La LOPPSI qui promet publiquement de contrôler l’Internet ne contrôlera que les Internautes, tous les internautes, y compris ceux qui n’ont rien à se reprocher, et non l’Internet.

(...)


Comment la Loppsi légalise l’espionnage des ordinateurs
Par François Krug

10/02/2010

http://www.rue89.com/2010/02/10/com...

(...)

« La seule garantie, c’est le juge d’instruction… qu’on va supprimer »

Des garanties qui ne garantissent rien, s’insurge Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme. L’autorisation du juge d’instruction ne suffit pas, et la criminalité en « bande organisée » est une notion trop floue, a-t-il expliqué à Rue89 :

« La seule garantie présentée par le gouvernement, c’est que ce sera sous le contrôle du juge d’instruction. On veut justement supprimer le juge d’instruction, donc c’est une garantie post mortem…

Il faut confier ça à une autorité judiciaire indépendante, et fixer des limites sur les types d’affaires concernées. Là, la police peut le faire pour n’importe quoi et pour n’importe qui. »

Pour le gouvernement, le texte ne fait qu’adapter à Internet le principe des écoutes téléphoniques. En somme, c’est une simple modernisation des techniques policières. Pour Jean-Pierre Dubois, cette surveillance des ordinateurs ouvre en fait la voie à « un contrôle social total » :

« On a déjà des caméras dehors, on aura des mouchards sur les ordinateurs, la prochaine étape ce sera une caméra dans la salle de bains. »


Big brother / Qui surveillera les surveillants ?


Les pédophiles n’ont rien à craindre de la LOPPSI. Les internautes, si.

Avec les photos et les liens
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2...

11 février 2010

Le filtrage de l’internet, adopté ce jeudi 11 février à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la Loppsi 2, n’a pas pour objectif d’empêcher les pédophiles de consulter des sites pédopornographiques.

D’une part parce que la pédopornographie, ça n’existe pas. D’autre part, parce que le filtrage de l’internet que prévoit le projet de loi ne concerne aucunement les pédophiles avérés, mais les internautes qui, par mégarde ou par naïveté, pourraient éventuellement y accéder. Et encore : il s’agit moins d’empêcher ces internautes de devenir pédophiles que de leur éviter de se faire escroquer…

A contrario, cette mesure ouvre la boîte de Pandore du filtrage de l’internet, suivant en cela la préconisation de Nicolas Sarkozy qui, récemment, déclarait à propos de l’Hadopi qu’il “faut expérimenter sans délai les dispositifs de filtrage“, afin de lutter contre le “piratage“.


La pédopornographie, ça n’existe pas

Le propos peut paraître outrancier, il ne l’est pas. Il émane du CIRCAMP, qui a pour objectif d’”améliorer la coordination entre les autorités policières européennes en matière d’exploitation des enfants en ligne“.

De concert avec plusieurs agences et services de police, il estime qu’il est grand temps d’en finir avec l’expression “pornographie enfantine” :

La pornographie est un terme utilisé pour décrire la représentation d’adultes impliqués dans des actes sexuels consentants, diffusés légalement. Les images d’enfants, ne devrait en aucun cas être présentées comme relevant de la “pornographie” : il s’agit de viols, et d’abus sexuels, et les enfants sont d’abord et avant tout des “victimes“, par définition non consentants.

L’expression “kiddy porn“, ou “pédopornographie“, utilisée par les pédocriminels pour banaliser leurs agissements, ne devraient pas être légitimés par les autorités ou les médias. Et les enfants qui en ont été victimes ne devraient pas non plus voir leurs viols être qualifiés de “pornographie“.

Ces images, par ailleurs, sont des “scènes de crime“, de crimes “in progress“, que les policiers doivent résoudre, afin de mettre un terme aux viols et abus dont les enfants ont été victimes, d’arrêter leurs violeurs, et ceux qui font commerce de ce genre d’exploitation sexuelle.

De même, le Circamp note que l’on ne devrait pas non plus parler de “prostitution enfantine” ou de “tourisme sexuel pédophile” : le tourisme n’a rien de péjoratif, la prostitution est légale dans de nombreux pays, et l’on ferait mieux de parler de violeurs exploitant la pauvreté de celles et ceux qu’ils vont abuser.

Le problème, ce n’est pas l’enfant, la victime, mais le violeur, et le voyeur…


Les pédophiles n’ont rien à craindre de la LOPPSI

L’une des mesures phares de la LOPPSI2 consiste à filtrer les sites exploitant ce type d’images d’abus et de viols d’enfants. Dans les faits, il ne s’agit pas tant d’empêcher les véritables pédophiles de satisfaire leurs pulsions, et donc d’accéder à des images pouvant les exciter, que de “rendre plus beaucoup plus difficiles les autres formes d’escroqueries” qui vont souvent de pair avec le commerce d’images (de viols) d’enfants nus.

Ce n’est pas moi qui le dit, mais Eric Freysssinet, Polytechnicien, chef du département informatique-électronique de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale de 1998 et 2005 et actuellement chargé des projets cybercriminalité à la direction générale de la gendarmerie nationale, qui y a consacré un long billet sur son blog :

On retrouve souvent sur les mêmes serveurs, des centaines de sites Web de promotion, les uns pour des contenus pédophiles mais les autres pour toutes sortes d’autres produits tout aussi illégaux. La diffusion de contenus pédopornographiques par ces groupes remplit en réalité deux objectifs :

* c’est une source de revenus, un produit supplémentaire à leur catalogue ;
* c’est un des multiples appâts dont ils se servent pour attirer des pigeons dans leurs filets.

En effet, certaines victimes tombent pour la publicité vantant un médicament puissant et pas cher, d’autres pour des images pornographiques ou encore des logiciels de sécurité, et certains sont recrutés grâce aux images pédophiles.

Et au bout du compte la victime (dans le cas des images pédopornographiques aussi un peu coupable et donc qui n’osera pas aller porter plainte), donne son numéro de carte bancaire et est prélevée une fois, deux fois, puis plusieurs mois de suite.

Il suffit d’ailleurs, souligne Eric Freyssinet, de consulter la page 104 du fichier .pdf présentant le projet de loi sur le site de l’assemblée nationale :

La mise en œuvre d’une obligation à la charge des fournisseurs d’accès de procéder au blocage des sites signalés par le ministre de l’Intérieur doit permettre d’atteindre les trois objectifs suivants :

« a) prévenir l’accès involontaire des internautes aux sites pédopornographiques. En cliquant sur un lien, un internaute peut se retrouver confronté malgré lui à un contenu pédopornographique. Il s’agit tant d’éviter un choc visuel pour certaines personnes, que de prévenir la naissance de « vocations pédophiles » pour d’autres.

b) complexifier l’accès volontaire de certains internautes à des sites pédopornographiques. En constatant que leurs tentatives de connexion sont bloquées, les amateurs les moins motivés seront dissuadés de poursuivre leurs recherches de contenus pédopornographiques. Seuls les délinquants les plus déterminés sauront contourner le blocage par des moyens techniques diffusés sur Internet.

c) réduire les bénéfices illicites des organisations criminelles, qui produisent et diffusent de la pédopornographie. »

Les “vrais” sites pédophiles, tout comme les “vrais” pédophiles, ne sont pas vraiment concernés par cette proposition de loi : ils ont déjà commencé, depuis des années, à exploiter de nombreuses parades et contre-mesures afin de déjouer de tels filtrages, qui sont facilement contournables, tant du côté des hébergeurs de tels contenus que pour ce qui est des pédophiles qui cherchent à y accéder.

Pour s’en convaincre, il suffit de consulter toutes les études d’impact, qui concluent toutes à l’inefficacité du filtrage de l’internet, ou encore le livre que vient de préfacer Robert Ménard à ce sujet, “Confession d’un pédophile, l’impossible filtrage du web“, un témoignage troublant, voire effrayant, mais très éclairant et qui explique comment la prohibition pousse les pédophiles à complexifier leurs techniques de clandestinité, pour le plus grand profit des mafieux et des escrocs qui en font commerce (voir aussi Les pédophiles sont sur le Net. Nous aussi. Et tant mieux.).


D’abord les “pédos”, puis les “pirates”, puis…

En commentaire du billet d’Eric Freyssinet, plusieurs intervenants critiquent vertement la proposition de filtrage du Net voulu par le CIRCAMP, proposé par la LOPPSI2, expérimenté dans quelques pays, mais auquel l’Allemagne vient de renoncer.

Les arguments sont connus, et très bien exposés par Benjamin Bayart, président du plus ancien des fournisseurs d’accès à l’internet français qui, rappelant que la liste noire fuitera, forcément, comme c’est arrivé dans plusieurs autres pays ayant décidé de filtrer le Net, estime que cela va également “endommager durablement le plus formidable outil de liberté d’expression qui soit pour un effet non mesurable sur la délinquance“, parce que :

- c’est liberticide (tel que proposé par le gouvernement)
- c’est inefficace jusqu’à preuve du contraire
- c’est très dangereux pour le réseau lui-même

Rajoutons-y le fait que Nicolas Sarkozy, dans ses voeux au monde de la culture, le 7 janvier 2010, a déclaré” que “plus on pourra dépolluer automatiquement les réseaux et les serveurs de toutes les sources de piratage, moins il sera nécessaire de recourir à des mesures pesant sur les internautes. […] Il faut donc expérimenter sans délai les dispositifs de filtrage“.

Deux jours plus tard, l’un des membres du collège Hadopi, réagissant à ces propos, laissait entendre qu’il était “logique à partir du moment où le président de la République l’a dit” que la France essaie bel et bien de filtrer le Net au-delà des seuls sites web visés par la LOPPSI2.

La question reste donc de savoir si, pour empêcher quelques gogos de se faire escroquer sur de pseudo-sites pédophiles, alors que l’on sait que cela ne résoudra rien pour ce qui est des véritables abus et viols commis sur des enfants, il est raisonnable d’ouvrir ainsi la boîte de Pandore du filtrage de l’internet.

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