Une tribune pour les luttes

Solidaires

Retraites et progrès social

Si on avait écouté le patronat, les enfants travailleraient encore…

Article mis en ligne le mercredi 2 juin 2010


Le progrès social a permis de travailler de moins en moins sur l’ensemble de la vie. Chaque acquis a nécessité un rapport de force pour l’obtenir. Aujourd’hui, il faut encore se battre pour empêcher le patronat et les financiers de gagner toujours plus en imposant de nouvelles baisses de pension, en interdisant le départ en retraite à 60 ans, sous prétexte d’une augmentation de l’espérance de vie qui existe depuis plus de 2 siècles, sous prétexte d’un nombre plus important de retraité-es alors qu’il n’est que passager et que l’économie peut le prendre en charge comme elle l’a fait dans le passé.

Reculer l’âge du droit au départ en retraite augmenterait le chômage et serait une régression sociale inacceptable, alors qu’elle représente un juste partage du travail et la nécessité de laisser une place aux jeunes.

Si on avait écouté le patronat, les enfants travailleraient encore…

Le progrès social a accompagné l’histoire de l’humanité. Contre le patronat et gouvernements qui criaient à la ruine du pays, c’est ce progrès social qui a permis que les luttes abolissent les formes les plus violentes d’exploitation des travailleurs (esclavage, servage), suppriment le travail des enfants, réduisent le temps de travail sur la vie de différentes façons : diminution de la durée journalière puis hebdomadaire du travail à 40 puis 35h, création des congés payés, de la retraite à 65 puis 60 ans, des RTT, allongement des études…

Le passé prouve que le progrès social est possible.
Mieux, cette réduction du temps de travail s’est accompagnée d’une très forte augmentation de la richesse par habitant.

Cela a été rendu possible par les découvertes technologiques qui, lors du dernier siècle, ont (pour un salarié) multiplié la productivité horaire par 30, ce qui a permis de diminuer par 2 son temps de travail (2695 h par an en 1896 contre 1441 h en 2004) tout en multipliant par 15 sa production.

Ainsi, le même nombre d’actifs peut faire vivre un nombre croissant d’inactifs, tout en réduisant le temps de travail et en augmentant le niveau de vie. Ce progrès social doit continuer : le COR (Conseil d’Orientation des Retraites composé de membres du gouvernement et de représentants des partenaires sociaux), prédit une poursuite de la croissance de la productivité horaire évaluée entre 1,5 et 1,8% par an, soit une légère baisse du rythme des 2 derniers siècles. Cette croissance de productivité horaire ne signifie pas forcément croissance de la production (et épuisement des ressources limitées de la terre) : les gains de productivité horaire peuvent être utilisés pour réduire le temps de travail, et augmenter la part du salaire socialisé (pour les dépenses de santé, retraite, chômage). _

Retarder l’âge de départ en retraite, c’est interdire une vie meilleure aux salarié-es et futurs retraité-es


L’espérance de vie n’est pas un phénomène nouveau

Contrairement à ce que le Gouvernement tente de nous faire croire en affirmant que « le recul de l’âge de la retraite est inévitable puisque l’espérance de vie augmente » : l’espérance de vie à la naissance augmente depuis au moins 1740 et a triplé en 250 ans, en passant de 25 ans à plus de 80 aujourd’hui. Elle augmente depuis plus de 2 siècles à raison de près de 1 trimestre par an.


Quelle sera l’espérance de vie en 2050 ?

Les prédictions des différents experts ne montrent pas de rupture, mais une simple poursuite de l’augmentation de l’espérance de vie vécue depuis plus de 2 siècles. Elle ne peut que se ralentir à cause, à long terme des limites biologiques, et à court terme de la souffrance au travail, de l’utilisation de produits dangereux : le COR se base sur une espérance de vie de 0,6 trimestre par an, et l’INSEE sur 0,4.

Le « poids des retraités » est supportable


Un nombre de retraité-es acceptable

Le « baby boom » n’est que passager : certes, le nombre de retraités va provisoirement augmenter avec l’arrivée à l’âge de la retraite des « baby-boomers » de l’après-guerre… jusqu’en 2035, puis va diminuer.

La diminution du ratio cotisants/retraités n’est pas nouveau. En 1960, il y avait 4 actifs pour 1 retraité ; en 2000, 2 actifs pour un retraité : cela n’a posé aucun problème, car les gains de productivité horaire ont permis que les deux actifs d’aujourd’hui produisent une fois et demi plus que les quatre de 1960. Et l’avenir vivra le même phénomène : le gouvernement veut faire peur en pronostiquant pour 2050 seulement 1,25 cotisant pour un retraité… en cachant hypocritement que le 1,25 cotisant produira autant que 2,5 d’aujourd’hui : la situation sera même meilleure pour les caisses de retraite !
Le partage des futurs gains de productivité horaire permettra de garantir la progression du niveau de vie des actifs et des retraités si les actionnaires et les financiers n’en sont pas les seuls bénéficiaires !


Une charge financière tolérable

Le passé montre que le progrès social a permis que le poids des retraites dans la richesse nationale ne cesse d’augmenter, en lien avec l’allongement de l’espérance de vie… sans empêcher l’augmentation du niveau de vie des actifs. Si la part des retraités dans la population augmente, il est bien naturel que leur part dans le revenu national augmente aussi.

Pour annuler l’ensemble des contre-réformes des retraites prises depuis 1993, la part du PIB consacrée aux retraites devrait être de 18,5%, au lieu de 13 aujourd’hui… et de 5% en 1950 : le futur devrait prolonger l’effort du passé.

Le COR évalue à 3 points de PIB le besoin supplémentaire de financement à l’horizon 2050
 : cela correspond à une augmentation des cotisations sociales (selon le COR d’avril 2010) patronales de 0,25 point par an… ce qui ne mettrait pas en péril l’économie ! Ce ne serait que récupérer la part salariale perdue en deux décennies au profit des dividendes qui sont passés de 3,2 à 8,5% du PIB.

Reculer l’âge de la retraite : une régression sociale inacceptable

L’espérance de vie « en bonne santé » (c’est-à-dire sans incapacité majeure) à 60 ans est d’une dizaine d’années, moins pour certains métiers connaissant la souffrance au travail, de nouvelles pathologie, des temps de transport importants dans de mauvaises conditions… Comment travailler au-delà de 60 ans quand il faut monter à un pylône, quand on est en 3 x 8, ou infirmière, ou dans une classe, ou dans un chantier en extérieur…


Reculer l’âge de départ en retraite ne fera pas travailler plus longtemps les seniors mis à la porte à moins de 59 ans
 : déjà 60% d’entre eux sont hors emploi au moment de prendre leur retraite (chômage, dispensé de recherche d’emploi, invalidité, préretraite… ). La seule conséquence serait de faire payer les caisses de chômage à la place de celles de retraite.

Retraite et chômage sont intimement liés. Depuis plus d’un siècle, les gains de productivité ne se sont pas accompagnés d’un chômage massif parce que, grâce aux luttes, les salarié-es ont imposé une augmentation du niveau de vie et une réduction du temps de travail, notamment par la mise en place de la retraite, de plus en plus tôt. En un siècle, la productivité horaire a été multiplié par 30, le pouvoir d’achat par 15… et le temps de travail divisé par 2.

La solidarité entre les générations, c’est le salarié en activité qui paie la pension du retraité, et le salarié âgé qui laisse sa place au jeune en partant en retraite. Retarder le départ à la retraite est une double aberration :
- sociale : elle contraint au travail quelqu’un qui souhaite partir et prive d’emploi quelqu’un qui souhaite y accéder, en le précipitant dans l’exclusion sociale.
- économique : elle crée des chômeurs supplémentaires.

Reculer l’âge de la retraite déplace le problème des déficits sociaux de la caisse de retraite vers la caisse de chômage.

Il est normal de consacrer une part croissante de la richesse à la baisse de temps de travail sur la vie, et notamment aux retraites dans un pays où le nombre de retraités augmente.

Les gains de productivité doivent permettre à la fois une augmentation du niveau de vie des salariés et des retraités, et une réduction du temps de travail à condition que ces gains de productivité ne soient pas captés par le capital et qu’ils soient redistribués aux salariés /retraités.

Reculer l’âge de la retraite est une absurdité. Le vrai débat doit porter sur une nouvelle réduction du temps de travail pour résorber le chômage, et sur les moyens d’améliorer nos systèmes de retraite.

25 mai 2010

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