Une tribune pour les luttes

Finkielkraut, All Whites, all right ?

Pascal Boniface

Article mis en ligne le mardi 22 juin 2010

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article103850

Lundi 21 juin 2010

Affligeant, consternant, ridicule, pathétique, les qualificatifs pour décrire les comportements des joueurs de l’équipe de France ne manquent pas. Ils se rejoignent dans la condamnation quasi-unanime. Seul Patrick Lozès les défend mordicus aujourd’hui, sauf quand ils sont en désaccord avec Rama Yade.

Dans le flot des critiques qui s’abattent de façon justifiée sur cette équipe, on peut distinguer trois approches. La première, à laquelle j’appartiens, réunit ceux qui ont fait confiance à cette équipe et qui ont cru à la répétition du scénario de 2006, un départ poussif et une montée en puissance. Ceux-là se sentent doublement trahis. La deuxième rassemble ceux qui aiment l’équipe de France et qui prévoyaient depuis déjà deux ans que l’on allait à la catastrophe. Au-delà de la part de «  self-fulfilling prophecy » (prophétie auto-réalisatrice), ils peuvent dire que la réalité a dépassé leurs plus sombres prédictions. Enfin, la troisième approche regroupe ceux qui n’aiment pas l’équipe et qui éprouvent une joie malsaine à la voir dans les pires difficultés.

Alain Finkielkraut appartient à cette dernière école. On se rappelle qu’en 2005, ce philosophe s’était gaussé de l’équipe « black, black, black » dans une interview au journal Haaretz, où il attribuait l’origine de la crise des banlieues à un problème ethnique. Il avait par la suite affirmé qu’il avait été mal compris, mais les journalistes d’Haaretz avaient répondu qu’ils tenaient à disposition l’enregistrement de la conversation, et Alain Finkielkraut n’avait pas demandé à ce qu’il soit rendu public. Par la suite, il s’était offusqué que des Français puissent vibrer lors de la qualification de l’équipe d’Algérie. Samedi soir sur Europe 1, il a déclaré « on a plutôt envie de vomir avec la génération caillera, il est temps de ne plus sélectionner des voyous arrogants et inintelligents et de sélectionner des gentlemen. Il faut prendre acte des divisions ethniques et religieuses qui minent cette équipe. L’équipe de France est une bande de voyous qui ne connaît comme morale que celle de la mafia. » a conclu celui qui avait vigoureusement défendu Polanski, récemment accusé d’avoir sodomisé une jeune fille de 13 ans. Il est implacable avec Anelka pour avoir proféré le MOT.

Il rend néanmoins un hommage à Boumsong, joueur noir et non sélectionné, qui «  s’exprime dans une langue élégante ». On sent un peu l’histoire de l’antisémite qui dit avoir un ami juif, puisque Alain Finkielkraut trouve qu’il y a un joueur noir qui parle bien français.

Après ses déclarations sur l’équipe «  black, black, black », Alain Finkielkraut avait été repris de volée par le monde du football, Lilian Thuram en tête. Lilian Thuram qu’il sera difficile, même à Finkielkraut, de présenter comme un voyou. Il est pourtant footballeur, noir, issu de la banlieue. Finkielkraut qui aime le foot était de ce fait rejeté par les joueurs et les éducateurs. Il en éprouve du ressentiment.

Si le comportement des joueurs de l’équipe de France est condamnable, les propos du philosophe le sont également. Il ne critique pas les joueurs pour ce qu’ils FONT, mais pour ce qu’ils SONT : des jeunes issus de la diversité et des banlieues.

Si Le Pen avait tenu de tels propos, on peut penser que les journalistes l’auraient contredit. Mais là non, on ne contredit pas le philosophe, au contraire, on lui permet de répéter son message dans le JDD et ce matin dans France Inter.

Il y a finalement une logique dans la pensée de Finkielkraut. Les Noirs et les Arabes sont des voyous, les joueurs de l’équipe de France sont principalement des Noirs qui viennent des banlieues ; ils sont donc des voyous. S’il y a certainement dans l’équipe des joueurs dont les valeurs morales sont critiquables, peut-on dire que l’on peut mettre les 23 dans le même sac ? Peut-on expliquer la débâcle actuelle par les divisions ethniques et religieuses ?

Une fois encore, Alain Finkielkraut semble obsédé par la question ethnique ou religieuse à laquelle il ramène tout. Le problème est un problème d’individu ou de groupe, pas un problème de religion ou d’origine ethnique. Faut-il ne sélectionner que des joueurs de la même origine, en faire une équipe ethniquement homogène ? Faut-il rappeler à Alain Finkielkraut, chantre de l’homogénéité, que même l’équipe d’Israël est diverse puisqu’il y a des Arabes qui en font partie ?

Faut-il exiger des joueurs qu’ils puissent employer l’imparfait du subjonctif avant de porter le maillot bleu ? Doit-on procéder à la sélection à partir du classement de l’ENA ou d’un tirage au sort dans le bottin mondain ? Alain Finkielkraut a publié récemment Un Cœur intelligent ; il a un cerveau purement émotionnel dès qu’il s’agit de foot. Il lui reste à supporter l’équipe de Nouvelle-Zélande. On en appelle en effet les joueurs les « All Whites ».

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De : Pascal Boniface

lundi 21 juin 2010

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