Une tribune pour les luttes

La lettre d’information des jeûneurs du 10, 11, 12 et 14 septembre 2010.

Cercle de silence et 10ème et dernier jour de jeûne !
contre le projet de loi immigration

"J’en ai assez de cet égoïsme monstrueux qu’on veut faire passer pour une politique raisonnée et raisonnable."
Refusons une hain-ième loi !

Article mis en ligne le samedi 18 septembre 2010


La lettre d’information des jeûneurs

10eme et dernier jour de jeûne !

Nous avons commencé à décompter les heures, minutes et secondes qui nous séparaient de notre premier bouillon de légumes dès le matin J

Les trois temps forts de la journée sont la manifestation des sans-papiers en début d’après-midi, sur la même place Herriot puis le cercle de silence et la rupture du jeûne.

La manifestation des sans-papiers compte quelques centaines de personnes qui, en musique et au mégaphone, font entendre leur voix et leur espoir d’une France plus accueillante. Parmi les porte-paroles, un homme régularisé il y a quelque temps, qui aide à son tour ses frères sans-papiers. Il nous parle d’une émission radio pour les sans-papiers : 106.3, jeudi matin 11h-12h pour Paris. Nous sommes invités à intervenir au mégaphone et remerciés par les manifestants pour notre action.

18h30 début du cercle de silence et point d’orgue de notre action non-violente

Beaucoup de «  résistants silencieux » affluent sur la place. Fred, notre accompagnateur a passé l’après-midi à pousser patiemment la chansonnette avec la préfecture genre tu veux ou tu veux pas ? si tu veux pas, j’en ferai pas une maladie… J Nous voulions faire notre cercle juste derrière l’Assemblée Nationale, place du Palais Bourbon, mais finalement, après de multiples allers et retours, la préfecture a décidé de nous cantonner autour de la place Edouard Herriot. Nous décidons d’essayer quand même de nous diriger en cortège vers l’autre place qui n’est qu’à quelques dizaines de mètres. Hélas, les dizaines de CRS (déguisés en footballeurs américains ?) qui nous font face avec leurs barrières et leur regard impénétrable auront raison de nous. Nous restons cantonnés autour de la place Edouard Herriot où environ 500 personnes (selon les organisateurs, à qui on n’a pas communiqué les chiffres de la police) forment rapidement un grand cercle en forme de triangle patatoïde J
Pour montrer aux nombreuses forces de police qui nous entourent de part et d’autre de la place que nous sommes les plus faibles peut-être mais bien déterminés, le cercle se fait main dans la main avec nos voisins, dans un geste de paix et de solidarité. A certains endroits du cercle, il y a jusqu’à 3 rangées de personnes. Alain Richard rompt le cercle après un peu plus d’une demi-heure pour laisser un temps de prise de paroles aux personnalités présentes. Se succèdent au micro : Claude Batty, Président de la Fédération Protestante de France qui est venu avec tous les membres du conseil national au cercle de silence, Patrick Peugeot Président de la Cimade, Guy Aurenches, Président du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement, Laurent Schlumberger, Président de l’Eglise Réformée de France puis le président d’une association interreligieuse étudiante (chrétien, musulman, juif) puis un porte-parole de Droit Devant. Devant l’auditoire amassé, ils dénoncent la politique actuelle et en appellent à une plus grande fraternité entre les hommes. Alain et Jean Paul prennent aussi la parole pour conclure l’action et annoncer à tous que nous continuerons d’autres actions, à imaginer, sans se laisser accabler par la situation actuelle.

Puis vient le temps du repas. Les jeûneurs ont dégusté une excellente soupe allégée, avec bouillon et sans quelques légumes à éviter, et une compote. Une soupe bien plus calorique a été servie gratuitement à l’ensemble des autres participants avec pains, fromages, pâtés, fruits, etc. Un moment de convivialité bien méritée pour tous, pour clore ces dix jours place Herriot.

Nous avons essayé dans cette lettre quotidienne de remercier tous ceux qui nous ont soutenus, visités, parfois venant de lointaines provinces où de nombreuses autres actions ont rythmés ces 10 jours. Merci à tous encore !

Nos pensées vont aux sans-papiers et à ceux qui les soutiennent comment ils peuvent, quand ils peuvent, de près ou de loin. Tenez-bon. Il y a en France beaucoup de personnes qui ne sont pas d’accord avec la maltraitance que vous endurez et les dérives d’un pouvoir autoritaire qui affaiblit vos droits.
Les coups de tonnerre de ces derniers jours à la Commission Européenne et partout dans le monde contre la politique française d’immigration nous confirment qu’au-delà des frontières françaises, cette manière brutale de faire ne passe décidément pas non plus. Les tentatives d’affaiblir la Justice française dans d’autres pans de son activité nous montrent aussi qu’il n’y a pas que les étrangers qui sont à protéger et que les Français sont aussi tous concernés.

Une dernière anecdote. Le ministre de l’Immigration etc. ayant été réinterrogé sur notre jeûne citoyen à la télévision, on vous livre la substance de l’échange :
« - Vous en pensez quoi de ce jeûne ?
- Rien »

Et bien, nous nous pensons que nous avons mis un peu de baume au cœur à de nombreuses personnes de tous horizons en ces jours sombres et ce n’est déjà pas si mal, ce n’est pas « rien »… Et d’autres hommes politiques nous ont entendus, en conscience, c’est ce que nous souhaitions. Nous croyons qu’ils y repenseront au moment du vote de cette loi.

Les lois sont le reflet de ce qui nous habite en profondeur, comme elles sont l’image de notre pays pour les autres nations.

Voilà c’est la fin.

Nous espérons que la lecture de cette lettre quotidienne, surtout pour ceux qui sont loin, vous a plu. Nous avons voulu vous faire partager de l’intérieur le fil de l’action. Grand merci tout spécial des jeûneurs à Fred Carillon notre accompagnateur en logistique, informatique, livreur de soupe et de matelas, etc. etc.

Pour info, un site devrait voir le jour rapidement pour répertorier l’ensemble de l’action (documents, lettres, photos, vidéo). Vous serez tenus informés. A bientôt.

Jean Pierre, pour les jeûneurs, le 18 septembre 2010.

Pour voir les photos prises au 10ème jour de jeûne
http://picasaweb.google.fr/11127496...



7ème jour de jeûne contre le projet de loi immigration

Bonjour,

Fin du 7ème jour de notre jeûne citoyen. Le moral est bon. Nous avons été reçus ce mardi 14 septembre à l’Assemblée Nationale par cinq députés de différents partis politiques. Ce sera l’objet principal de la lettre du jour.

Avant cela, nous tenons particulièrement à remercier l’ensemble des personnes qui, jour après jour, viennent nous rendre visite. Dans cette action où nos corps doivent nécessairement ralentir, où nous économisons nos pas, nos déplacements, où nous gravissons avec difficulté les escaliers qui se présentent à nous, la lenteur qui s’installe en nous nous permet de savourer ces moments passés sur la petite place Edouard Herriot avec tous ces inconnus, amis, militants d’associations, sans-papiers, personnalités, medias souvent acquis à notre démarche, qui viennent échanger avec nous. Les discussions sont nourries, enrichies des expériences, engagements, inquiétudes et espoirs aussi de chacun. Cela vaut bien des repas.

Pendant ces quelques jours passés ici, nous ne rédigerons pas de dossiers de régularisation, nous n’irons pas dans les CRA ou en préfecture, nous ne manifesterons pas mais parmi nous et nos visiteurs, tous ceux qui au quotidien ou plus épisodiquement se battent pour le respect et l’aide aux sans-papiers auront fait une pause avec nous ici, pour réfléchir et trouver peut-être de nouveaux moyens d’avancer dans cette lutte.

Parmi ces visiteurs, on peut évoquer par exemple cet homme australien venu nous soutenir. Un homme d’une cinquantaine d’années qui a beaucoup voyagé dans le monde et voudrait continuer à apprécier l’hospitalité française sans inquiétudes. Il est atterré par la dimension que prend le débat sur l’immigration en Australie, tant au niveau politique que dans l’opinion publique et les medias, pour une poignée de sans-papiers (3000 à 5000 personnes) qui débarquent chaque année sur le continent australien, où les conditions de rétention sont très sévères. Les australiens blancs aujourd’hui sont pourtant des fils d’immigrés et l’on sait comment ont été traités les Aborigènes.

Citons également la visite de l’association « La Vie Nouvelle » qui soutient les femmes migrantes, en particulier celles sans-papiers, participe à l’observatoire du CRA de Palaiseau et offre un enseignement aux adultes étrangers sur la justice, l’immigration, la démocratie.

A la réunion à l’Assemblée Nationale étaient présents :

Députés : Serge Blisko (PS), Patrick Braouezec (ex-PC), Michèle Delaunay (PS), Sandrine Mazetier (PS), Etienne Pinte (UMP)
Personnalités : Jacques Maury (ancien Président de la Fédération Protestante de France), Dominique Noguères (Avocate et ancienne vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme), Laurent Schlumberger (Président de l’Eglise Réformée de France), Jean Alzamora (Gisti)
Délégation des jeûneurs : Alain Bosc, Jean Pierre Garbisu, François Gaudard, Jean Baptiste Libouban, Jean Paul Nuñez, Pierre Rozenzweig, Ana Verissimo, Jean Claude Vigour
Accompagnateur jeûneurs : Fréderic Carillon

Les principaux propos tenus pendant cette réunion/conférence de presse sont entre guillemets (citations issues d’une captation vidéo). A noter que seule la Chaine Parlementaire était présente alors que les médias avaient été invités. Un reportage a été diffusé mardi soir sur la LCP et est disponible en ligne.

Jean-Paul Nunez : « Nous sommes des jeûneurs, nous ne sommes pas des grévistes de la faim. Nous ne sommes pas dans une action de chantage mais dans une logique d’interpellation des députés, et en particulier ceux de la Commission des Lois. Et au même titre que ce que fait chacun de nous, nous souhaitons que les députés sortent de la logique des partis pour regarder au fond d’eux, comme nous le faisons, pour rechercher le fond d’humanité qui est en eux. Nous croyons aux vertus de l’exemple, on donne de nous-mêmes, et on aimerait que les députés se retournent vers eux-mêmes et prennent conscience individuellement de ce qu’ils vont engendrer en votant cette loi. »
Pour préciser les termes employés par Jean-Paul, notre choix est l’interpellation des consciences par un jeûne limité dans le temps (10 jours) et non une pression par un jeûne illimité, qui pourrait mettre en danger notre santé physique, et qui est communément appelé une grève de la faim.

Sandrine Mazetier «  On assiste à un réveil des consciences depuis cet été. Les dangers sont perceptibles aujourd’hui par tous, dans le projet de loi et les amendements qui ont été rajoutés par le gouvernement, les intentions sont claires et les consignes aussi et au regard de cela, je voulais rendre hommage à l’initiative des jeûneurs »


Michèle Delaunay
nous remémore les enseignements des périodes sombres de notre passé, lorsque des lois iniques se mettent en place et amènent peu à peu au glissement vers des régimes qui déclenchent de terribles catastrophes humaines. Nous devons tenir compte aujourd’hui des nouveaux équilibres du monde et élaborer des lois qui tiennent compte des enjeux contemporains, dans le respect des droits fondamentaux.

Etienne Pinte « Je vais commencer en reprenant cette phrase de Camus : vous êtes des éveilleurs (voire des réveilleurs) de consciences et pour moi c’est très important, quels que soient les résultats. […] Un certain nombre de mes collègues n’en pensent pas moins, ce que je regrette c’est qu’ils ne s’expriment point. Je me rends compte qu’un certain nombre d’entre eux sont sur la même longueur d’ondes que nous mais n’osent pas s’exprimer, certains par pudeur, d’autres par discrétion ou encore par manque de courage. […] Et lorsque qu’il faudra voter certains articles, certains amendements et sur le texte lui même, ils prendront leur responsabilité. En tout cas, en ce qui me concerne, je l’ai dit à M. Besson l’autre jour, lorsqu’il présentait son projet de loi devant l’Assemblée Nationale […] je lui ai dit qu’il m’était impossible de voter un tel texte, en tout cas en l’état. Et en particulier en ce qui concerne la possibilité introduite d’élargir les cas de déchéance de la nationalité. [...] Avant d’être à l’Assemblée Nationale, j’étais un étranger dans ce pays. Disons que j’ai des raisons supplémentaires d’être contre un tel texte. »
Mr Pinte nous explique qu’il est arrivé pendant la guerre, avec sa famille. Séparés de leurs parents, son frère et lui ont été placés chez des réfugiés républicains espagnols qui eux aussi avaient pu être accueillis en France. Sa naturalisation française est assez récente et il défend depuis longtemps dans son parti ses points de vue pour une politique d’immigration plus humaine.

Serge Blisko : « Nous souhaitons un réveil citoyen qui soit le plus large possible. »
Mr Blisko rappelle qu’un vent mauvais souffle sur de nombreux pays européens qui adoptent des politiques d’immigration très dures. Il juge la déchéance de la nationalité épouvantable, déchéance qui aggrave encore considérablement la discrimination faite aux étrangers sans-papiers. Il appelle à une citoyenneté fraternelle et propose aux jeûneurs d’interpeler toute l’Assemblée Nationale sur la gravité de la situation.

Patrick Braouezec « Ce qui nous réunit tous, c’est qu’on vise à une société plus humaine, et j’apprécie qu’on dépasse dans ces moments-là nos appartenances politiques. […] Parce qu’on touche à des questions cruciales sur le devenir de notre société, qu’on se retrouve au delà de nos attachements partisans. Et cela devrait interpeller chacun de nous au plus profond de ce que l’on est, au delà de notre appartenance politique Ce n’est pas une démarche humaniste mais humaine. Parce que ce texte de lois est un texte de basculement. »
Mr Braouezec rappelle que les villes de Saint Denis et de Versailles ont aussi connu les occupations de cathédrales et de basiliques par les sans-papiers. Chaque loi accroit les difficultés des sans-papiers. Tout est fait pour les empêcher de travailler, de se loger, pour les pousser à la rue sans revenus et maintenant on voudrait avancer jusqu’à la négation de leur identité. Chaque député devra individuellement analyser et voter ce texte en son âme et conscience.


Dominique Noguères
« Nous sommes en train de perdre nos repères dans une société démocratique et dans ce qui a fondé notre République »
Mme Noguères souligne et soutient notre rôle d’éveilleurs de conscience citoyenne dans cette période redoutable. Le fait que les notions d’immigration et de délinquance soient liées, et ce au plus haut niveau de l’Etat, lui est inacceptable. Elle juge honteux que la circulaire sur les Roms, qui a été modifiée dans la précipitation après sa révélation dans les médias, n’ait amenée à aucune réaction de la part des préfets qui se sont tous tus pendant de nombreuses semaines. Ce qui la choque en premier lieu dans le nouveau texte : la déchéance de la nationalité, le recul du droit d’asile (au mépris des conventions internationales), l’éloignement du juge. On a tous besoin des uns et des autres.

Jacques Maury fait une intervention courte en disant approuver complètement les précédentes et souligne que ce jeûne citoyen est un appel à la défense de l’humanité de tous les députés français, ce qui est un fait rare qui mérite d’être souligné. Remarque largement partagée par les députés.

Laurent Schlumberger évoque le grand rassemblement national contre le racisme du 4 septembre, les inquiétudes perceptibles dans la société française, la violence sociale, les demi-mots et les calculs électoraux. Il estime que notre jeûne tire les consciences vers des notions essentielles : nous vivons les uns chez les autres, dans les années à venir nous aurons encore plus besoin des connaissances, des cultures, des compétences, des mains d’œuvre des uns et des autres. Il estime que les peuples doivent bâtir une nouvelle hospitalité internationale. Nous sommes tous des accueillants et des accueillis. Il faut défendre, avec gravité, le troisième symbole de notre devise nationale : la fraternité.

Jean Paul Nuñez conclut pour les jeûneurs que les citoyens français ont collectivement le devoir d’empêcher la France de glisser d’un Etat de droit vers un Etat de police.

Patrick Braouezec conclut en se projetant sur la prochaine alternance politique dans notre pays. Il faudra défaire ce type de lois en proposant une autre conception de l’accueil et de l’intégration des étrangers. Il insiste sur le fait que ce problème n’est pas un clivage gauche / droite mais un clivage entre une vision peureuse et fermée de l’immigration là où il faudrait une vision audacieuse et humaine. Il nous encourage à interpeler l’ensemble de l’Assemblée Nationale de manière percutante sur ce projet de lois.

Nous avons donc rédigé mardi soir une deuxième lettre, plus courte, à l’attention de la commission des lois et l’avons envoyé aussitôt aux députés. Commission qui se réunit le 15 septembre matin sur ce projet de loi Immigration. En voici ci-dessous le texte intégral. Nous préparons également un autre texte pour l’ensemble des députés de l’Assemblée Nationale.

Le texte de la deuxième lettre

« 
7eme jour de jeûne citoyen face au projet de loi sur l’immigration

Madame, Monsieur le député de la Commission des Lois,

Indignés et inquiets du projet de loi sur l’immigration, nous avons rencontré ce mardi 14 septembre à l’Assemblée Nationale des députés de diverses formations politiques, en présence de représentants de mouvements associatifs et religieux.
Ces élus nous encouragent à vous alerter à votre tour. Ce projet de loi est inacceptable.

Outre les aggravations de toutes les dispositions restrictives et répressives, il introduit une rupture grave dans l’esprit et la lettre de notre législation.
Parmi toutes ces dispositions qui nous heurtent, l’une nous paraît extrêmement inquiétante : le recul, voire la disparition, du rôle des juges, qui ouvre la porte à un Etat de police. C’est une brèche qui pourrait s’élargir demain à d’autres situations.

Au delà de votre appartenance à une formation politique, vous êtes des femmes et des hommes dont la responsabilité personnelle est engagée.
Êtes-vous prêt à accepter une loi qui institutionnaliserait une maltraitance pour les étrangers que vous jugeriez intolérable pour vos proches ou vous-même ?
Nous en appelons à votre courage et à votre conscience. Ne laissez pas dans l’ombre cette part essentielle de vous-même dans laquelle toute personne doit pouvoir se reconnaître.

Avec toute notre considération citoyenne,

Les 9 jeûneurs de la place Edouard Herriot, le 14 Septembre 2010
 »

Vous pouvez voir ici (http://www.lcpan.fr/LCP-INFO-SEPTEM...) le reportage de La Chaîne Parlementaire (à 9mn30), un premier sujet avait été diffusé le 8 septembre (à la 20ème minute)


Lettres des troisième et quatrième jours de jeûne


10.09.10

Bonjour

Fin du troisiième jour de jeûne. Nous continuons à affronter «  le dragon » avec nos verres d’eau minuscules.

Françoise nous a quittés, nous lui souhaitons chaleureusement bonne route. Ana rejoint notre gang, ce qui nous fait bien plaisir… Antonin aussi nous rejoint pour quelques jours. Bienvenue à tous les deux.

Nous avons appris que des jeûnes s’organisent à Albi, Chamonix, Toulouse ainsi que ce vendredi soir une veillée à Montpellier, un cercle de silence exceptionnel à Bordeaux, etc. Merci pour toutes ces initiatives. Nous n’en avons pas la liste complète et nous ne pourrons pas toutes les citer mais merci à tous de relayer vos initiatives vers nous si possible, vers les medias locaux, etc. Nous devons sensibiliser autant que nous pouvons l’opinion publique sur ce qui est en train de se passer avec ce nouveau projet de loi.

Notre groupe se porte bien. Quelques fatigues mais le moral et la santé vont bien. Nous sommes suivis par Etienne, un médecin qui vient quotidiennement consulter chacun d’entre nous. Nous discutons déjà de la soupe qui nous sera préparée pour rompre le jeûne vendredi soir prochain. D’ailleurs nous invitons tous ceux qui nous rejoindront pour ce cercle de silence à préparer s’ils le souhaitent soupe et autres aliments frugaux pour partager avec nous notre premier repas sur place, après le cercle. Ce cercle est donc prévu exceptionnellement le vendredi 17.09 à 18h30 place du Palais Bourbon derrière « notre maison à tous », l’Assemblée Nationale.

Aujourd’hui quelques medias et personnes politiques sont passés. Nous avons eu une veillée avec la communauté franciscaine qui nous a lu quelques passages de l’Evangile mais aussi de longs passages d’un texte (« ces étrangers qui sont en nous » 23/10/2008) de Serge Portelli, vice président du Tribunal de Grande Instance de Paris. En voici un extrait :

«  J’en ai assez de ces centres de rétention qui fleurissent partout en France et en Europe. J’en ai assez de cette simili-justice à qui l’on demande de cautionner des reconduites à la frontière ignobles. J’en ai assez de cette complicité des parquets qui autorise des arrestations massives dans les quartiers d’immigration. De ce climat de délation qui s’installe ouvertement en France comme aux pires années. De cette suspicion, de cette surveillance qu’on commence à organiser autour de tous ceux qui honorent notre pays en défendant les sans-papiers. J’en ai assez de cet égoïsme monstrueux qu’on veut faire passer pour une politique raisonnée et raisonnable.

Mais vous ne les connaissez pas, vous ne vivez pas avec eux, vous ne les supportez pas, disent-ils. Si, précisément, je suis envahi par eux et j’en suis fier. Je les porte en moi. Il y a dans mon sang de l’italien, de l’espagnol, du corse, du maltais, de l’allemand, du suisse, de l’alsacien et bien d’autres sûrement que je ne connais pas. (…) Tout un peuple d’étrangers en situation plus ou moins irrégulière vit en chacun de nous. Combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination ne suffit plus. Il faut porter haut et fort les valeurs qui sont attaquées de toutes parts aujourd’hui. Il ne s’agit plus de les défendre mais de les proclamer. D’en faire le point de départ de nos discours et de nos actes mais surtout le point d’arrivée. »

Ce texte qui a deux ans n’a pas pris une ride, au contraire les rides de violence et de souffrance se sont accentuées gravement depuis deux ans et les mobilisations en cours en France aujourd’hui voudraient prévenir une pire dégradation encore.

Pauvre France. Nous jeûnons à Paris, dans les beaux quartiers comme on dit, entre Assemblée Nationale, Ministères, Invalides, Seine et tous ces beaux monuments de cette belle capitale. Le passé de la France n’a pas toujours été glorieux, notamment notre passé colonisateur, et pourtant aujourd’hui nous pouvons nous sentir profondément choqués par la situation actuelle. Pour de nombreux citoyens, une honte collective s’installe sur les pratiques en cours, comme si elles semblaient d’un autre âge. Jusqu’où veulent aller ceux qui sont aux manettes des bulldozers qui piétinent les valeurs et acquis de notre nation ?

Jean Paul Nuñez, notre coordinateur jeûneur, ira débattre avec Serge Portelli et Jean Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’Homme, demain samedi à la fête de l’Humanité sur ces sujets liés aux politiques d’immigration.

Le parlement européen a condamné hier la France par une résolution lui demandant notamment de suspendre immédiatement les expulsions de Roms et de stopper une rhétorique «  provocatrice et discriminatoire » des décideurs politiques. Le gouvernement a contre-attaqué, évidemment. Pauvre France.

A la fin de la veillée, nous avons écouté cette chanson de Brel «  Quand on n’a que l’amour ». Nous recommandons à nos députés et à vous tous de la réécouter. Elle pourrait bien vous prendre aux tripes, comme on dit.

Merci pour votre lecture.

Jean Pierre, pour le collectif des jeûneurs.


Ecoutez les Paroles de jeuneurs.

http://www.educationsansfrontieres.org/article31497.html

Depuis mercredi 8 septembre et jusqu’au vendredi 17, veille du concert « Rock sans papiers » et fin de l’examen du « projet de loi immigration » par la Commission des lois (dont les pouvoirs ont été renforcés par la réforme des institutions), ils jeûnent, à proximité de l’Assemblée Nationale, pour exprimer notre indignation et notre protestation contre les graves dispositions inscrites dans le texte du projet en question. Parmi eux, entendra :

Jean-Paul NUNEZ, pasteur et membre de la Cimade
Durée : 10’ 54’’

Alain J RICHARD, franciscain, un des initiateurs des Cercles de Silence
Durée : 4’ 07’’

Jean-Baptiste LIBOUBAN, initiateur de « Faucheurs volontaire »,
Durée : 5’ 11’’

Jean-Claude, de Montpelier
Durée : 2’ 28’’

http://www.educationsansfrontieres.org/article31497.html


La lettre d’information des jeûneurs

4ème jour de jeûne contre le projet de loi immigration (11.09.10)

Bonjour

Fin du quatrième jour de notre jeûne. Le dragon, les petits verres d’eau, la situation n’a guère évoluée depuis hier. Les forces en présence sont toujours les mêmes. Et çà y est ! Les jeûneurs sont des experts en montage/démontage de tente de camping options sol bitumeux + utilisation du mobilier urbain pour tendre les toiles.

Patrick Peugeot, président de la Cimade, nous a remis aujourd’hui une lettre collective de soutien signée par l’ensemble des membres du conseil de la Cimade. Merci à vous.

Une partie du groupe est allé à la fête de l’Humanité participer au débat annoncé dans la chronique d’hier. Bons retours de ce passage à la fête de l’Huma où on nous a offert des gobelets rouges pour boire notre eau quotidienne…

L’association « Droit Devant » nous a rendu visite avec une vingtaine de personnes sans-papiers issues de 7 nationalités différentes, en majorité des femmes venant la plupart du Maghreb et d’Afrique noire. Elles ont témoigné individuellement de leur situation, de leur parcours, de leur exploitation dans le milieu professionnel du fait de leur précarité. La plupart travaillent en France depuis 5 à 12 ans et certaines ont honte de ne pas avoir encore de papiers dans un pays qui fait pourtant tout son possible pour… ne pas leur en donner. Elles sont très touchées par notre action et nous avons aussi été très émus de leur visite. On a eu des échos de leurs talents de cuisinières, notamment quand elles soutenaient les sans-papiers installés sur les marches de l’Opéra Bastille et certains d’entre nous vont peut-être rêver cette nuit des bons plats qu’elles pourraient nous préparer un jour.

Quelques personnes d’associations (RESF, LDH, Réseau Chrétien Migrants, Partenia, Cimade, Faucheurs Volontaires) venues nous soutenir nous ont lu en fin de journée des textes, notamment un très beau texte d’Eve Chrétien qui est intervenue 5 ans dans les centres de rétention. Ces textes seront intégrés dans un livre collectif à paraître en Octobre chez Actes Sud « Chroniques de rétention ». Le genre de texte qui nous motive à 200 % dans notre action. Eve participe d’ailleurs quelques jours au jeûne, en solidarité avec notre action, comme plusieurs autres de nos visiteurs depuis mercredi.

Nous commençons à avoir des retours quelque peu négatifs sur notre action. Tant mieux ! Car çà nous permet d’approfondir le sujet entre nous et avec vous.
« Nous n’aurions pas un discours assez radical à vouloir pratiquer la main tendue avec ceux dont nous combattons les textes et les méthodes, nous nous mettons en danger physiquement, notre démarche est trop imprégnée de spiritualité, etc. etc. »

A ceux qui nous soutiennent comme à ceux qui nous désapprouvent, nous voulons très simplement dire que nous sommes bien campés, les pieds sur terre, et que nous cherchons comme d’autres des formes de résistance juste adaptées aux problématiques actuelles. Nous nous mettons à l’épreuve certes mais avec vigilance et respect pour nous-mêmes.

Certains d’entre nous sont portés par la Foi, d’autres pas mais nous ne sommes pas obnubilés par l’inspiration religieuse, lors de ces journées passées ensemble. Parmi nous, Alain et Jean Baptiste ont développé depuis de nombreuses années le dialogue interreligieux et avec le monde athée. Les échos d’islamophobie répercutés par les medias aux Etats Unis et en France ne sont pas rassurants.

Chacun sait qu’une partie du milieu associatif engagé français suspecte systématiquement toute initiative venant de personnes engagées dans une voie religieuse. Nous ne changerons pas pendant ces quelques jours cet état de fait. Nous voudrions peut-être juste rappeler par une image historique que la chute du Mur de Berlin a commencé en partie dans les églises d’ex-Allemagne de l’Est. Gandhi, Martin Luther King, Aung San Su Ki et bien d’autres non violents sont des personnes qui se reconnaissent dans leur dimension spirituelle. Un de nos espoirs est aussi que des personnes agnostiques ou attachés aux principes d’éthique, notamment à celui du respect de la dignité de leurs opposants, comprennent notre démarche.

Il nous semble que l’un des enjeux posés par le traitement des sans-papiers en France est la capacité de chaque citoyen français « non inquiété vis-à-vis de sa situation administrative » à comprendre peu à peu comment et pourquoi ce qui est infligé à certaines populations de «  moindre droit » nous concerne tous. Nous ne pouvons pas nous déresponsabiliser entre 2 bulletins de vote de ce qui est préparé, voté puis mis à exécution entre notre nom. Ce travail intérieur de ré-responsabilisation parlera probablement aux éléments de la société civile en lutte actuellement dans divers domaines de la vie publique de ce pays. Nous jeûnons en plein durant les débats sur les retraites…

Pour finir et creuser notre réflexion collective, voici un extrait du livre d’Alain Richard «  Une vie dans le refus de la violence » paru cette année chez Albin Michel.

« Je ne considère pas le jeûne comme un remède miracle ou une panacée, ni les cercles de silence, ni quelque forme d’action d’ailleurs. Pour progresser un peu dans la non-violence, il ne faut pas se confier à des panacées, mais il importe chaque fois de reprendre le raisonnement, de regarder quelle est l’injustice qui nous préoccupe, quel est l’état de l’opinion publique, et de choisir la bonne manière d’agir (…) La non-violence a besoin de notre propre transformation pour extirper tout ce qui, en nous, est prétention à savoir. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de convictions, mais conduit le militant à s’effacer lui-même devant la question qui se pose. Pour cela, il est indispensable d’arracher une partie de notre ego, afin que nous puissions être souples pour écouter les autres, y compris nos opposants. Et pour écouter surtout notre conscience – ou Dieu si nous avons foi en Lui. Oui il y a une sorte de défi paradoxal à s’exposer dans toute sa fragilité, face à cette force qui peut paraître démoniaque par instants, ce concentré de violences et d’injustices qui va requérir de la patience pour être transformé. »

Merci pour votre lecture.

Jean Pierre, pour le collectif des jeûneurs.


La lettre d’information des jeûneurs

5ème jour de jeûne contre le projet de loi immigration (12.09.10)

Bonjour,

Fin du 5eme jour de notre jeûne citoyen. Nous sommes donc à la moitié de notre action, sous un beau soleil de septembre. Pas de visites officielles, pas de medias.

Nous recevons par contre de nombreuses visites amicales. Nos amis parisiens respectifs profitent de notre présence de provincial, inhabituellement longue et localisée, pour prendre le temps d’échanger avec nous sur notre action. Un peu d’inquiétude que nous dissipons rapidement sur notre état physique, beaucoup d’échanges personnels mais aussi sur cette nouvelle loi liberticide, qu’il faudrait donc largement amender ou peut-être tout simplement placer dans une corbeille à papier de l’Assemblée. Ces échanges directs font du bien à l’humanité de chacun, à l’ère de l’Internet mobile et du tout virtualisé.

Nous recevons aussi des visites de membres d’associations et des sans-papiers. Parmi eux, un groupe très sympathique de jeunes hommes Africains du Mali et du Sénégal principalement. Ils ont été grévistes jour et nuit sur les marches de l’Opéra Bastille. Ils nous racontent leur action, leur détermination malgré la violence des forces de l’ordre qui ont essayé à de nombreuses reprises de les déloger, les nombreux soutiens dont ils bénéficié de la part des associations et des syndicats et la fin du conflit rendue possible par une promesse de régularisation collective. Régularisations qui sont théoriquement en cours de traitement dans l’administration. La plupart vivent en France depuis de nombreuses années, travaillent autant qu’ils peuvent et vivent entre foyers et lieux de vie solidaires. Avec leurs grands sourires, ils résistent posément à l’intolérable.

Nous recevons aussi la visite de quelques anciens hauts fonctionnaires de l’Etat venus nous assurer de leur soutien inconditionnel. Ils vont activer leurs réseaux pour faire connaitre notre action dans la deuxième semaine qui s’ouvre, notamment pour la journée de mardi où une réunion à l’Assemblée avec un groupe de députés est donc en préparation, réunion suivie d’une conférence de presse avec des personnalités que nous tiendrons sur la place Herriot. Pour ceux qui souhaitent participer à cette conf de presse, surveillez votre boîte aux lettres lundi soir et mardi matin.

Enfin juste quelques mots sur le terme de « jeûne » que nous avons décidé de qualifier de «  citoyen » parce que c’est ce qu’il est avant tout. Les jeûneurs ont depuis le début voulu que cette action soit citoyenne, sans mettre en avant nos appartenances associatives, syndicales, religieuses, athée ou agnostique respectives. Il est certain que les dogmatismes font fuir la plupart d’entre nous, sur nos chemins de vie respectifs.

Rappel : en bas de ces messages, nous vous proposons le texte que nous avons adressé à la centaine de députés de la Commission des Lois. Une lettre quasi identique avec quelques adaptations contextuelles a également été adressée à la Commission des Affaires Sociales qui compte aussi une centaine de députés.

Voilà, cette lettre dominicale est un peu plus courte. Nous vous souhaitons une bonne semaine et merci à tous pour votre lecture et votre soutien.

Jean Pierre, pour le collectif des jeûneurs citoyens.

Vous pouvez également télécharger la lettre que nous avons adressée aux députés membres de la commission des lois et à ceux de la commission des Affaires Sociales.

Vous pouvez écouter un reportage audio réalisés par Resf et disponible sur leur site internet (merci à Yves Hazemann)

On en parle jusqu’en Algérie : à lire l’article d’El-Watan
http://www.elwatan.com/hebdo/france...

Lettre_aux_deputes
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