Une tribune pour les luttes

Le seuil d’intolérance

Xénophobes, les Français ? Pas si sûr, monsieur Sarkozy !
+ Pourquoi les Roms ?

Par ERIC FASSIN sociologue, professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS)

Article mis en ligne le vendredi 17 septembre 2010

http://www.mediapart.fr/club/blog/eric-fassin/120910/pourquoi-les-roms

Pourquoi les Roms ?

Par Eric Fassin

12 Septembre 2010

… Ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L’empire familier des ténèbres futures.

(Baudelaire, « Bohémiens en voyage »)

Pourquoi les Roms ? Pourquoi, aujourd’hui, en France, s’en prendre à ces populations qu’on résume d’un nom – « les Roms » ? La réponse, il ne faut pas la chercher de leur côté. On n’imaginerait pas d’expliquer l’antisémitisme par quelque propriété des Juifs. De même, ce ne sont pas les musulmans qui sont la clé de l’islamophobie, ni les homosexuels de l’homophobie, ni les femmes de la misogynie. Il ne faut pas prendre l’objet de la phobie pour sa cause. Comme toujours, l’explication de la politique est d’ordre politique.

La campagne contre les Roms, c’est justement un membre du gouvernement qui nous en révèle la logique. Le 29 août, lors de l’université d’été du Nouveau Centre, Hervé Morin, ministre de la défense, a en effet donné lecture du « texto d’un ami musulman » : « Après 50 ans de bons et loyaux services, c’est avec beaucoup d’émotion, mais il est vrai avec un certain soulagement, que les Français d’origine maghrébine, ainsi que moi-même, sommes très fiers de passer officiellement le relais aux Roms, comme boucs émissaires et responsables de tous les maux de la France. J’espère qu’ils seront et resteront dignes de cet héritage prestigieux. Bon courage à eux ! » Bien sûr, les Roms n’ont pas attendu l’été 2010 pour occuper en France la place du bouc émissaire. Sans remonter plus loin dans l’histoire, la logique qui se fait entendre aujourd’hui était déjà inscrite dans le discours du premier gouvernement Fillon.

Le 25 novembre 2007, Brice Hortefeux répondait ainsi à une question sur les Roms. Un journaliste de M6 l’interpellait sur la politique du chiffre : si la Roumanie et de la Bulgarie sont en train de rejoindre l’Union européenne, «  on ne peut plus les expulser ! ». Celui qui était alors ministre de l’immigration et de l’identité nationale protestait pourtant : « Non, non, attendez, moi je ne laisse pas [dire] les choses comme ça. Je ne peux pas dire qu’on ne les expulse plus. Je veille à ce que ceux qui ne se conduisent pas bien soient expulsés ». Et le prédécesseur d’Éric Besson d’ajouter : « si vous rêvez d’une société idéale dans laquelle il n’y aurait que des citoyens honnêtes, propres… » La logique était claire : la politique du chiffre réclamait des expulsions ; et si les Roms entraient dans l’Europe, il devenait nécessaire, pour pouvoir continuer de les expulser, de ne pas les considérer comme des citoyens «  propres » et « honnêtes ». La stigmatisation des Roms permettait de justifier leur expulsion en vue d’atteindre les quotas annuels.

La nouveauté, c’est plutôt que la logique implicitement inscrite dans l’action gouvernementale, explicitée par le ministre au détour d’un entretien, est devenue pendant l’été 2010 le cœur du discours présidentiel, et la vitrine de son action. On ne se contente plus d’une pratique discrète ; on revendique hautement, et l’on affiche de façon spectaculaire. Aussi le fameux texto, qui semble avoir circulé d’abord dans la «  communauté musulmane », dit-il bien la vérité de notre actualité. La stigmatisation ne suppose pas un objet fixe ; au contraire, son efficacité passe non seulement par la répétition (parions que le gouvernement, entre la polygamie et la burqa, n’en a pas fini avec les musulmans), mais aussi par la démultiplication (avant ou avec les Roms, les musulmans, la «  racaille » et tant d’autres « catégories de populations »).

Il y a donc bien une circulation rhétorique : le projecteur se déplace, au gré de l’actualité, entre ces « Autres » multiples, c’est-à-dire entre ces groupes sociaux « altérisés ». Pour rendre compte de ce fonctionnement, je propose de parler de « signifié flottant ». Je m’explique. Claude Lévi-Strauss inventait en 1950 le concept de « signifiant flottant » : le « mana » étudié par Mauss ne serait pas plus mystérieux que certains mots que nous utilisons tous les jours – comme « truc » ou « machin », dont le sens se renouvelle selon les contextes. Un même signifiant peut renvoyer à de multiples signifiés, au gré des besoins. «  Simple forme », le signifiant flottant est donc « susceptible de se charger de n’importe quel contenu symbolique ».

Inversons l’analyse : les Roms, les musulmans, mais aussi les « jeunes d’origine immigrée », les Noirs ou les « couples mixtes », sont les signifiants variables d’un même signifié flottant ; et c’est précisément le caractère hétéroclite de la liste qui en est le révélateur. Qu’ont-ils en commun ? À l’évidence, rien – si ce n’est que les uns et les autres se trouvent disponibles, si l’on ose dire, pour la rhétorique politique de stigmatisation actuelle. Quelles propriétés symboliques, et non pas sociales, les Roms partagent-ils avec ces groupes divers ? La réponse ne nous dira rien sur les causes de cette phobie ; en revanche, elle en éclairera le fonctionnement. Elle permettra de comprendre, non pas pourquoi, mais comment les Roms se trouvent pris dans la rhétorique gouvernementale. L’hypothèse qu’on voudrait développer ici, c’est que tous ces groupes stigmatisés sont à la frontière entre « eux » et « nous » – ni dedans, ni dehors, ou plutôt les deux à la fois. Le « problème », c’est qu’ils ont en même temps un pied dedans et un pied dehors.

Fin juillet, quand le gouvernement a mis en place sa rhétorique de stigmatisation, les critiques ont dénoncé «  l’amalgame » : nos gouvernants n’étaient-ils pas en train de confondre les Roms étrangers avec les gens du voyage français ? Sans doute ; reste qu’un tel amalgame n’a rien d’accidentel ; il est essentiel. La dérive est inscrite dans le principe. Les populations qui posent problème, autrement dit, qui sont construites comme «  problématiques », ce ne sont plus tant les étrangers que celles et ceux dont la situation remet en cause le partage, supposé aussi simple et évident que l’intitulé du nouveau ministère opposant l’immigration à l’identité nationale, entre « eux » et « nous ».

C’est vrai des musulmans. Songeons à la tribune du président de la République sur l’islam, à l’occasion du référendum suisse sur les minarets, dans Le Monde daté du 9 décembre 2009 – soit en plein « débat » sur l’identité nationale. Tout en les invitant au respect mutuel, il distinguait «  ceux qui arrivent », les musulmans, de « ceux qui accueillent », présumés non-musulmans ; autrement dit, il faisait comme si l’islam était étranger à la France. L’amalgame est crucial : il revient à traiter en immigrés des populations constituées, pour une part, d’étrangers, et pour une autre, de Français.

Il en va de même pour les Noirs : certains, venus d’outremer, sont Français depuis de nombreuses générations ; d’autres sont issus de l’immigration subsaharienne plus récente. La stigmatisation des Noirs repose sur cette double position, à la fois interne et externe. D’ailleurs, c’est le même président de la République qui, lors d’un voyage officiel aux États-Unis, s’émerveillait le 6 novembre 2007 d’un pays dont les trois derniers responsables de la politique étrangère n’auraient pas été « canal historique » (autrement dit, «  de souche ») : c’était considérer Condoleezza Rice, à l’instar de Madeleine Albright ou Colin Powell, comme immigrée ou issue de l’immigration – à l’évidence, parce qu’elle est noire.

La logique est double. D’un côté, constituer les étrangers en problème ne manque pas d’avoir des effets sur tous ces Français qui, d’une manière ou d’une autre, « ont l’air » étrangers – par leur origine ou leur culture, mais aussi, tout simplement, par leur couleur de peau ou leur patronyme. C’est bien pourquoi la fermeture en matière d’immigration ne saurait être compensée par quelque ouverture dans le registre de la diversité : c’est la fable, en guise d’avertissement, du loup de la xénophobie et de l’agneau de la diversité. D’un autre côté, en même temps, cette inévitable confusion entre frontières externes et internes, ou cette contagion inéluctable, des premières aux secondes, constitue la frontière, au moment même de la tracer autour de l’évidence supposée de l’identité nationale, en un lieu problématique : comment distinguer ceux qui ont l’air étranger, sans l’être, et ceux qui le sont, sans en avoir l’air ?

Les «  couples mixtes » sont un des signifiants de ce signifié flottant, que définit son ambiguïté. En effet, pourquoi font-ils l’objet d’un soupçon systématique, que révèle l’obsession des mariages blancs, et même, depuis Éric Besson, des mariages gris ? Précisément parce qu’ils sont à la frontière entre « eux » et « nous » : par leurs amours, ces couples binationaux la remettent en cause. C’est pour la même raison que les Roms posent aujourd’hui problème : ils campent sur le seuil de l’identité, tant nationale qu’européenne. Cette situation liminale interroge en effet doublement nos frontières. D’une part, ils peuvent être français ou étrangers ; mais d’autre part, bulgares ou roumains, ils sont au seuil de l’Europe, sans en avoir encore tout à fait les droits. Ils pourraient reprendre à leur compte, en l’élargissant, la formule célèbre de Césaire : Européens à part entière, ou entièrement à part ?

Le seuil identitaire, signifié flottant dont les Roms sont actuellement un signifiant privilégié, les condamne-t-il sans rémission au rôle de bouc émissaire ? Le Parlement européen, qui a adopté le 18 juin 2008 la «  directive de la honte », durcissant les conditions de détention et d’expulsion des immigrés, vient pourtant de voter, le 9 septembre 2010, une résolution qui s’inquiète de « la vague de stigmatisation des Roms et de dénigrement général des Tsiganes dans le discours politique », et invite la France à «  suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms. »

En conséquence, voire hypocrisie ? Peut-être. Il n’empêche. De même qu’en France, j’en ai fait récemment l’hypothèse, la xénophobie politique bute peut-être contre un «  seuil d’intolérance », il se pourrait, hypothèse complémentaire, que l’Europe comprenne enfin que la phobie liminaire ne saurait toucher exclusivement les étrangers extra-européens. Tôt ou tard, les effets de cette politique retombent sur des citoyens européens. D’ailleurs, il en va de même, à l’échelle nationale, pour les Français suspects – des conjoints d’étrangers aux victimes du «  délit de solidarité », en passant par celles et ceux qui peinent à renouveler leurs papiers, alors qu’ils se pensaient à l’abri. C’est justement l’effet du « seuil ». Et c’est pourquoi l’Union européenne se découvre une conscience de la « honte » : on croyait s’en prendre aux seuls non-Européens ; on comprend désormais que les Européens n’échapperont pas à cette logique phobique.

« L’empire familier » de la phobie, que les Roms, quelque nom qu’on leur donne, ou plutôt qu’ils se donnent, ont déjà subie naguère, augure-t-elle des « ténèbres futures » qui nous menacent ? Ou bien la « tribu prophétique », dont parle aussi Baudelaire, ne nous engage-t-elle pas en même temps à rêver que le pire n’est pas toujours sûr – et qu’il faut donc combattre sans relâche pour prévenir son résistible avènement, y compris en imaginant des renversements encore inespérés ?

http://www.mediapart.fr/club/blog/eric-fassin/120910/pourquoi-les-roms


Xénophobes, les Français ? Pas si sûr, monsieur Sarkozy !

http://www.mediapart.fr/club/blog/eric-fassin/060910/le-seuil-dintolerance

Depuis les années 80, nous avons vécu en France sous le régime du « seuil de tolérance ». L’idée s’est imposée, à gauche comme à droite, qu’il fallait prendre au sérieux le « problème de l’immigration » - le Front national ne lui devait-il pas sa progression dans les urnes ? Certes, il ne s’agissait pas d’épouser les thèses de l’extrême droite, mais plutôt, pour reconquérir son électorat, d’apporter d’autres réponses aux mêmes questions. Pour combattre la tentation xénophobe, il convenait d’éviter tout « angélisme », et de faire preuve de « réalisme ». La France ne pouvait « accueillir toute la misère du monde », sauf à buter, surtout dans les classes populaires, sur un seuil de tolérance.

Cette rhétorique a imposé sa logique à l’ensemble des partis en leur offrant un modèle du « juste milieu » : chacun s’est employé à définir son point d’équilibre, entre tolérance raisonnable et intolérance modérée. Toutefois, de loi en loi, et de débat en polémique, le spectre du problème de l’immigration n’a pas cessé de déraper vers la droite. Dans les années 2000, la montée en puissance de Nicolas Sarkozy a marqué une accélération ; depuis 2007, c’est l’emballement. Le 10 septembre 2009, à la veille du « grand débat » sur l’identité nationale d’Eric Besson, Brice Hortefeux pousse jusqu’à son terme la logique du seuil de tolérance, réduit au « prototype » : « quand y en a un, ça va ».

Comment expliquer ces glissements progressifs ? C’est que la dérive droitière du juste milieu est inscrite dans le principe même du seuil de tolérance. On part de l’hypothèse d’une xénophobie populaire naturelle, et non pas politique. Le réalisme consiste alors à aligner la politique sur la nature supposée de l’électorat. Pour s’opposer à une telle politique, il ne suffit pourtant pas de dénoncer la démagogie de la droite ; ce serait encore accréditer l’hypothèse d’une demande spontanée de xénophobie.

L’efficacité de cette hypothèse participe d’une hégémonie idéologique de la droite - et pas seulement en matière d’immigration : sans même parler d’économie, rappelons-nous les tergiversations de Lionel Jospin au début de la querelle du Pacs… Depuis longtemps, la gauche, qui se veut raisonnable et modérée, n’ose plus s’affirmer que timidement. En conséquence, l’électorat n’est plus confronté à une alternative, mais à une option unique : les partis offrent des versions plus ou moins alarmistes d’un même problème de l’immigration, sans jamais interroger son évidence. Et à force d’inquiéter l’opinion, celle-ci ne devient-elle pas… inquiète ? C’est un cercle vicieux : les politiques trouvent la confirmation de leur croyance partagée dans les effets qu’elle induit. Quant au peuple, il finira bien par se reconnaître dans le miroir que lui tend le réalisme de droite en devenant ce qu’il aurait toujours été - xénophobe. C’est du moins ce que le sarkozysme veut à tout prix nous faire croire, quitte à s’appuyer sur des sondages trop beaux pour être vrais.

Bref, avec la xénophobie, à tous les coups l’on gagne ! Dès lors, pourquoi s’en priver ? Cette machine infernale ne semblait jamais devoir s’arrêter. Aujourd’hui, on se prend pourtant à douter, surtout à droite. Car ce ne sont plus seulement les belles âmes qui ont des états d’âme : d’anciens Premiers ministres de la majorité rejoignent les rangs des « bien-pensants ». Et la voix du pape réveille des consciences jusqu’alors silencieuses. Ce sursaut moral renvoie bien sûr à une inquiétude politique : et si le Président en faisait trop ? Et si la mécanique se grippait ? Et si la xénophobie politique cessait d’être payante, l’électorat brisant en 2012 le miroir qu’on lui tend depuis si longtemps ?

C’est la véritable rupture du discours de Grenoble : peut-être Nicolas Sarkozy vient-il enfin de buter sur un seuil d’intolérance. Si pour une fois il est allé trop loin, lui suffira-t-il de revenir en arrière pour renouer avec une intolérance sans excès ? C’est sans doute impossible - d’où, en dépit des protestations de tous bords, la « volonté inflexible » du chef de l’Etat. En effet, le « réalisme » n’est pas tant fondé sur une réalité que sur une croyance. Reculer, ce serait reconnaître que la xénophobie d’Etat n’est pas justifiée par une xénophobie populaire. Mais alors, pourquoi faire le jeu d’une intolérance dont la droite découvre fort à propos qu’elle ne l’a jamais approuvée ? Bref, reculer porterait le coup de grâce à la croyance qui a fondé l’ascension du Président.

Hier, Nicolas Sarkozy n’avait pas intérêt à changer une équipe qui gagne. Aujourd’hui, il ne peut pas se permettre de changer une équipe qui perd. La découverte d’un seuil d’intolérance ne nous ramènera pas au juste milieu : il s’avérerait payant, non plus d’en rajouter dans la xénophobie, mais de s’en démarquer toujours plus. On se prend à rêver d’une concurrence électoraliste sans fin dans la démagogie du combat contre la xénophobie. Misère de la politique : Bernard Kouchner n’aurait pas vu venir à temps le retour du « droit-de-l’hommisme » !

Naïveté, ou réalisme ? C’est la leçon du Pacs : lorsque Lionel Jospin a fini par assumer la loi votée par la gauche, c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui, dès l’été 1999, rejetant les surenchères homophobes de son camp, s’est engagé sur le terrain de la tolérance, pour ne pas l’abandonner à la gauche. Les droits des homosexuels sont bien devenus un enjeu de concurrence électorale ; pourquoi la gauche ne pourrait-elle de même reprendre la main en matière d’immigration ? L’évidence du problème de l’immigration pourrait ainsi se défaire bientôt, sous l’effet d’une croyance nouvelle, au seuil d’intolérance : Pascal Perrineau, spécialiste de l’opinion, n’a-t-il pas mis en garde l’UMP, le 30 août, devant une montée de… la tolérance ?

Encore faudrait-il que la gauche saisisse l’opportunité, avant que ne se referme la fenêtre qui s’ouvre. C’est à elle de créer un cercle vertueux. Le flottement dans la majorité redonne de l’espoir à l’opposition, mais celle-ci ne saurait tout attendre de ses adversaires. Plutôt que d’incarner une droite à visage humain, la gauche doit, pour l’emporter, proposer une croyance alternative. Faire le pari que, loin d’être condamnés à la xénophobie, les Français peuvent s’y révéler intolérants : tel devrait être le programme d’un nouveau réalisme de gauche.

Ce texte a paru dans Libération, le 6 septembre 2010, sous le titre : "Xénophobes, les Français ? Pas si sûr, M. Sarkozy !"


Dernier ouvrage paru :Cette France-là, collectif, éditions la Découverte, 2010.

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