Une tribune pour les luttes

CIMADE

Il est temps de témoigner.... Chroniques de rétention 2008-2010
+ Rapport 2009 sur les centres et locaux de rétention administrative

Article mis en ligne le vendredi 8 octobre 2010

http://www.cimade.org/nouvelles/274...


Il est temps de témoigner.... Chroniques de rétention 2008-2010

Avez-vous déjà dû renoncer à vivre chez vous ? Vous couper de vos racines, de votre famille, de vos repères, des codes sociaux de votre culture, de votre langue, celle qui vous vient de votre mère, de la mère de votre mère et de sa mère avant elle ? Avez-vous déjà pris le risque de partir, de tout laisser et de venir seul face à l’inconnu ? Avez-vous déjà été éloigné de tout ce qui vous attachait à la vie au point de perdre la mémoire de vous-même, le goût des autres, la mesure de ce qui est possible… et de vous jeter à la mer jusqu’à peut-être un jour, arriver autre part, pour essayer. Simplement essayer une vie meilleure ?

Savez-vous le poids du regard que porte sur vous le policier qui vous menotte devant vos enfants, ce policier qui vous pousse dans un fourgon en direction d’un centre de rétention pour vous cracher comme un microbe, loin, ailleurs ? Loin de votre famille, de tout ce que vous avez construit, loin de vous-même ?

Connaissez-vous la couleur des murs à l’intérieur d’un centre comme celui du Mesnil-Amelot ou de Vincennes ? Le quotidien, les juges, l’odeur, les visages des autres qui sont avec vous : un Cambodgien, trois Indiens, deux Afghans, dix-huit Maliens, sept Tamouls, trois Soudanais, quinze Algériens. Autour de vous : l’exil du monde, les conflits. Les coups policiers de temps en temps, les cellules d’isolement, l’enfermement des marmailles innocentes, des Français au teint trop basané, les expulsions par bateau pour neutraliser toute forme de résistance ou de solidarité.

Voulez-vous seulement savoir ?

La liste que le policier accroche chaque matin dans la zone des retenus : allez-y, courrez, ce matin… votre nom peut-être : Vol Roissy R2C AF2184 10h40 Kinshasa. Hier, c’était le tour du Pakistanais qui vous dépannait en cigarettes. Aujourd’hui, c’est le vôtre. Les recours épuisés. Le soutien enrayé. L’insupportable qu’on vous oblige à supporter et l’espoir qui étouffe sous des procédures marécageuses. Il vous reste votre corps et parfois le choix entre l’hôpital si vous avez le courage de vous faire mal, la prison si vous avez l’audace de vous débattre ou l’avion si vous abandonnez.

Environ 35 000 étrangers sont enfermés légalement ou illégalement dans les centres et locaux de rétention chaque année.

Depuis 25 ans, La Cimade est à leurs côtés à l’intérieur des murs. En 1984, les intervenants se comptaient sur les doigts d’une main. En 2009, nous étions près de 70. Cette mission de défense des droits des étrangers et de solidarité active est unique en Europe. Loin d’être une caution à la réalité catastrophique de la rétention, cette force de regard et de réaction a été remise en question par l’État à la fin de l’année 2008. Sans doute avons-nous trop défendu. Trop parlé.

Il est temps de témoigner

Humour noir, analyse politique, poésie, dialogues, anecdotes : loin des clichés irréels, des images médiatiques ou des communiqués de presse, nous, intervenants de La Cimade, avons décidé de prendre les mots comme on prend les armes.

> écoutez le témoignage d’intervenants de La Cimade sur Radio Aligre


Rapport 2009 sur les centres et locaux de rétention administrative
http://www.lacimade.org/publications/43

Depuis 2000, La Cimade publie annuellement un état des lieux des centres et locaux de rétention administrative. Ce rapport 2009, le dernier de la sorte, rend compte de l’évolution des conditions de rétention et d’exercice des droits dans tous les centres et lieux de rétention de métropole et d’outre-mer dans lesquels était présente La Cimade jusqu’au 1er janvier 2010.

Fondé sur les données recueillies chaque jour par les intervenants auprès des autorités du centre puis complétées et vérifiées au cours des entretiens avec les retenus, il décrit les mêmes mécanismes que les années précédentes, qui se sont cependant intensifiés et ont conduit à l’aggravation des atteintes aux droits fondamentaux des migrants.

Ainsi, si les observations faites centre par centre témoignent de certaines améliorations des conditions de rétention, les conditions générales d’exercice des droits des étrangers se sont encore une fois détériorées.
Interpellations abusives, violences et tensions à l’intérieur des centres, banalisation de l’enfermement des enfants… Chaque rapport annuel alerte sur les mêmes situations, chaque fois un peu plus aggravées. En 2009, 318 enfants ont passé de 1 à 32 jours dans ces lieux de privation de liberté.
En 2004, ils étaient 165.

Mais dans ce rapport, il ne s’agit pas seulement de marteler des chiffres et de dénoncer la situation chaque fois plus dramatique des hommes, femmes et familles privées de liberté pour le seul fait d’être en situation irrégulière. Les analyses proposées au regard de l’expérience de terrain de La Cimade permettent d’abord de comprendre l’évolution qu’a connue la rétention ces dernières années. De mesure de dernier recours nécessaire pour préparer le départ d’étrangers devant être éloignés, elle s’est transformée en une véritable mesure punitive envers les migrants en situation irrégulière.

Surtout, en détaillant les conséquences concrètes de l’actuelle politique migratoire sur les droits les plus fondamentaux des migrants, ce rapport constitue un outil indispensable pour comprendre les enjeux des débats actuels autour du nouveau projet de loi sur l’immigration.

Augmenter la durée de rétention permettra-il véritablement de rendre plus effectives les expulsions ? Concrètement, quelles conséquences aura le report de la saisine du juge des libertés et de la détention à 5 jours au lieu de 2 actuellement ? De même, quel impact réel aura la « purge des nullités » sur les droits des étrangers retenus ? Face à la réalité observée par les intervenants de La Cimade dans l’ensemble des centres et locaux de rétention en 2009, les argumentaires du gouvernement s’effondrent rapidement.

215 pages

RAPPORTannuel_CIMADE_BD(2)
Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Lire c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 340