Une tribune pour les luttes

Il n’y a plus d’Haïtiens en zone d’attente, la dernière a été libérée

Le 12 janvier prochain sera commémoré le premier anniversaire du séisme qui a fait 250000 victimes..

Article mis en ligne le dimanche 2 janvier 2011

Audience de la Cour d’appel de JLD (à Paris) pour Claudia Blaise, la dernière Haïtienne en zone d’attente (du groupe des 43) ce matin 1er janvier. Le procureur de Bobigny avait fait appel de la décision de libération qu’avait prise le JLD parce qu’elle aurait eu un faux passeport.

Sa sœur aînée et son beau-frère sont dans la salle (comme ils étaient présents à Bobigny). L’avocat de la préfecture et un procureur venu pour la circonstance soutiennent qu’il y a usurpation d’identité et que Claudia Blaise n’est pas Claudia Blaise, la preuve en étant qu’elle a fait établir un faux passeport à son vrai nom.
_ C’est ignorer, volontairement ou pas, ce qui se passe en Haïti où il est très difficile de se faire établir un vrai passeport alors qu’on peut en acheter facilement un faux (200 $ envoyés par la sœur aînée). La magistrate pose de nombreuses questions parallèles aux deux sœurs : il devient évident qu’elles sont de la même famille.
_ Après délibéré, elle libère donc Claudia Blaise.

100% de libération ( la jeune haïtienne mineure ayant été rendue à ses parents).


Vendredi 31 décembre :

73 des 75 Haïtiens arrivés la semaine dernière rejoindre leur famille sont libres

Les trente-deux Haïtiens arrivés le même jour de Port-au-Prince, munis de simples visas de transit, ont tous été libérés par la justice. La cour d’appel de Paris a confirmé mercredi 29 décembre les remises en liberté en mettant en avant les garanties de représentation de ces personnes qui ont toutes de la famille dans l’Hexagone.


Par mail du RESF

Ci-dessous la dépêche AFP annonçant la libération de 41 des 43 Haïtiens. On a des raisons d’espérer que les deux jeunes filles qui n’ont pas été libérées le seront prochainement : la première est mineure et le magistrat veut légitimement s’assurer de son identité et de celle de ses parents. Elle a été confiée à l’ASE. La seconde a voyagé avec un faux passeport, il est possible qu’elle soit mineure. Là aussi le magistrat veut s’assurer de son identité. Elle est maintenue en zone d’attente six jours pour vérifications.

Témoignage

Les arrivants sont jeunes, très jeunes pour certains, des ados, silhouettes fluettes, d’autant que l’une des audiences se déroule dans la grande salle de la Cour d’Assises. Beaucoup de monde. Des familles haïtiennes mais pas seulement. Il y a aussi d’autres retenus. La magistrate fait systématiquement venir à la barre les accueillants. A un moment, un tout jeune homme et un monsieur. « Quel est votre lien de parenté avec ce garçon ? » -« Je suis son père ». Silence glacé. Parfois c’est toute la famille, le père, la mère, la jeune sœur qui vient encadrer le frère aîné. Mais, complètement inhibés par la solennité du lieu et de l’épisode, ils ne se saluent pas, ne se touchent pas. Chacun des 43 est ainsi réclamé par de la famille, parents, frère, sœur, oncle, cousin.

L’argumentation de l’avocat du ministère frise parfois le sordide. «  Les 43 d’aujourd’hui utilisent tous le même moyen, craignez, Madame le président, d’avoir 43 affaires par jour à traiter, c’est une affaire préparée, un coup de force des Haïtiens pour faire reculer l’Etat de droit, ils ont une attitude opportuniste et cynique »

Au total, ce sont donc 73 des 75 des Haïtiens arrivés en deux groupes (32 le 23 décembre, 43 le 26 décembre) qui ont franchi le premier obstacle. L’appel du procureur sur les 16 premiers jugés par le JLD de Créteil, la réservation d’une place sur un vol le 31 décembre pour l’un des 32 montre que s’il n’avait tenu qu’à lui, Hortefeux remettait tout le monde dans l’avion. Les décisions courageuses des magistrats soutenues pas la forte médiatisation de l’affaire ont fait bouger les choses, tant il est vrai que, pareil aux chiroptères, il n’aime pas la lumière.

Il reste cependant tout à faire : ils ont déposé des demandes d’asile devant l’OFPRA qui ont commencé à être rejetées, il y aura l’appel, puis une longue bataille pour ceux qui auront été déboutés. On va demander aux assos haïtiennes de voir si on ne peut pas faire appuyer les démarches par les écoles de ceux qui ont des frères ou sœurs scolarisés. Les RESF 94, 75 et 92 étaient présents ainsi que l’Anafe (avec qui on a partagé les infos).

Dans la salle, une jeune femme avec un enfant de quatre ans sur les genoux. A un moment le petit se lève, file entre les bancs, se glisse entre les jambes des CRS qui gardent les retenus et tombe dans les bras d’un homme, son père visiblement. Un CRS intervient, attrape (sans violence) le petit qui résiste. Le CRS se tourne vers son supérieur qui fait signe de dégager l’enfant. Le père repousse doucement son fils qui repart. Les regards scandalisés convergent vers l’officier. Gêné, il va dire quelques mots, s’excuser peut-être, à la mère.


AFP - 41 des 43 Haïtiens, arrivés dimanche à Roissy sans visa pour entrer sur le territoire national et placés en zone d’attente depuis lors, ont été libérés jeudi dans la soirée par des juges des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de Bobigny, a-t-on appris auprès d’un de leurs avocats.

Deux jeunes femmes sont quant à elles retournées en zone d’attente, le temps que des vérifications d’identité soient menées, a précisé maître Renaud Hypolite, avocat de plusieurs des Haïtiens.

Le parquet n’a pas fait appel.

Devant le nombre inhabituel de dossiers à traiter, les cas avaient été répartis entre deux chambres du tribunal de Bobigny, afin d’accélérer les prises de décision.

Selon plusieurs associations de soutien, toutes ces personnes, âgées de moins de 30 ans, mineures pour certaines d’entre elles, ont de la famille en France, parfois un père ou une mère si ce n’est les deux.

Cette arrivée de Haïtiens se fait à quelques semaines du premier anniversaire du séisme qui a fait plus de 250.000 morts dans l’île le 12 janvier.

Après ce drame, les autorités françaises s’étaient engagées à faciliter l’accueil des victimes en allégeant les conditions du regroupement familial et de délivrance des visas.

Haïti est également en proie à une épidémie de choléra et à une forte instabilité politique depuis les élections présidentielle et législatives du 28 novembre.

L’annonce de premiers résultats très contestés avaient provoqué des manifestations violentes qui s’étaient soldées par la mort de plusieurs personnes.

La publication des résultats définitifs vient à nouveau d’été repoussée


Les 32 jeunes Haïtiens sans papiers venus rejoindre leur famille arrêtés et retenus en rétention malgré leur libération par le JLD ont finalement été libérés par la Cour d’appel.

D’après un mail du RESF

32 Haïtiens de 25 à 35 ans ont atterri le 23 décembre à Orly. Ils étaient porteurs d’un visa pour le Bénin et d’un visa de transit (en principe de 8 jours) en France qui leur interdit de s’installer durablement mais aurait dû leur permettre de visiter leur famille.
La PAF en a décidé autrement. Soupçonnant une volonté de demeurer en France où tous ont de la
famille, souvent très proche, la police les a immédiatement placés en zone d’attente, 16 à Orly et, faute de place, les 16 autres à Roissy.
Le réveillon et le jour de Noel en prison pour étrangers, merci Papa Noël Hortefeux !

La quasi-totalité d’entre eux a formulé une demande d’asile qui doit être
examinée par l’OFPRA. Le juge des libertés et de la détention devait décider aujourd’hui, cinquième jour de leur placement en zone d’attente, s’ils doivent attendre la décision de l’OFPRA en ZAPI ou être libérés et attendre dans leur famille.

15 des 16 retenus à Roissy étaient présentés à Bobigny. On n’a pas d’information sur l’audience qui aurait pris beaucoup de retard, les mêmes avocats plaidant d’abord à Créteil puis à Bobigny.

A Créteil : 15 des 16 retenus à Orly (le dernier étant semble-t-il à l’hôpital) ont été jugés à partir de 10 heures par le JLD de Créteil. Leurs familles et proches sont présents, des avocats les assistent. Arrivée impressionnante : les 15 jeunes, beaucoup de jeunes femmes, encadrés d’une vingtaine de policiers et autour, de part et d’autre du cordon de police, les familles, le père d’un côté, et la fille de l’autre, le frère et la sœur, l’oncle et la nièce. Emotion et dignité.

Au total, sur les 15 situations présentées, la présidente du JLD prend la décision de libérer 14 personnes en se fondant sur le fait que toutes donnent des garanties de représentation : elles ont de la famille proche en France, française ou en situation régulière, ayant un logement et des ressources, s’engageant à les héberger et à subvenir à leurs besoins. Les familles sont présentes à l’audience, depuis 10 heures du matin jusqu’à 17 ou 18 heures. La magistrate estime que, compte-tenu de ces garanties, le principe de liberté doit être respecté, d’autant que « les graves troubles politiques en Haïti et la situation sanitaire du pays » doivent être pris en compte, même si cela n’entre pas immédiatement dans les compétences du tribunal.

La presse commence à suivre l’affaire de près. France Inter et France Info font des sujets. C’est sans doute ce qui va conduite le parquet, la police et l’avocate de la PAF à un curieux petit jeu de poker-menteur. Le procureur fait savoir dès 15h30 aux journalistes qui l’interrogent qu’il fera appel mais, ajoute-t-il, une cour d’appel réunie en urgence statuera dans la soirée sur le caractère suspensif de son appel (autrement dit, le fait que le procureur fasse appel suspend-il ou non la décision de libération du JLD). Normalement, une telle instance d’appel doit se tenir à Paris (Créteil n’étant pas cour d’appel). Nous sommes un peu surpris du caractère exceptionnel de la mesure.
Vers 16h30, les familles voient les 8 premières personnes jugées et devant être libérées transférées. « C’est juste pour signer des papiers » assurent les policiers de l’escorte. Une heure et demi plus tard, les mêmes reviennent, toujours escortés de policiers qui interdisent qu’on leur parle. « On les conduit à Orly » répondent-ils aux familles. « Et la cour d’appel à Paris ? » « On n’est pas au courant, on nous a dit Orly ».

Entretemps les autres personnes sont passées devant le JLD. Libérées, elles aussi. A la fin de l’audience, nous interrogeons une responsable de la PAF en présence de l’avocate du ministère. Elles répondent goguenardes et contentes d’elles-mêmes que l’appel a eu lieu, au deuxième étage du TGI de Créteil. C’est évidemment une mauvaise plaisanterie qui témoigne d’abord d’une certaine inconscience : c’est de la vie, de l’avenir d’une quinzaine de jeunes adultes qu’il est question. On ne peut que déplorer qu’il soit l’objet de mauvaises blagues nulles.
La réalité est que le procureur de Créteil a fait appel sur la totalité des libérations décidées par le JLD de son TGI. Ennuyé sans doute de cette décision et redoutant les retombées médiatiques, il a fait délivrer des messages approximatifs par ses services à propos d’une cour d’appel improvisée, délocalisée ou pas, informations maladroitement relayées par une avocate et une policière.

Bref, le procureur de Créteil (fonctionnaire dont la dépendance à l’égard de l’exécutif est dénoncée par la commission européenne) a estimé que 14 jeunes Haïtiens que le JLD de son tribunal avait libérés doivent être maintenus enfermés deux jours de plus.

250 000 victimes du tremblement de terre, de 10 à 15% de la population du pays sous la tente pendant les tempêtes tropicales, quelques 2000 victimes du choléra, un pays menacé par la guerre civile. Et le procureur du tribunal de grande instance de Créteil qui estime qu’une quinzaine de personnes ayant échappé à cet enfer doivent être privées de liberté avant d’y être réexpédiées. On est fiers de lui.

Au parquet de Créteil, on reconnaissait que la situation à Haïti était « terrible » tout en justifiant : « ils n’ont pas de papiers en bonne et due forme, ils ne peuvent donc pas s’établir en France ».
Le 12 janvier prochain sera commémoré le premier anniversaire du séisme.
Après ce drame, les autorités françaises s’étaient engagées à faciliter l’accueil des victimes en allégeant les conditions du regroupement familial et de délivrance des visas.

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Vos commentaires

  • Le 31 décembre 2010 à 16:15, par Christiane En réponse à : Témoignage Dans mon avion, une expulsée et ses deux enfants : « Help me »

    http://www.rue89.com/2010/12/29/dan...

    J’aimerais vous raconter une histoire dont j’ai été témoin. Je viens de passer une semaine au Mali avec une compagnie théâtrale pour jouer un spectacle au centre culturel français de Bamako. J’étais très content de cette opportunité qui me permettait de découvrir un pays d’Afrique que je ne connaissais pas.

    Nous étions neuf ce jeudi 9 décembre, et devions partir de Paris-Orly à 16h30 avec la compagnie Royal Air Maroc par le vol AT 765.

    En montant dans l’avion, nous découvrons que nous sommes placés tout au fond. Bon. Trois hommes s’y tenaient debout et formaient un rempart devant les derniers sièges.

    En s’approchant pour prendre nos places, ils nous ont tout de suite fait comprendre que ce n’était pas la peine de leur parler ou d’essayer de communiquer d’une façon ou d’une autre.

    Nous avons très vite compris que, derrière eux, se trouvait quelqu’un qui n’avait pas choisi d’être là. Une jeune femme, de 25 ans environ, et deux enfants – un an et demi peut-être pour l’un, et trois ans pour l’autre –, étaient à moitié cachés par les trois colosses.

    Cette jeune femme nous implorait en psalmodiant un « help me » (aidez-moi) répétitif, inlassable. Toute tentative de demande d’explication de notre part a été immédiatement stoppée par les trois gardiens.(...)

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