Une tribune pour les luttes

Egypte

Auto-organisation et fraternité place Tahrir.

La Place Tahrir préfigure l’Egypte solidaire de demain.

Article mis en ligne le mercredi 9 février 2011

La Place Tahrir préfigure l’Egypte solidaire de demain

Vendredi 11 février 2011

Il faudra peut-être encore des semaines avant que le monde apprenne que les manifestants pro-démocratie en Egypte ont réussi à déloger leur président. Mais qu’ils aient ou non atteint cet objectif, ils ont déjà réussi à proposer un nouveau modèle pour une Egypte plus engagée.

Les manifestants massés au Caire place Tahrir ont créé leur propre communauté autonome. Les approvisionnements alimentaires sont limités, mais les vendeurs distribuent le pain, le fromage, l’eau et d’autres biens essentiels.

Une pancarte à l’extérieur du restaurant Kentucky Fried Chicken fait de la publicité pour des services médicaux. Des médecins et infirmières en blouse blanche parcourent la place, offrant des soins aux milliers de personnes blessées dans les affrontements de la semaine dernière.

Un journal donne les dernières informations sur les conditions régnant sur la place et sur la politique à l’extérieur.

L’engagement civique n’est pas un phénomène nouveau en Egypte, bien sûr, et ce serait méprisant que de dire le contraire.

Les mosquées jouent un rôle clé en fournissant des services sociaux aux personnes rassemblées, et la communauté de l’Égypte copte et chrétienne - un grand pourcentage de la population - représente une force politique.

Les groupes d’opposition, comme le Ghad (Demain) et le Wafd (la délégation) ainsi que le parti interdit mais [plus ou moins] toléré des Frères musulmans, ont leurs propres moyens d’informer et d’organiser leurs partisans sur les questions importantes.

Mais tous ces moyens d’information viennent d’en haut et sont enracinés dans des identités spécifiques - préférence politique ou affiliation religieuse.

Ces identités concurrentes s’exposent seulement à l’occasion sur la place Tahrir, laquelle est peut-être la le symbole plus frappant de cette Egypte qui vient de connaître deux semaines de manifestations pro-démocratie.

(...)

Les manifestants de la place Tahrir rejettent cette fragmentation.

Beaucoup refusent de s’aligner sur des partis précis ou des hommes politiques - si l’on demande qui devrait remplacer Moubarak, plusieurs manifestants ont simplement haussé les épaules - en choisissant plutôt d’appeler à un gouvernement d’union nationale.

« Nous devrions avoir un nouveau gouvernement, un gouvernement technique », a déclaré Negla, un médecin de la station du Sinaï de Sharm el-Cheikh qui s’est rendu au Caire pour participer aux manifestations.

«  Nous devons choisir les meilleures personnes dans tous les partis. »

« Un pays libre »

Sans aucun soutien institutionnel, les manifestants ont été obligés de s’organiser, de fournir des services de base pour une communauté qui a souvent atteint des centaines de milliers personnes.

Les exemples les plus frappants sont les « forces de sécurité », les hommes qui contrôlent les pièces d’identité et les poches à l’entrée de la place.

Ailleurs en Egypte les services de sécurité sont presque universellement détestés pour leur corruption et leur brutalité. Ils sont en effet plus susceptibles de commettre des crimes que de les prévenir.

Sur la place, il n’y a aucun récit de vol ou de violence, et les jeunes hommes portant des badges écrits à la main avec la mention « sécurité » sont considérées comme dignes de confiance.

« C’est le seul endroit en Egypte où vous n’avez pas à craindre d’être torturé lorsque vous exposez votre opinion », a déclaré un militant nommé Saeed.

La nourriture et l’eau sont partagées librement parmi les manifestants, dont beaucoup aussi se serrent dans des tentes et se blottissent autour de feux de camp pour se réchauffer dans les nuits d’hiver du Caire.

Les groupes sont mixtes - jeunes et vieux, riches et pauvres, musulmans et coptes - dans une mesure que l’on ne voit pas souvent dans la capitale.

Certaines de ces scènes sont devenues emblématiques, comme l’image des Coptes formant un cercle de protection autour de musulmans faisant leurs prières.

Les manifestants de la place parlent souvent de retrouver leur dignité, de permettre à leurs enfants d’avoir une vie meilleure que la leur.

Dans un pays qui s’est souvent senti pris au piège dans la stagnation - économique et politique - ce nouvel optimisme est un changement palpable.

« Ils [le gouvernement] veulent que nous soyons des esclaves. Nous ne voulons pas être des esclaves », a déclaré Hisham, un architecte âgé de 30 ans qui campe sur la place Tahrir.

« Pourquoi les gens ont-ils peur ? Regardez autour de vous [à la place]. Nous sommes un peuple libre dans un pays libre. Nous voulons que ce soit l’Egypte. »

Le sens de la communauté au sein de la place Tahri, s’étend à la façon dont des manifestants s’occupent des journalistes étrangers.

De jeunes hommes conduisent les reporters à travers les contrôles de sécurité, et un « attaché de presse » répond aux questions et propose de l’aide en cas d’urgence.

Lorsque je me suis agenouillé pour prendre une photo avec mon appareil, lundi soir, trois hommes se sont approchés de moi en l’espace d’une minute.

«  Anta B’khair ? |Vous sentez-vous bien ?] » demandèrent-ils.

C’est intéressé, bien sûr : les manifestants dépendent de la sympathie exprimée dans la couverture des évènements et ils ont peur de ce qui pourrait arriver si l’attention des médias sur la place disparaissait.

Mais leur inquiétude était néanmoins authentique, et c’est à comparer avec la façon dont le gouvernement traite les journalistes. Des dizaines d’entre eux ont été arrêtés par le renseignement militaire ou agressés par des partisans de Moubarak.

Il est difficile de dire comment l’engagement civique des manifestants est perçu en dehors de la place Tahrir.

Dans les conversations dans plusieurs quartiers résidentiels au cours de la semaine dernière, les Égyptiens font parfois des commentaires sur l’atmosphère qui règne sur la place centrale.

« Il n’y a pas de troubles sur la place entre les Chrétiens et les Musulmans », a déclaré un vieil homme nommé Omar, assis dans un café dans le quartier Agouza dans la capitale .

« C’est la façon dont il faut être dans toute l’Egypte. »

Les Egyptiens ont également fait des commentaires en ligne - sur Twitter, Facebook et les blogs - sur l’absence de harcèlement sexuel, un problème commun au reste du pays. Des milliers de femmes ont visité la place chaque jour, et il n’y avait aucune des sollicitations verbales qu’elles sont souvent obligées de subir en public.

Bon nombre des manifestants à l’intérieur Tahrir font valoir que le gouvernement Moubarak a tenté d’étouffer l’engagement civique, qu’il favorise l’apathie et la division afin de maintenir son pouvoir.

La communauté improvisée dans Tahrir offre pour beaucoup d’Egyptiens une vision convaincante de ce que la citoyenneté peut être - un chemin vers un pays plus égalitaire et plus engagé.

« Moubarak nous a toujours donné deux choix, moi ou le chaos », a déclaré Negla, le médecin de Charm el-Cheikh. « Peut-être que ceci est la troisième option. »

7 février 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/news/middleeast/2011/02/201127162644461244.html
Traduction : Abd al-Rahim


07/02/2011

Auto-organisation et fraternité place Tahrir

Mariages, lune de miel et nouvelles naissances au milieu de milliers de manifestants à la place Tahrir

(...)ès qu’on arrive à la place Tahrir on se sent en sécurité au milieu des manifestants. Le nombre des personnes qui arrivent à la place Tahrir ne cesse d’augmenter d’un jour à l’autre. En effet, des milliers de personnes y arrivent des quatre coins d’Egypte. Un grand nombre d’entre eux ont ramené avec eux de la nourriture et des boissons et même des médicaments pour leurs frères qui campent sur cette place depuis 12 jours. Avant de mettre les pieds sur cette place devenue symbole de la révolution égyptienne, toute personne souhaitant y entrer doit être fouillée. Les encadreurs des manifestants ont mis en place un système de files indiennes pour organiser l’entrée des nouveaux venus. En effet, une file indienne a été destinée aux familles, une autre à ceux ramenant des médicaments et de la nourriture et une autre pour les jeunes venus participer aux manifestations. Des dizaines de jeunes surveillent sans relâche et à tour de rôle les entrées et sorties de la place Tahrir alors que d’autres qui se positionnent sur des arbres et les chars de l’armée assurent les rôles de sentinelles et scrutent toute action criminelle venant de la part des « Baltaguya » (repris de justice et voyous travaillant au compte du régime de Moubarak). On range les tentes, plie les couvertures, distribue du thé ou de la nourriture. La place est balayée, les poubelles évacuées.

Une fois à la place Tahrir, on se sent en sécurité au milieu des manifestants. Ici on peut voir l’Egypte dans sa diversité religieuse (musulmans et chrétiens), sociale (pauvres, riches et classe moyenne), niveaux d’instruction (universitaires et personnes à moyen et bas niveau d’instruction), hommes, femmes jeunes et vieux…bref la place Tahrir est semblable à une carnaval populaire qui réunit tous les égyptiens malgré leurs différence autour d’un seul objectif manifester et lutter jusqu’à ce que tombe le régime de Hosni Moubarak qui a gangréné l’Egypte.

Parmi les scènes qui ont fait vibrer les manifestants sur la place Tahrir, l’image d’un jeune venu avec sa famille, sa fiancée et la famille de sa fiancée pour y célébrer leur mariage au milieu des milliers de manifestants. Le jeune mariés appelé Yasser Ibrahim, ingénieur de fonction a déclaré au journal Echorouk : «  je me suis mis d’accord avec ma famille et celle de ma femme de célébrer notre mariage sur la place Tahrir pour immortaliser notre mariage et pour nous rappeler à jamais la révolution de la jeunesse égyptienne. Nous voulons que notre mariage naisse de la révolution égyptienne ». « Ma famille et celle de ma femme ont répondu avec joie à ce pas, et je me suis senti très ému au milieu de ces milliers de manifestants qui ont assisté à mon mariage ». Un autre jeune, par ailleurs, passe sa lune de miel à la place Tahrir après la célébration de son mariage dans le même endroit. Lui et son épouse passent la journée à manifester et à combattre, la nuit ils la passent dans une tente qu’ils ont installée au milieu de la place. Les amis des jeunes mariés assurent la protection de la tente durant leur sommeil.

Le Caire : Hani Gricha/ Version française M.D

http://www.echoroukonline.com/fra/a...


Un mariage dans la plus stricte intimité !!!
http://www.youtube.com/watch?v=lZHt...


Voilées de la tête aux pieds ou habillées à la dernière mode, les Egyptiennes sont très présentes dans les manifestations place Tahrir au Caire, épicentre de la contestation contre le président Hosni Moubarak.
« Je viens tous les jours » depuis que la place est occupée par les manifestants, affirme la romancière Sahar al-Moggi en agitant un drapeau égyptien.
"J’avais peur. Mais il était impossible que je reste chez moi. Nous sommes en train de participer à la plus grande révolution de l’histoire d’Egypte ».

Malgré la foule, de nombreuses manifestantes ont noté l’absence d’abus dans les rassemblements. Le harcèlement contre les femmes, qu’elles soient voilées ou non, est pourtant si courant en Egypte que le Centre égyptien pour les droits de la femme (ECWR) l’a qualifié de « cancer social ».
« J’en ai souffert par le passé, mais ici, ce phénomène n’existe pas », affirme Marwa. « J’ai l’impression d’être parmi mes frères ici ».

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