Une tribune pour les luttes

Les Entrailles de Mademoiselle

Décomplexées !

A propos de l’appel : "IVG : je vais bien, merci."

Article mis en ligne le jeudi 26 mai 2011

2 mai 2011

A lire en entier avec tous les liens et les illustrations extraites de l’anthologie "Le Torchon brûle",
http://blog.entrailles.fr/2011/05/d...

Bientôt un mois que le blog "IVG, je vais bien merci !" _ (http://blog.jevaisbienmerci.net/) recueille des témoignages de femmes. Il y a en a déjà plus d’une centaine, de quoi être littéralement enthousiasmée ! Et émue... aussi.

J’ai lu des témoignages qui m’ont réellement touchés. J’aurais pu en écrire certains, utiliser exactement les mêmes mots pour décrire des situations identiques. J’ai été touchée de voir émerger des régularités : non, nous ne sommes pas toutes différentes, chacune reléguée et isolée dans notre tête, dans notre ventre. Oui, nous avons toutes emprunté des chemins similaires, entendu les mêmes phrases. Nous avons toutes compris qu’il ne fallait pas la ramener. Nous avons toutes justifié cette grossesse accidentelle, comme pour nous excuser d’avoir failli ; nous avons été obligée de souffrir, certaines l’acceptant comme une punition, d’autres se révoltant contre cette maltraitance médicale. Nous avons vécu des choses très proches, chacune isolée dans le silence, n’osant à peine en parler.

J’ai été touchée de constater que ces femmes venaient témoigner malgré la pression qui leur pèse sur les épaules : vouées à la maternité dans les médias et leurs familles, berçant du mioche depuis l’enfance, confrontées aux articles qui, année après année, décrivent l’avortement comme une atroce souffrance, elles sont pourtant venues affirmer leur choix, et dire "je vais bien, merci !".

Elles ont osé dire cela, elles ont osé parler de leur avortement sur un blog qui affiche des couleurs vives, gaies, et un ton différent de celui habituellement employé. Pas de petits bruits étouffés, de chuchotements et de mines déconfites. Ici, on sourit, on parle fort et on se permet de relever la tête. Cela ne va pas de soi.

Quand ce blog est né, on pouvait s’attendre à des réactions violentes d’anti-IVG. Mais ce qui est finalement le plus intéressant, ce sont les autres, ceux et celles qui sont "pour le droit à l’avortement... mais"... mais discrètement, pas sur un ton aussi "décomplexé", comme j’ai pu le lire sous la plume de quelques un.es.

Décomplexé ?

Mais qu’est-ce qu’un ton "décomplexé" ? Un complexe est un "sentiment d’infériorité qui génère une conduite timide, inhibée." (Petit Larousse, 2003). Une conduite inhibée, serait celle d’un "Individu complexé, impuissant à agir, victime de diverses inhibitions." (Trésor)

Oups ! Voilà donc ce qui choque : nous avons cessé d’être inhibées et complexées. Nous avons cessé de nous regarder les pieds, nous avons eu l’outrecuidance de parler et d’agir ! Et c’est vrai que c’est inquiétant lorsqu’il s’agit de femmes. Parce que les femmes, on ne sait jamais ce qu’elles font quand on ne les contrôle plus. Si ? Ah oui, pardon, on le sait : elles vivent leur vie. C’est là que ça devient grave. Gravissime, même.

Un blog aussi décomplexé sur l’avortement me gêne un peu car j’ai peur que certaines jeunes filles se disent que ce n’est rien et qu’elle se mettent à considérer l’avortement comme un moyen de contraception. Ce n’en est pas un. Ça ne doit pas en être un. (...) ça ne doit pas être pensé comme "Oups j’ai pas de capote. Bah tant pis, au pire j’avorterais !". Comme si c’était banal. Comme si toutes les femmes le faisaient au petit dej, entre 2 tartines.
Et j’ai juste dit que j’avais peur (juste peur, j’ai pas dit que ça allait être forcément le cas) qu’avec un blog pareil, les jeunes filles se mettent à penser comme ça
. (extrait d’un commentaire sur RUE89)

C’est LA GRANDE PEUR des "je suis pour le droit à l’avortement MAIS" : que les femmes se mettent à faire N’IMPORTE QUOI si on cesse de faire planer une ombre inquiétante sur l’IVG (un commentateur sur RUE89 se rassure tout de même : "la majorité des femmes ne sont pas si "bêtes"." OUF !).

Comme si la culpabilisation des femmes contenait le recours à l’avortement, jouant comme un garde fou. Comme si les femmes agissaient en fonction de cette peur, tels des petits animaux craintifs.

Mais les femmes ont toujours avorté, et avorteront toujours.

Elles avortaient même quand elles risquaient la prison ou la mort. Elles avorteront même si vous les humiliez, même si vous leur faites payer par la douleur, même si vous les culpabilisez, même si vous les forcez à retourner sur la table de cuisine d’une faiseuse d’anges...

C’est ce qui dérange les tenants de "pour le droit à l’avortement MAIS". Pour eux, l’avortement, c’est mal et il faut tout faire pour l’éviter. Pour eux, si vous ne pensez pas que l’avortement est mal, si vous ne dites pas, n’écrivez pas "oui, c’est mal", c’est que vous pensez forcément que c’est "génial" et qu’il faut courir se faire avorter tous les mois, en riant. Vous "banalisez" l’avortement.

La banalisation

Bref, je suis contre la banalisation de l’avortement... Je milite pour sa prise en charge, son encadrement, son remboursement, l’accompagnement des femmes dans les meilleurs conditions, sans culpabilisation, mais sans banalisation non plus ! (extrait d’un commentaire sur RUE89)

Dire "j’ai avorté et je vais bien", banaliserait donc l’avortement. Dire "j’ai avorté et j’en souffre" serait en revanche un comportement normal, en adéquation avec ce que l’on attend d’une femme qui a avorté : qu’elle ne dise rien, ou qu’elle porte son choix comme une croix.

On attend donc des femmes qui ont avorté qu’elles se taisent, ou au mieux qu’elles se lamentent. Parce que l’avortement, c’est mal, et qu’elle sont coupables. De quoi ? D’avoir fauté.

Avoir fauté ne signifie plus "avoir eu des relations sexuelles hors mariage". Cela ne signifie pas non plus "être tombée enceinte accidentellement et décider de poursuivre cette grossesse".

"Avoir fauté signifie être tombée enceinte accidentellement et décider d’avorter". Et comme les tenants de "pour le droit à l’avortement, mais" ont horreur de parler d’avortement, ils se concentrent alors sur la contraception.

La contraception, c’est un peu l’alpha et l’oméga de leurs discours.

Évidemment que la contraception est une question très importante. Mais l’avortement ne se résume pas à la question de la contraception. L’avortement, c’est la possibilité d’interrompre un processus biologique entamé, sur décision de la femme concernée. Point. Comme le dit Léa, sur le site "IVG, je vais bien merci !" :

L’avortement "ce n’est pas une déro­ga­tion que l’on nous accorde, c’est un droit que l’on exerce." (Léa)

Ce n’est pas une session de rattrapage pour mauvaises élèves, avec justificatifs et excuses à fournir. C’est un droit. Il est évidemment nécessaire que les femmes aient au mieux accès à la contraception, qu’elles puissent s’informer et être informées par des professionnels qui savent de quoi ils parlent [1]. Cela signifie que les femmes doivent pouvoir choisir leurs contraceptifs, choisir d’en changer, choisir ce qui leur paraît le mieux adapté à leur vie, leur corps. [2]. Ce qui est encore loin d’être le cas.

Mais à propos de contraception et d’avortement, les discours les plus courants consistent à asséner "qu’avec les moyens de contraception actuels", il faut presque le faire exprès pour "se retrouver enceinte accidentellement".

Dans la bouche des femmes, il est particulièrement terrible d’entendre cela. Il y a des femmes persuadées qu’elles n’avorteront jamais, parce qu’elles contrôleront toujours parfaitement leur contraception. Que sur les 396 cycles qu’elles vont vivre de leur 17 à leur 50 ans, pas un ne donnera lieu à une grossesse non désirée, et qu’en conséquence, elles ne se retrouveront jamais à se demander "je le garde ou non ?".

C’est pour les connes.

Moi aussi, je croyais ça. Petite prétentieuse que j’étais. Ce genre d’accident, dans ma tête, ce n’était que pour les imbéciles, les ignorantes, les connes, pour être claire.

Et pourtant, ça m’est arrivé, à moi. Je me suis "retrouvée enceinte", comme on dit.

« J’ai eu honte que ça m’arrive à moi, ingé­nieur de 23 ans. Quand j’écris ça je me rends compte du matra­quage que l’on subit : non les gros­sesses indé­si­rées n’arrivent pas qu’aux filles de 14 ans de milieux défa­vo­ri­sés ! ». Extrait du témoignage de Mathoo, sur le site "IVG, je vais bien, merci !"

J’avais 17 ans, la loi Aubry permettant aux mineures d’avorter sans le consentement de leurs parents n’étaient pas encore passée. J’ai donc été obligée de leur en parler.

Ma mère était féministe. Mais elle a très mal pris la nouvelle. Pas question de me dire : "c’est un accident, ça arrive, on va trouver une solution, on s’est battus pour ça !", non. J’ai eu le droit à une humiliation en règle : mais quelle abrutie faut-il être pour se retrouver enceinte avec les moyens de contraception actuels.

J’étais donc une abrutie. C’était la honte.

Mais il y a des tas de raisons pour que la contraception ne marche pas. Nous ne sommes pas des robots, et certaines d’entre nous ont moins le droit à l’erreur que d’autres. Si certaines galèrent des mois voire des années pour être enceintes, pour d’autres, il suffit de pas grand chose. Une interaction avec un médicament, une pilule vomie, un décalage dans la prise, un oubli, un préservatif qui glisse, une pilule du lendemain qui ne marche pas... Et PAF. Voilà. Parce que "C’est plus facile de devenir enceinte que l’inverse" :

Je ne vois pas pour­quoi je devrais me jus­ti­fier et expli­quer pour­quoi je suis tom­bée enceinte. Ne PAS tom­ber enceinte est dif­fi­cile, pas l’inverse. C’est vivre et faire l’amour des années sans tom­ber enceinte l’exception, pas l’inverse.
Mon mec ne se pose pas la ques­tion non plus, et pour­tant on était deux res­pon­sables, alors pour­quoi tout le monde me demande pour­quoi ou com­ment je suis tom­bée enceinte ? (Que répondre : Un ange blanc ? Un miracle ? Du sperme dans l’eau de la pis­cine ?? Mais non, j’ai fait l’amour, c’est dingue, tu connais d’autres moyens toi ?)
Extrait du témoignage de "C’est plus facile de devenir enceinte que l’inverse", sur le site "IVG, je vais bien, merci !"

"Ce qui était plus dur à sup­por­ter, c’était le regard sup­posé des gens bien pen­sant prô­nant l’auto-responsabilité : si l’on avorte, c’est qu’on a fait quelque chose de mal. On n’a pas fait atten­tion, donc il faut bien en payer les consé­quences. Ça, ce sen­ti­ment dif­fus qui ne s’exprimait pas en paroles autour de moi mais que je sen­tais pré­sent, était déran­geant."

Extrait du témoignage de M., sur le site "IVG, je vais bien, merci !"

La suite de l’article sur :
http://blog.entrailles.fr/2011/05/decomplexees/


30 mai 2011

Les filles des 343 vous pro­posent un entre­tien avec Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne, res­pon­sable d’une unité d’IVG et de pla­ni­fi­ca­tion fami­liale dans un hôpi­tal public.
«  c’est très gra­ti­fiant de par­ti­ci­per à l’indépendance des femmes. D’être le pro­fes­sio­nel qui leur per­met de réa­li­ser leur choix. »
Les fran­çaises font en moyenne 2 enfants et 0,4 IVG. Cela fait 2,4 concep­tions, tou­jours en moyenne, pour toute une vie de par­tie de jambes en l’air. Alors, je trouve que glo­ba­le­ment elles gèrent rude­ment bien leur contraception.

http://blog.jevaisbienmerci.net/201...


Le blog : le blog « IVG, je vais bien merci ! »
http://blog.jevaisbienmerci.net/

Et l’appel :
http://blog.jevaisbienmerci.net/lappel/

IVG : je vais bien, merci.

Plus de 200 000 femmes avortent chaque année en France.

Cet acte, pra­ti­qué sous contrôle médi­cal, est des plus simples. Pour­tant, le par­cours des femmes qui avortent, lui, l’est de moins en moins :

Le droit à l’IVG est menacé : en pra­tique, par la casse métho­dique du ser­vice public hos­pi­ta­lier, et dans les dis­cours, car l’avortement est régu­liè­re­ment pré­senté comme un drame dont on ne se remet pas, un trau­ma­tisme systématique.

Ces dis­cours sur l’avortement sont des slo­gans éloi­gnés de ce que vivent la grande majo­rité des femmes, ils ont pour but de les effrayer et de les culpabiliser.

Nous en avons marre que l’on nous dicte ce que nous devons pen­ser et res­sen­tir.
Depuis le vote de la loi Veil en 1975, a-t-on cessé de pré­dire le pire aux femmes qui décident d’avorter ?

Nous en avons assez de cette forme de mal­trai­tance poli­tique, média­tique, médicale.

Avor­ter est notre droit, avor­ter est notre déci­sion. Cette déci­sion doit être res­pec­tée : nous ne sommes pas des idiotes ou des incon­sé­quentes. Nous n’avons pas à nous sen­tir cou­pables, hon­teuses ou for­cé­ment malheureuses.

Nous reven­di­quons le droit d’avorter la tête haute, parce que défendre le droit à l’avortement ne doit pas se limi­ter à qué­man­der des miettes de tolé­rance ou un allon­ge­ment de la corde autour du piquet.

Nous disons haut et fort que l’avortement est notre liberté et non un drame.

Nous décla­rons avoir avorté et n’avoir aucun regret : nous allons très bien.

Nous récla­mons des moyens pour que le droit à l’IVG soit enfin res­pecté. Nous récla­mons son accès incon­di­tion­nel et gra­tuit mais égale­ment la liberté de faire ce que nous vou­lons de notre corps sans que l’on nous dise com­ment nous devons nous sentir.

http://jevaisbienmerci.net/index.php?petition=1&signe=oui

Aujourd’hui 02 mai 2011, il y a 2382 signatures électroniques enregistrées depuis le 02 avril 2011


Et sur Mille Bâbords il y a un mois : 17088

Les Entrailles de Mademoiselle
IVG : Y’a qu’à pas baiser !
Comment continuer à maltraiter les femmes qui avortent ...

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