Une tribune pour les luttes


" Elles sont allées en prison pour avoir refusé de servir Israël"

Par Clément CHASSOT

Article mis en ligne le dimanche 25 septembre 2011

A Mille Bâbords : Idan Halili et Sahar Vardi, à gauche

Avec tous les liens :

http://www.marsactu.fr/2011/09/22/e...

le 22 septembre 2011

« Les Palestiniens au côté desquels je me bats espèrent vraiment que l’ONU reconnaisse la Palestine comme un Etat indépendant, même s’ils savent très bien que cela ne résoudra rien. Je pense profondément que ce conflit se réglera entre les deux parties concernées, et que les tentatives de pays tiers, qui ont bien souvent des intérêts économiques avec Israël, ne donneront rien ». Sahar Vardi, jeune israélienne d’à peine 20 ans mais déjà emprisonnée 5 mois pour avoir refusé de faire son service militaire obligatoire, donne le ton avec aplomb.

Une tournée nationale

La Palestine, sous le feu des projecteurs internationaux toute cette semaine, effectuera demain, par la voix du Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas une demande d’adhésion d’un Etat indépendant à l’ONU. Hier soir, Sahar Vardi et Idan Halili (24 ans), deux objectrices de conscience israéliennes, étaient à Marseille dans les locaux de l’association Milles babords pour témoigner de leurs parcours personnels, aussi différents que poignants. Les deux jeunes filles ont entamé une tournée française le 12 septembre dernier à Millau à l’initiative du COT81, le collectif tarnais de réflexion et d’action contre la militarisation.

Si l’une, Idan Halili, a refusé de faire l’armée (deux ans obligatoires pour les femmes contre trois pour les hommes à l’âge de 18 ans) pour son engagement féministe alors que l’autre, Sahar Vardi, pour son combat auprès de la cause palestinienne, elles s’accordent sur un point : la place prépondérante de l’armée dans la société israélienne est une des causes de l’enlisement de ce conflit sans fin. Elles militent toutes deux au sein de l’association antimilitariste et féministe « New Profile », la seule à être interdite d’entrée dans les écoles du pays.


Le poids démesuré de l’armée en Israël

« Nous sommes habitués dès notre plus jeune âge à voir Tsahal (l’armée, Ndlr) comme quelque chose de naturel : on se déguise en militaire lors de certaines fêtes, des soldats viennent régulièrement rendre visite aux élèves du pays… » raconte Sahar Vardi. D’une voix convaincante, elle décrit le sentiment de peur qu’on leur inculque au quotidien : « on nous explique que quelqu’un a toujours voulu exterminer notre peuple, que la menace est partout et, pour avoir grandi pendant la deuxième Intifada, on peut rapidement y croire. L’armée est donc pour beaucoup une institution rassurante. »

Lycéenne, elle a voulu savoir ce qui se passait «  de l’autre côté, à 15 minutes de chez moi », et a commencé à soutenir la cause palestinienne. En 2008, alors en terminale, elle est à l’origine d’une lettre publique adressée aux autorités signée par une centaine d’élèves qui s’opposent à l’occupation des territoires palestiniens. Tous refusent de faire l’armée. Une dizaine d’entre eux seront emprisonnés. Elle, pendant 5 mois. Proche des mouvements d’extrême gauche, elle a participé ensuite à de nombreuses manifestations mêlant Israéliens et Palestiniens contre la construction du mur de séparation ainsi que la colonisation de Jérusalem Est et des territoires occupés.

Idan Halili est elle la première objectrice de conscience à avoir été emprisonnée. Elle a passé 15 jours au « gnouf » pour ses convictions féministes. «  J’ai commencé à ouvrir les yeux lorsque j’étais au lycée mais j’ai vraiment pris conscience du machisme israélien quand j’ai commencé à travailler dans un foyer pour mineures, souvent violées. Et au moment de m’engager dans l’armée, j’ai réalisé que cela n’était pas possible car cette institution symbolise cette reproduction d’une hiérarchie trustée par les hommes et de la domination de la femme ». Il existe 5 moyens pour les Israéliennes d’être exempté de service militaire : être enceinte, se marier, être pratiquante, avoir des problèmes de santé et enfin, être désigné objecteur de conscience pour des raisons pacifistes. « Sauf que le comité qui vous examine est presque à 100% composé de militaires et que quoi que vous répondiez vous êtes difficilement perçu comme pacifiste, précise Idan Halili. J’ai personnellement fait valoir mes idéaux féministes et ils ont logiquement refusé de m’exempter ».

Un mouvement qui s’enracine lentement

L’assistance, environ 80 personnes serrées comme des sardines marseillaises, est émue. A la fin des deux monologues, les questions fusent, dont la suivante : « Est-ce que la question du budget de la défense (16 milliards de dollars en 2010, soit 6,1% du PIB) était l’une des préoccupations lors du récent mouvement social ? Votre engagement est-il un phénomène en expansion ? ». Sahar Vardi répond : « Le grand mouvement social que le pays a connu cet été a surtout été mené par une classe moyenne très favorable à l’armée. Lors des récents tirs de roquettes et raids israéliens sur la bande de Gaza, nous pensions que le mouvement allait s’arrêter, car la sécurité est au-dessus de tout. Mais on a eu le plaisir de se tromper. Le mouvement antimilitariste et pacifiste grossi peu à peu dernièrement, principalement à cause des lois antidémocratiques qui rendent l’appel au boycott illégal ou qui interdisent encore de commémorer la Nakba (« la catastrophe », qui fait référence à l’exode palestinien de 1948, Ndlr). Mais cette prise de conscience est minime et n’a pas encore de grande résonance ».

Au bout de deux heures de débat, les deux objectrices de conscience sont assaillies de questions supplémentaires, de demandes d’email… «  Des rencontres comme celles-ci peuvent s’organiser en Israël mais elle ne sont jamais aussi conviviales… merci ! », finit par lâcher Sahar, cette jeune fille de 20 ans qui pense « voir la fin de ce conflit horrible de son vivant, même si le chemin est encore très long ». En attendant, ce chemin les mène ce soir à Lyon, les 24, 25 et 26 septembre à Nancy avant de mettre un point d’honneur à cette tournée française les 27 et 28 septembre à Paris.

Un lien L’article publié par Politis en juillet dernier sur l’organisation des jeunes militants israéliens de gauche (accès abonnés)

Un lien http://www.med-in-marseille.info/spip.php?article1557
« Mars pour Gaza », débat et projection d’un film produit par Med’in Marseille, e 24 septembre 2011 à 14h30 au CRDP, 31 boulevard d’Athènes 13001 Marseille.

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