Une tribune pour les luttes

Stopper le tsunami de la dette

Par Damien Millet (*)

Article mis en ligne le jeudi 30 décembre 2004

Les dégâts causés par le séisme du 26 décembre en Asie sont gigantesques. Les victimes sont au nombre de plusieurs dizaines de milliers et le chiffre ne cesse de grimper. Des villages entiers sont dévastés, des centaines de milliers de personnes ont perdu des proches et sont sans abri. Les risques sanitaires sont considérables.

L’aide internationale tente de se mettre en place. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont promis chacun une aide comprise entre 35 et 40 millions de dollars, de nombreux pays se mobilisent. L’Organisation des nations unies (ONU) demande un plan exceptionnel de plusieurs milliards de dollars. Une première estimation indique que le montant des dégâts pourrait dépasser 10 milliards de dollars. Voilà pour le visible et le médiatique.

A côté de cela, la dette continue de faire son œuvre. De façon moins spectaculaire, moins ciblée, mais tout aussi ravageuse. La communauté internationale cherche comment aider au mieux les pays meurtris et pendant ce temps, les pays riches, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), les banques privées et les marchés financiers attendent leurs remboursements en provenance d’Indonésie, d’Inde, de Sri Lanka, de Thaïlande, de Malaisie et de tous les autres pays touchés comme les Maldives, la Birmanie ou l’Afrique de l’Est.

Selon les derniers chiffres publiés par la Banque mondiale, la dette extérieure publique des cinq pays les plus touchés s’élève à plus de 300 milliards de dollars. Les remboursements qu’elle implique sont gigantesques : plus de 32 milliards de dollars par an, qui se dirigent à 36 % vers les institutions multilatérales comme la Banque mondiale, à 25 % vers les pays riches et à 39 % vers les créanciers privés. Dans ce sens-là, on parle en milliards.

Comment comprendre que tous ces créanciers puissent continuer à exiger des remboursements de la part de pays aussi gravement touchés ? Des sommes colossales sont nécessaires pour porter secours aux populations ayant survécu au séisme et l’annulation totale de leur dette extérieure peut les fournir. Il est du devoir des grands argentiers de la planète (G8, FMI, Banque mondiale, Club de Paris, etc.) de cesser les manœuvres géopolitiques particulièrement déplacées pour enfin agir vraiment.

Car d’autres tsunamis plus terribles frappent la planète, et l’opinion publique doit en prendre conscience. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), "le décès de plus de 30000 enfants chaque jour, pour des raisons qui auraient pour l’essentiel pu être évitées, passe inaperçu. Pourquoi ? Parce que ces enfants sont les victimes invisibles de la pauvreté." Dans le monde, 2,8 milliards de personnes, soit près d’un être humain sur deux, survivent avec moins de deux dollars par jour, et 850 millions de personnes souffrent de la faim. Selon le PNUD toujours, "à l’échelle planétaire, il manque quelque 80 milliards de dollars par an pour assurer à tous les services de base", à savoir l’accès à l’eau potable, une alimentation décente, l’éducation primaire et les soins de santé essentiels.

Là aussi, la dette fait son œuvre, les populations se saignent aux quatre veines pour que leur pays rembourse les riches créanciers du Nord, avec la complicité des détenteurs de capitaux du tiers-monde. Chaque année, les pouvoirs publics de tous les pays en développement remboursent plus de 230 milliards de dollars au titre de la dette : c’est une véritable hémorragie. L’aide au développement du Nord, chiffrée à 68 milliards de dollars en 2003, est à la fois très insuffisante et mal répartie, d’autant plus qu’elle profite souvent bien plus à de grandes sociétés transnationales qu’aux populations les plus vulnérables.

Il est temps d’exiger des grandes puissances une véritable annulation de la dette extérieure des pays dévastés, et plus généralement de tous les pays en développement, qui, chacun à leur manière, subissent un cataclysme social et humain. Ils remboursent des sommes colossales et ne sont pas en mesure de garantir le minimum vital à leurs peuples. Je ne vous parle pas de charité : il s’agit de justice. L’annulation totale de la dette extérieure publique est désormais une exigence morale minimale.

(*) Président du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM France), coauteur avec Eric Toussaint du livre "50 questions 50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale", éd. Syllepse/CADTM, 2003. E-mail : damien.millet chez cadtm.org

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