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mercredi 5 octobre 2011
Il y a 50 ans, en pleine guerre d’algérie, le FLN organise une manifestation pacifique en plein paris. La préfecture considère ça comme un acte de guerre et lâche sa police. Nuit noire de chasse à l’homme et de matraquages meurtriers. Morts et blessés jetés dans la Seine. Tas de corps dans la cour de la Préfecture. Sans doute plusieurs dizaines, ou centaines. on ne saura sans doute jamais car rarement le silence et l’amnésie publique auront été organisés et imposés avec autant de force. Pendant 50 ans...
Le Dimanche 16, de 16h à 21h, Un rassemblement aura lieu pour commémorer le cinquantenaire du 17 octobre 1961. Un monument provisoire sera dressé. Ce sera aussi l’occasion de témoigner, ou d’écouter les témoignages des autres : ceux qui se souviennent de ces années là à Marseille, ceux nés plus tard qui savent les traces qu’elles ont laissé. A la nuit tombante (vers 19.30), la compagnie de théatre de rue KompleXKapharnaüM proposera une intervention spectaculaire multimédia.
Le 17 octobre 1961, c’est le symbole de l’amnésie d’état. Au delà du massacre perpétré ce soir là, il questionne 50 ans de cécité sur les réalités de la guerre de libération nationale des algériens, 50 ans de refoulement et d’amnisties pour ne pas mettre des mots sur les actes commis. Une amnésie malhonnête qui pourrit encore aujourd’hui la relation de la france à l’algérie, aux algériens venus vivre en france, et aux français que sont leur fils et petits-fils.
Il y a 50 ans... Le 5 octobre 61, en pleine guerre d’algérie, le préfet de police Papon diffuse un communiqué de presse qui institue un couvre-feu pour les FMA (français Musulmans d’Algérie). Le FLN décide de riposter au couvre-feu en organisant une manifestation massive et pacifique. Des milliers d’hommes de femmes et d’enfants venus des bidonvilles de banlieue et des quartiers pauvres de Paris se rassemblent. La préfecture considère ça comme un acte de guerre. La répression sera féroce, à la sortie des stations de métro de l’étoile, sur les grands boulevards ou sur le pont Saint Michel Morts et blessés sont jetés dans la Seine depuis les ponts de Neuilly, d’Argenteuil ou d’Asnières. Des tas de corps s’empilent dans la cour de la Préfecture. Des centaines de personnes seront conduites au Palais des Sports et au stade Coubertin, ou les sévices et tabassages sur les détenus se poursuivent jusqu’au 20 octobre. Sans doute plusieurs dizaines, ou centaines de morts. on ne saura sans doute jamais car rarement le silence et l’amnésie publique auront été organisés et imposés avec autant de force. Pendant 50 ans...
(article initialement publié le 21 août 2011)
Regarder la
vidéo réalisée à partir des rares archives existantes. Musique : Médine + Ministère des affaires populaires. Son : Manu Blanc.
http://www.primitivi.org/spip.php?a...
Voir les photos de la Campagne d’affichage soutenue par primitivi (cliquer pour agrandir) :
http://rebellyon.info/Le-massacre-du-17-octobre-1961-a.html
Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : « ici on noie les Algériens ! »
Publié le 17 octobre 2010
Le 17 octobre 1961 alors que la guerre d’Algérie touche à sa fin, le FLN appelle à une manifestation pacifique dans les rues de Paris pour dénoncer le couvre-feu raciste imposé quelques jours plus tôt aux Algériens et par extension à tous les Maghrébins (obligation d’être sans cesse isolé, et interdiction aux travailleurs algériens de sortir de 20h30 à 5h30, les cafés tenus par des musulmans doivent fermer à 19h...). Cette manifestation rassemble environ 30.000 personnes.
Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, qui a reçu carte blanche des plus hautes autorités, dont de Gaulle, lance, avec 7.000 policiers, une répression sanglante. Il y aura 11.730 arrestations, et peut-être beaucoup plus de 200 morts, noyés ou exécutés, parmi les Algériens.
Ce crime au coeur de l’État français n’a toujours pas été reconnu officiellement alors même que les partisans de la Nostalgérie prônent la promotion de l’oeuvre positive française durant la colonisation dans les programmes scolaires !!!
Intervention de Claude Bourdet au Conseil municipal de Paris, le 27 octobre 1961
Le 27 octobre 1961, Claude Bourdet, alors conseiller municipal de Paris et aussi journaliste à « France-Observateur », avait interpellé le préfet de police, Maurice Papon, en plein conseil municipal de Paris sur l’exactitude des faits qui se lisaient dans la presse parisienne, à savoir le repêchage dans la Seine de 150 cadavres d’Algériens depuis le 17 octobre 1961 entre Paris et Rouen.
« Monsieur le Préfet de Police »
- Les silences de Monsieur Maurice Papon
« J’en viens d’abord aux faits. Il n’est guère besoin de s’étendre. Parlerai-je de ces Algériens couchés sur le trottoir, baignant dans le sang, morts ou mourants, auxquels la Police interdisait qu’on porte secours ? Parlerai-je de cette femme enceinte, près de la place de la République, qu’un policier frappait sur le ventre ? Parlerai-je de ces cars que l’on vidait devant un commissariat du quartier Latin, en forçant les Algériens qui en sortaient à défiler sous une véritable haie d’honneur, sous des matraques qui s’abattaient sur eux à mesure qu’ils sortaient ? J’ai des témoignages de Français et des témoignages de journalistes étrangers. Parlerai-je de cet Algérien interpellé dans le métro et qui portait un enfant dans ses bras ? Comme il ne levait pas les bras assez vite, on l’a presque jeté à terre d’une paire de gifles. Ce n’est pas très grave, c’est simplement un enfant qui est marqué à vie !
Je veux seulement mentionner les faits les plus graves et poser des questions. Il s’agit de faits qui, s’ils sont vérifiés, ne peuvent pas s’expliquer par une réaction de violence dans le feu de l’action. Ce sont des faits qui méritent une investigation sérieuse, détaillée, impartiale, contradictoire.
D’abord, est-il vrai qu’au cours de cette journée, il n’y ait pas eu de blessés par balle au sein de la Police ? Est-il vrai que les cars radio de la Police aient annoncé au début de la manifestation dix morts parmi les forces de l’ordre, message nécessairement capté par l’ensemble des brigades... et qui devait donc exciter au plus haut point l’ensemble des policiers ? C’était peut-être une erreur, c’était peut-être un sabotage, il faudrait le savoir ; et peut-être, d’autre part, n’était-ce pas vrai. C’est pour cela que je veux une enquête.
Photo d’Elie Kagan* prise le 17 octobre 1961
De même, est-il vrai qu’un grand nombre des blessés ou des morts ont été atteints par des balles du même calibre que celui d’une grande manufacture qui fournit l’armement de la Police ? Qu’une grande partie de ces balles ont été tirées à bout portant ? Une enquête dans les hôpitaux peut donner ces renseignements. Il est clair que ce n’est pas n’importe quelle enquête et que ceux qui la feraient devraient être couverts par son caractère officiel et savoir qu’ils ne risqueraient rien en disant la vérité.
Et voici le plus grave : est-il vrai que dans la « cour d’isolement » de la Cité, une cinquantaine de manifestants, arrêtés apparemment dans les alentours du boulevard Saint-Michel, sont morts ? Et que sont devenus leurs corps ? Est-il vrai qu’il y a eu de nombreux corps retirés de la Seine ? Dans les milieux de presse, et pas seulement dans les milieux de la presse de gauche, dans les rédactions de la presse d’information, on parle de 150 corps retirés de la Seine entre Paris et Rouen. C’est vrai ou ce n’est pas vrai ? Cela doit pouvoir se savoir. Une enquête auprès des services compétents doit permettre de le vérifier. Cela implique, ai-je dit, non pas une enquête policière ou administrative, c’est-à-dire une enquête de la Police sur elle-même, mais une enquête très large, avec la participation d’élus.
- L’essentiel
J’en viens maintenant au propos qui est pour moi l’essentiel : celui qui vous concerne directement, Monsieur le Préfet de Police. Mon projet n’est pas de clouer au pilori la Police parisienne, de prétendre qu’elle est composée de sauvages, encore qu’il y ait eu bon nombre d’actes de sauvagerie. Mon projet est d’expliquer pourquoi tant d’hommes, qui ne sont probablement ni meilleurs, ni pires qu’aucun de nous, ont agi comme ils l’ont fait. Ici je pense que, dans la mesure où vous admettrez partiellement ces faits, vous avez une explication. Elle a d’ailleurs été donnée tout à l’heure : elle réside dans les attentats algériens, dans les pertes que la Police a subies.
Il s’agit seulement d’expliquer, sur le plan subjectif, l’attitude de la Police, cette explication est, en partie, suffisante. Nous nous sommes inclinés assez souvent ici sur la mémoire des policiers tués en service commandé pour le savoir, mais cela n’explique pas tout. Et surtout, ces explications subjectives ne suffisent pas. Le policier individuel riposte lorsqu’il est attaqué, mais il faut voir les choses de plus loin. Ce qui se passe vient d’une certaine conception de la guerre à outrance menée contre le nationalisme algérien. Ici on peut me répondre : « Auriez-vous voulu que nous laissions l’ennemi agir librement chez nous ? Et même commettre des crimes impunément ? » Sur ce plan, la logique est inévitable : l’ennemi est l’ennemi ; il s’agit de le briser par tous les moyens, ou presque. Mais l’ennemi répond alors de la même façon, et on arrive là où nous sommes aujourd’hui. Il était impossible qu’il y ait une guerre à outrance en Algérie et qu’il ne se passe rien en France. Mais ce que je dis - et cela me semble vérifié pour tout ce qu’on a dit ici, à droite, sur la puissance du FLN en France, et sur la menace qu’il représente -, c’est qu’il aurait pu rendre la situation infiniment plus grave qu’il ne l’a rendue.
- La guerre à outrance
Les dirigeants algériens ont agi non pas en vertu de sentiments d’humanité mais dans leur propre intérêt, parce qu’ils voulaient pouvoir organiser les Algériens en France, parce qu’ils voulaient « collecter » comme on l’a dit et cela, vous le savez bien, en général beaucoup plus par le consentement que par la terreur. Il y avait là aussi, probablement, l’influence d’un certain nombre de cadres algériens, en particulier de ces cadres syndicaux de l’UGTA, très enracinés dans le mouvement syndical français, très proches de la population métropolitaine, hostiles au terrorisme. Ce sont malheureusement eux, justement, parce qu’ils étaient connus, repérés, voyants, qui ont été les premiers arrêtés, souvent déportés en Algérie, et on ne sait pas malheureusement, vous le savez, ce que ceux-là sont devenus.
Vous répliquerez qu’il y a eu, dès le début de la guerre, des règlements de compte entre Algériens, des liquidations de dénonciateurs, etc., c’est-à-dire des crimes que la Police ne pouvait pas tolérer, quelle que fût sa politique. Oui, mais il y a, pour la Police, bien des façons d’agir et dans les premiers temps, on n’a pas vu se produire, du côté policier, les violences extrêmes qui sont venues ultérieurement. Ce que je dis, c’est qu’à un certain moment, on a estimé que cette action de la Police ne suffisait pas.
On a estimé qu’il fallait qu’à la guerre à outrance menée contre le FLN en Algérie corresponde la guerre à outrance menée contre le FLN en France. Le résultat a été une terrible aggravation de la répression, la recherche par tous les moyens du « renseignement », la terreur organisée contre tous les suspects, les camps de concentration, les sévices les plus inimaginables et la « chasse aux ratons ».
Je dis, Monsieur le Préfet de Police, que vous-même avez particulièrement contribué à créer ainsi, au sein d’une population misérable, épouvantée, une situation où le réflexe de sécurité ne joue plus. Je dis que les consignes d’attentats contre la Police étaient bien plus faciles à donner dans un climat pareil de désespoir. Je dis que même si de telles consignes n’existaient pas, le désespoir et l’indignation suffisaient souvent à causer des attentats spontanés, en même temps qu’à encourager ceux qui, au sein du FLN, voulaient en organiser. Je dis qu’on a alimenté ainsi un enchaînement auquel on n’est pas capable de mettre fin.
- Est-il vrai ?
Je pense, Monsieur le Préfet de Police, que vous avez agi dans toute cette affaire exactement comme ces chefs militaires qui considèrent que leur propre succès et leur propre mérite se mesurent à la violence des combats, à leur caractère meurtrier, à la dureté de la guerre. C’était la conception du général Nivelle au cours de l’offensive du Chemin des Dames, et vous savez que l’Histoire ne lui a pas été favorable. C’est cette conception qui a été la vôtre à Constantine et celle que vous avez voulu importer dans la région parisienne, avec les résultats que l’on sait. Maintenant, vous êtes pris à votre propre jeu et vous ne pouvez pas vous arrêter, même en ce moment, à une époque où la paix paraît possible. La terreur à laquelle la population algérienne est soumise n’a pas brisé la menace contre vos propres policiers, bien au contraire. J’espère me tromper, j’espère que vous n’aurez pas relancé, d’une manière encore pire, l’enchaînement du terrorisme et de la répression.
Car, enfin, il n’était pas condamnable, il était excellent que le FLN cherche, lui, à sortir de cet engrenage par des manifestations de rue, des manifestations dont un grand nombre de gens ont dit qu’elles étaient, à l’origine, pacifiques. Nous aurions dû comprendre, vous auriez dû comprendre, que c’était là l’exutoire qui permettrait au désespoir de ne pas se transformer en terrorisme. Au lieu de cela, vous avez contribué à créer une situation pire. Vous avez réussi, et peut-être certains s’en félicitent-ils, à dresser contre les Algériens, il faut le dire, une partie importante de la population parisienne qui ne comprend pas évidemment pourquoi ces Algériens manifestent. Elle n’est pas algérienne, cette population, elle ne vit pas dans les bidonvilles, sa sécurité de tous les instants n’est pas menacée par les harkis, etc. Alors, évidemment, « que viennent faire dans les rues ces Algériens ? Leur attitude est incompréhensible ! »
Je dis, Messieurs les Préfets, mes chers collègues, que loin de chercher à réprimer l’agitation politique des Algériens, nous devons dans cette perspective de négociation, de paix, qui s’ouvre enfin, même si c’est trop tard - nous devons chercher à légaliser l’activité politique des Algériens en France. Il faut que leur action politique s’effectue au grand jour, avec des organisations légales, donc contrôlables, avec des journaux que l’on puisse lire. Nous devons leur laisser d’autres moyens que ceux du désespoir.
Monsieur le Préfet de Police, cela suppose que vous, vous changiez d’attitude. Ici je suis obligé de vous poser une question très grave. Je vous prie, non pas de m’en excuser, car vous ne m’en excuserez pas, mais de comprendre qu’il est difficile, pour un journaliste qui sait que son journal sera saisi, si quoi que ce soit déplaît un peu trop à la Police ou au gouvernement, d’écrire un article sur ce sujet. Mais quand ce journaliste est conseiller municipal, il a la possibilité de venir dire ces choses à la tribune et de les dire sans ambages.
Voici ma question : est-il vrai qu’au mois de septembre et d’octobre, parlant à des membres de la Police parisienne, vous ayez affirmé à plusieurs reprises que le ministre de la Justice avait été changé, que la Police était maintenant couverte, et que vous aviez l’appui du gouvernement ? Si c’était vrai, cela expliquerait, en grande partie, l’attitude de la Police au cours de ces derniers jours. Si ce n’est pas vrai, tant mieux. De toute façon, d’ici quelques années, d’ici quelques mois, quelques semaines peut-être, tout se saura, et on verra qui avait raison. Et si j’avais eu tort aujourd’hui, je serais le premier à m’en féliciter. »
Extrait du livre “Mes batailles” de Claude Bourdet (Ed. In Fine, 1993) pages 161/167 et aussi paru dans la revue France-Observateur du 2 novembre 1961 -
Même si Papon a été débouté de la plainte déposée contre lui, tous ces faits, tout ces massacres ont été complètement avérés au cours du procès, cependant aujourd’hui le gouvernement français ne les a toujours pas officiellement reconnus.
Les photos "témoignages" d’Elie Kagan du 17 Octobre 1961
Elie Kagan (1929-1999), dont la grande silhouette a longtemps arpenté le pavé parisien, a toujours travaillé en indépendant. Il laisse des archives imposantes sur près d’un demi-siècle d’actualité politique et sociale en France.Né d’un père d’origine russe et d’une mère polonaise, tous les deux juifs, il est le seul survivant d’une rafle qui a vu la déportation de tous les siens durant l’occupation allemande.
Le 17 octobre 1961 à Paris, bravant le couvre-feu auquel ils étaient soumis, des milliers d’Algériens avaient répondu à l’appel à manifester de la Fédération de France du FLN. Et la répression policière fut d’une brutalité sans précédent.Ce jour-là, Elie Kagan fut pratiquement le seul à s’aventurer boîtiers en main dans Paris, travaillant au flash, photographiant des dizaines de manifestants ensanglantés...
Ses archives et ses photographies (quelque 300 000 négatifs pour beaucoup non explorés) sont conservées à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC).
http://www.bdic.fr/index.php?option...
“La Fédération de France du FLN avait appelé ce jour-là les Algériens de Paris et de la région parisienne à manifester pacifiquement dans les rues de Paris pour protester contre le couvre-feu raciste décrété par le préfet de police Maurice Papon, Roger Frey étant ministre de l’Intérieur.
Cette manifestation pacifique fut brutalement chargée par la police.
C’était … dans l’indifférence la plus totale de la population française.
Pour moi qui ai été le seul reporter à photographier ces événements, un peu partout dans Paris, métro Concorde, Solférino, rue des Pâquerettes à Nanterre, l’homme que je suis a ressenti ces brutalités d’un côté et l’indifférence de l’autre comme un affront et m’a rappelé le 16 juillet 42.”
Elie Kagan quelques secondes dans cette vidéo :
http://www.dailymotion.com/video/x4...
http://www.dailymotion.com/video/xf...
« J’avais vingt ans et je ne laisserai jamais personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Je lisais Paul Nizan et j’avais dix-sept ans, le 17 octobre 1961. Il pleuvait, ce soir-là sur Paris, et nous avions peur de la haine qui était en chacun.
J’étais dans la manif sur le pont saint-Michel, la manif des algériens venus des bidonvilles, des banlieues. On ne disait pas encore « algérien », on disait « français-musulman-algérien ». On disait « bougnoul » « sidi » « crouilla » « raton » et « melon ».
Des femmes, des hommes, habillés beaux. Des femmes avec des robes à fleurs sous les impers, effrayées de leur audace de se montrer, d’exister, dans Paris.
Parfois on entendait « Algérie algérienne ».
Et puis les gardes mobiles ont chargé sur le pont saint-Michel.
Panique dans la foule ! Comme tous, j’ai couru et, sans savoir pourquoi, je me suis arrêté au niveau de la pendule, au bout du pont saint-Michel à l’entrée du métro.
Et là, j’ai vu un homme, un manifestant, passer par-dessus le parapet. Il s’est planqué, en boule, tassé sur le rebord extérieur du pont qui surplombe le fleuve.
Les gardes mobiles chargeaient, on criait, on entendait des pas, des cris, des halètements tout autour.
Et puis, j’ai vu un CRS, ce n’était pas des CRS je pense que c’était des gardes mobiles, qui a vu l’homme en boule sur le rebord du pont saint-michel, et qui a commencé à le massacrer à coups de crosse.
J’entends encore très précisément les coups de crosse sur le dos de ce type, puis, sur le crâne.
L’homme s’agrippait aux colonnettes du pont et les forces de l’ordre, ils étaient cinq ou six, ont cogné inlassablement sur les mains, jusqu’à ce que l’homme lâche prise et tombe dans la seine, comme une pierre.
Dans « La chute » de Camus, Albert Camus, le narrateur entend un corps tomber dans l’eau, il hésite, et il continue son chemin.
Et je n’ai pas continué mon chemin, pas de la même façon, jamais plus !
Je me souviens aussi du 1er novembre 1961, quelques jours plus tard, au métro Maubert-Mutualité. Il y avait un petit homme, bigleux et silencieux, et une petite, une petite foule autour, silencieuse.
Les hommes et les femmes qui étaient là étaient « traîtres à la patrie ». Ils militaient dans des réseaux de soutien aux algériens en lutte contre la colonisation française.
Il y avait aussi des hommes, jeunes, qui refusaient de partir en Algérie avec le contingent, ils désertaient, ils sifflotaient « le déserteur » de Boris Vian, et je sifflotais avec eux.
Mais pas là ! Il y avait ce silence, on se taisait, cinq minutes de silence, en hommage aux victimes du 17 octobre 61. Mais c’était aussi et avant tout un silence d’impuissance, l’intuition que ce silence durerait très longtemps.
Au bout de quelques instants, nous nous sommes dispersés, dans ce dimanche morne. Le petit homme bigleux et silencieux s’appelait Jean-Paul Sartre.
Une amnésie qui gangrène et qui a gangrené notre pays depuis plus de trente ans.
Un pays complice par indifférence.
Mais voilà qu’on dirait que quelque chose se débloque. S’ouvrent enfin : des archives, des consciences, des mémoires sur nos épouvantables secrets de famille, notre misérable petit tas de secrets, à nous.
Est-ce la fin de l’époque opaque, la fin du mépris d’état ?
Sisyphe aujourd’hui en tout cas, s’arrête un instant sur le pont saint-Michel, jette une rose dans la seine en se demandant : « Est-ce la fin de l’oubli ? » et « Peut-on oublier l’oubli ? »
Daniel Mermet – Emission « Là-bas si j’y suis » 17 octobre 1961. Parce que c’est la mémoire. »
17 octobre 1961, il y a 50 ans.. (Le jeudi 13 octobre 2011)
http://www.la-bas.org/article.php3?...
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Vos commentaires
# Le 17 octobre 2011 à 11:03, par Mourad Salim HOUSSINE En réponse à : 17 octobre 1961 : amnésie d’État
50 ans du massacre policier dans les rues de Paris
J’avais sept ans le 17 octobre 1961 dans cette localité brumeuse de Lorraine.Feu mon père ,chauffeur-mécanicien,militait dans la fédération de France du FLN et était souvent en déplacement pendant plusieurs jours...Cela je le sus quelques années plus tard après l’Indépendance et en Algérie.
Quant à juger de l’amnésie de l’état français ou aussi des pouvoirs publics en Algérie,la problèmatique est posée !Le 17 octobre 1961 est victime d’une double amnésie,celle de l’Administration française et celle de l’Algérie indépendante où l’opinion publique locale commence à découvrir l’ampleur de la tragédie comme cela s’est passé avec les évènements de mai 1945 où certaines archives anglo-américaines viennent "recouper" avec le chiffre de 8OOOO victimes l’année 1945 sur tout le territoire algérien...
Comme les mass media n’existaient pas à cette époque sauf les reporters militaires,il est aisé d’imaginer les exactions coloniales et l’impunité ambiante...en terre d’Afrique...
Le préfet Papon de Paris était aussi celui du département de Constantine en mai 1945 après avoir été celui de Lyon en 1943.Il a été jugé pour ses crimes dans l’Holocauste grâce aussi à la mobilisation de la diaspora juive qui s’est mobilisée.Ni Diaspora algérienne,ni Etat algérien n’ont engagé actions en justice du vivant de Papon.
Peut être considèrent-ils que cela relève des dispositions des Accords d’Evian du 19 mars 1962 si du moins ils étaient respectés et applicables pour éponger tous les contentieux entre les deux peuples ?
Lire pages 59/60 du livre "Le sanglier d’Hippone" publié janvier 2011 par éditions Aparis/Edilivre,signé l’auteur Mourad Salim Houssine--------------------mouradhoussine chez yahoo.fr