Une tribune pour les luttes

À propos de La courte saison des Gari

J’aime les Gari et la saucisse

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Article mis en ligne le mercredi 7 décembre 2011

Jann-Marc Rouillan, De mémoire. (3) La courte saison des Gari : Toulouse 1974, Agone, 2011

A l’époque René Bousquet dirigeait le quotidien toulousain, les français allaient en vacances en Espagne sous Franco, à l’époque de jeunes révolutionnaires revenus de Barcelone créèrent les GARI, groupes action révolutionnaire Internationaliste.

Jann Marc Rouillan vient de sortir le troisième volet de sa trilogie De Mémoire. Et quelle mémoire. Après l’audace du MIL (Mouvement ibérique de Libération) cette courte saison des GARI semble la plus heureuse, et la plus réussie. La plus drôle aussi. Braquages de banque, attentats burlesques comme ceux des douze cars de pèlerins incendiés à Lourdes, gigantesque perturbation du Tour de France ; cette lutte armée réelle parviendra à faire libérer de nombreux prisonniers en Espagne et en France. Car rappelons-le, l’engagement de Rouillan et de ses camarades, Ratapignade, Loulou, Muriel, Aurore, Mario, sera un engagement tourné vers la chute de Franco, dans la Reconquista inaboutie de l’Espagne révolutionnaire. Il ne manquera pas de héros anarchistes et d’enfants de Rouges pour repartir incendier Barcelone, et pour mourir à Madrid.

« I am un immense provocateur » d’avoir adhéré au NPA alors que tous ses soutiens l’attendaient chez les autonomes, les anarchistes insurectionalistes, ceux qui l’avaient soutenu durant vingt ans de placard. Que dit Rouillan qui ne va pas faire grincer des dents ici ou là ? : C’est une charge contre ceux, post situs, déclamateurs de bistrots, bureaucrates, qui n’ont pas agi, ni jeunes, ni vieux, les entravés et les immobiles : « L’essentiel est des garder bien en vue les buts à atteindre et d’éviter toujours le sectarisme. Faire, oui faire. Dans la mesure de ses moyens actuels. Agir en parti », affirme-t-il « et même si c’est un mauvais parti comme le soulignait Rosa Luxembourg. » En contradiction avec Vaneigem qu’il apprécie et qui dans son Traité n’aurait pour rien abdiqué sa radicalité dans un parti, Jean Marc agit dans la mesure de ses maigres moyens, lui qui a brulé de tous ses feux pendant dix ans. Rouillan n’est pas d’un parti, mais de celui de l’action.

L’essentiel est ailleurs, ni dans son bonnet de laine Lacoste, ni dans son blouson noir mais dans cette aventure que furent les GARI, avant qu’il ne sente comme ce vieux pont sur la Garonne, « Je ne supporte plus la circulation » après trop d’années d’isolement où il a écrit comme Villon en labourant, sillon après sillon, comme il a fait sa prison.

Il fait le choix des armes rue des Lois à l’hiver 1970 après une opération ratée contre la venue de Pompidou à Toulouse. La ville rose plus prégnante que jamais dans ce volume, une Beyrouth du sud ouest, la capitale du terrorisme international selon Radio Nacional. Toulouse ville du retour impossible, avec le bar le Florida où il entend Ferré lui chanter, …avec des problèmes d’homme simplement. Alors on boit un verre en regardant loin derrière la glace du comptoir. Et l’on se dit qu’il est bien tard…

Si vous n’êtes pas sensible à cette nostalgie, ni à la révolution, refermez ce livre. En 1974, s’en est fini des envolées lyriques, il faut agir pour ses jeunes de 20 ans qui veulent conjuguer leur futur au présent, un présent plein de joie et de rires mais un futur qu’il voit sombre avec une perspicacité divinatoire. Un présent à trucs et patacs, une baston de demis de mêlées qui sied aux gascons. Ces cadets qui ne sont pas « de cette trempe de navet. » et qui veulent invariablement « se battre sans trêve ni repos. » Et les moments de rire sont bien au rendez vous, avec ses dix litres de coke fabriqués dans des bouteilles incassables et qui n’explosent pas dans la rue Valade. Avec Léon roi de Bayonne chanté durant une fuite qui faillit être mortelle dans la Save en crue, avec les flics ridiculisés quand après un braquage Ratapignade et Mario viennent pointer au commissariat à 17 heures pile pour leur contrôle judiciaire !

Le slogan impayable « J ‘aime les Gari et la saucisse » est une bravade fantastique à tous les bureaucrates du monde et à tous les tristes sires qui officient des deux côtés de la barricade. Ce slogan qui porte en lui une contradiction énorme, un burlesque faisant contraste entre le sérieux du titre des GARI et cette saucisse toulousaine si populaire comme le devenait le groupe armé. L’effet accordéon est ravageur. D’ailleurs « On n’était ni des saints ni les culs bénits d’un quelconque ordre nouveau, on était pleinement les enfants d’une époque de liberté. » A lire les pétards surdosés qu’ils fument en Hollande, on s’éloigne encore de l’image anthropométrique affichée dans tous les commissariats de France au temps d’Action Directe. Leur vie de guérilleros s ‘étire comme une vie épicurienne, faite de visites au musée comme de grillades prise entre deux bombes. En effet, loin de l’image étriquée d’une vie monacale et morbide. Témoigne encore Mario qui prend son accent le plus prononcé pour stopper le Tour de France :« Escoultez, si Lopez Carril il porté lé maillot de la dictatura sur lé dos, on l’abat como un perro ! Bous sabez que existé el fousil à lounet ! » ou l’irrésistible Ratapignade imaginant un titre après l’incendie d’une douzaine de cars de pèlerins à Lourdes : « Miracle à Lourdes : Les pèlerins arrivent en car et repartent à pied »

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