Une tribune pour les luttes

Il paraît qu’en France il y aura bientôt une Assemblée Constituante…

Caleb Irri

Article mis en ligne le vendredi 16 décembre 2011

http://calebirri.unblog.fr/2011/12/...

17 décembre 2011

La rumeur est un bruit de fond qui finit toujours par remonter. On dit souvent qu’elle est un mal insidieux qui ronge profondément, et durablement. Et la faire taire est presque impossible. En politique comme en économie, et même dans la vie de tous les jours, les rumeurs sont parfois plus dangereuses que des faits établis : réputations salies, carrières brisées, bankruns ou paniques boursières, les exemples ne manquent pas, comme nous le prouve celui récent de la banque Swedbank en Lettonie. En quelques heures à peine, l’équivalent de plusieurs millions d’euros ont été retirés par des clients apeurés, créant ainsi les conditions d’une faillite réelle de cet établissement, dont il est devenu inutile de se demander si les rumeurs le concernant été fondées ou non : désormais c’est une certitude, par une sorte « d’auto-réalisation ».

Je ne sais si c’est le fait d’être tous conditionnés au vieil adage «  il n’y a pas de fumée sans feu » ou la valeur intrinsèque de la rumeur elle-même, mais force est de constater que les rumeurs fonctionnent mieux avec l’apparence du vrai que du farfelu… pour qu’elle soit crue, il faut qu’elle soit crédible. Car contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la rumeur est basée sur la confiance : il faut du fond pour faire une bonne rumeur, étayé, trafiqué, truqué, mais avec une base plausible, et surtout savoir qui la lance, et qui la reçoit. La confiance est l’élément majeur qui donne de la force à une rumeur. Si je dis que la banque « untel » va faire faillite, on ne me croira pas, même si j’apporte des éléments. Mais si la position de celui qui entretient la rumeur le place en situation de crédibilité, les mêmes éléments feront un autre effet : on ne propage une rumeur que de celui en qui on a confiance, et à qui on fait confiance. Pour la guerre en Irak et les armes de destruction massive, nombreux sont ceux qui ont dénoncé le caractère infondé de cette rumeur ; mais quand Colin Powell est arrivé, avec ces misérables diapos et ses fioles ridicules, la rumeur a enflé, s’est diffusée dans l’opinion publique, jusqu’à permettre l’invasion d’un pays certes dirigé par un dictateur, mais un pays souverain tout de même.

En économie, la confiance aussi fait partie du jeu. Car s’il est bien une chose fascinante avec le capitalisme, c’est que ceux-là même qui posent la rationalité des individus comme fondation de toutes leurs théories économiques sont pourtant aussi irrationnels que les autres, et ils contredisent eux-mêmes en pratique les préceptes qu’ils énoncent suivre en théorie. S’ils se basent sur de véritables calculs, ceux-ci ne sont que des calculs de risques, des probabilités : les notations des agences, la maximisation du profit, la bourse, les échanges, le commerce dans sa globalité fonctionne sur des rapports de confiance, et tous les savants calculs de nos fiers économistes ne sont en réalité menés que pour établir le degré de confiance qu’ils mettent dans des rumeurs : tel Etat ne pourra (peut-être) pas rembourser, telle entreprise va (peut-être) licencier, telle mesure va (peut-être) engendrer tels emplois, voilà à quoi se résume les analyses économiques… Un jour untel annonce publiquement que l’Europe est (peut-être) un peu trop endettée, et un autre croit savoir que la Grèce est (peut-être) la plus mal en point…et sur ces rumeurs, et surtout selon la confiance qu’on en a, les analystes conseillent, les investisseurs suivent, et la menace d’une perte du « triple A » fait monter les taux des emprunts obligataires, et la hausse des taux des emprunts obligataires fait baisser la note. Il a suffi que la rumeur d’une faillite de la Grèce gronde pour que les investisseurs cessent d’avoir confiance en la capacité de l’Etat Grec à rembourser, ce qui a eu pour effet de faire monter les taux d’emprunts de l’Etat Grec, et de précipiter sa faillite… En réalité le coeur du capitalisme n’est pas dans la loi mathématique, mais dans la loi humaine. Et pour l’atteindre, il n’est donc pas besoin ni de mathématiciens ni d’économistes, mais de philosophes et de sociologues.

Les politiques, eux, l’ont très bien compris : et s’ils sont également sujets aux affres de la rumeur, ils ne la subissent pas seulement, ils la propagent et l’utilisent aussi, et s’en servent pour leur propre intérêt (rumeurs d’éclatement de l’Eurozone avant un sommet du G20, des étrangers profiteurs pour faire baisser l’immigration, des chômeurs fainéants pour faire baisser les aides sociales, de l’augmentation de la délinquance pour faire régner la peur…) La rumeur sait se faire propagande (propager), et nos « élites » savent l’utiliser, car ils possèdent les moyens de la diffuser : une rumeur qui marche est une rumeur médiatisée, qui fait «  du bruit ».
Mais il ne faut pas seulement jeter la pierre à nos dirigeants, car nous avons tous pêché : la rumeur est toujours le fruit d’un secret mal gardé, et si nous n’en sommes pas tous victimes nous sommes tous coupables. Comme le principe du secret qu’on finit toujours par lâcher dès la petite enfance, la rumeur est faite pour être propagée.

Maintenant, puisque nous savons déjà tous cela et que les puissants tremblent plus face aux rumeurs qu’à la colère du peuple (les politiques tombent sur des rumeurs, pas aux élections) pourquoi ne pas retourner cette arme contre eux ? Puisque des rumeurs, même fausses, ont des effets parfois plus importants que des faits réels et avérés, pourquoi ne pas rechercher nous-mêmes, nous les 99%, la meilleure rumeur capable de s’auto-réaliser par la volonté de ceux qui la propagent ? Ne pourrait-on pas inverser, transformer la rumeur en « arme positive » ? S’il est certes plus facile pour les riches et les puissants d’atteindre à la médiatisation, nous avons nous-aussi des outils de propagation. Internet est aujourd’hui (mais pour combien de temps encore ?) le média le plus libre et le plus accessible qui soit, et les réseaux sociaux sont comme les lieux où, autrefois, on lisait les journaux interdits.

Regardons à présent la situation économique telle qu’elle est aujourd’hui : sur-endettée, la France n’a pas les moyens de rembourser. Ses dirigeants ayant apparemment décidé de ne pas faire payer les responsables de la crise (eux-mêmes et leurs amis) et le peuple se trouvant être réticent à payer de sa poche les sacrifices exigés, il apparaît que le meilleur moyen de contraindre les 1% à payer LEUR dette est donc de refuser de la payer.

Mais comment faire pour y parvenir en l’absence de volonté politique ? l’audit citoyen (voir ici et ici), un moyen déjà utilisé en Equateur qui a permis de constater l’illégitimité de la dette, n’est même pas soutenu par le PS en France !
Alors voilà : pour qu’une rumeur prenne de l’ampleur et finisse par se réaliser, il faut donc avant tout créer de la confiance. Nous sommes 99%, et nous avons tous en commun la même volonté de changement. Nous ne voulons pas payer, et il nous suffirait de le clamer tous ensemble assez fort, avec assez de conviction pour que notre voix soit entendue.
Pourquoi ne pas utiliser ces outils dont nous disposons, et lancer nous-mêmes les rumeurs qui, une fois réalisées, nous permettront d’accéder aux changements que nous désirons ?

En plus, il faut bien l’avouer, j’ai déjà entendu parler de quelque chose, et je vous supplie de ne le répéter à personne, car rien n’est encore prouvé : mais la rumeur dit que s’organise déjà, sur internet, la mise en place de cet audit citoyen pour la France, avec des comités locaux qui serviront, si mes informations sont justes, de tremplin à la chute du gouvernement Français, et qui débouchera sur la création d’une Assemblée Constituante … mais surtout ne dites rien !

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

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