Une tribune pour les luttes

SAF (Syndicat des Avocats de France)

L’Etat condamné à indemniser les salariés victimes des délais excessifs de procédure des conseils de prud’hommes.

Prochaine audience le 15 février prochain à 13h30 au Palais de Justice de Paris

Article mis en ligne le mercredi 1er février 2012

Paris, le 19 janvier 2012

L’Etat condamné à indemniser les salariés victimes des délais excessifs de procédure des conseils de prud’hommes asphyxiés par le manque de moyens que leur accorde l’Etat.

Par seize jugements à la motivation implacable, le Tribunal de Grande Instance de
Paris a condamné l’Etat à verser des dommages et intérêts allant de 1.500 à 8.500 €,
outre une indemnité de 2.000 € pour les frais de procédure engagés, à des salariés
victimes de procès prud’homaux aux délais déraisonnables :

"Il relève du devoir de l État de mettre à la disposition des juridictions les moyens
nécessaires à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables et ce délai
résulte manifestement du manque de moyens alloués à la juridiction prud’homale. Le
déni de justice invoqué par le demandeur est caractérisé"

Ces 16 plaintes, qui aboutissent déjà à plus de 100.000 euros de condamnations contre l’Etat,
sont les premières tranchées sur les 71 assignations qui ont été placées le 15 février 2011 devant
le Tribunal de Grande Instance de Paris saisi de plaintes déposées contre l’Etat par des salariés

confrontés à des délais de procédure qui ne leur permettent pas d’être entendus dans des délais
raisonnables.

Leurs avocats, tous membres du Syndicat des Avocats de France, dénoncent le manque de moyen
dont pâtit la justice sociale, réduite à imposer aux justiciables des procès excessivement longs au
point d’aggraver encore le préjudice déjà subi par leurs clients.

Le SAF, les syndicats de salariés CGT, FO, CFDT, Solidaires et UNSA, le Syndicat de la
Magistrature et les Ordres des Avocats de Seine Saint Denis, des Hauts de Seine et de Paris
Barreaux, interviennent aux côtés de ces salariés victimes.

La prochaine audience au cours de laquelle les dossiers suivants seront plaidés,
avec les interventions volontaires des Syndicats et des Ordres,
se tiendra le 15 février prochain à 13h30.

Un an après le dépôt des 71 assignations, quatre ans après la réforme de la carte judiciaire et
de la décision de supprimer 62 Conseils de prud’hommes en France...

Il est important que cette audience bénéficie de l’écho qu’elle mérite.

Justiciables, Syndicats, Avocats, Magistrats, Conseillers prud’hommes :
Tous présents au Palais de Justice de Paris le 15 février prochain,
pour rappeler à l’Etat que la justice sociale
est une priorité qu’il ne peut continuer à ignorer !

POURQUOI DENONCER LES DELAIS EXCESSIFS DE PROCEDURE :

Alors que le procès prud’homal doit permettre aux salariés de défendre leurs droits au regard de créances
alimentaires nécessaires au quotidien
ou de leur privation d’emploi, l’accès au juge ne leur est plus assuré
qu’aux termes de longs mois de procédure, qui se muent bien souvent en longues années d’attente :

- Un cadre attend plus de 2 ans pour que son affaire soit entendue à Nanterre.

- Pour plaider de nouveau son dossier devant le juge départiteur, un travailleur de la Seine Saint de Denis attend
entre 2 ans et demi et 3 ans.

- Plus généralement, il est monnaie courante que s’écoulent au moins 10 à 12 mois entre l’audience de
conciliation et l’audience de jugement, et après les plaidoiries, il faut encore patienter des mois pour obtenir
le prononcé de la décision (il n’est pas rare que les délibérés soient plusieurs fois prorogés), puis l’envoi du
jugement, qui prend encore le plus souvent plusieurs semaines.

- Un salarié qui demande la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’a
pratiquement aucune chance d’obtenir un jugement avant la fin de son contrat et, exclu de l’entreprise, ne peut
exiger son maintien dans l’emploi et doit se contenter d’une indemnisation, alors que le code du travail prévoit
qu’il devrait être entendu en urgence dans un délai d’un mois qui n’est presque jamais respecté, à défaut de
sanction.

- De même, les Conseils des prud’hommes ne sont que trop rarement en mesure de trancher les contestations
portant sur les licenciements économiques dans le délai de 7 mois prévu par la Loi, délai qui reste là encore
théorique et sans sanction.

- Devant la Cour d’appel, les délais sont souvent de deux années pour qu’une affaire soit entendue, en étant le
plus souvent convoqué devant un juge unique et non en audience collégiale, l’exception devenant la règle
dans la pratique des cours d’appel qui manquent de magistrats.

Cette lenteur extrême des procès a un effet pervers évident sur les perspectives de négociation, les
employeurs n’ayant aucune motivation à régler vite des conflits qui s’éternisent et leur donnent du temps,
certains faisant d’ailleurs l’objet d’un redressement judiciaire ou d’une faillite, avant qu’une décision de justice
n’intervienne...

Si négociation il y a, les salariés confrontés aux situations de précarités les plus lourdes se trouvent contraints
de transiger bien en-deçà de leurs droits pour obtenir un règlement plus rapide.

Les exemples de délais excessifs sont si nombreux : devant certains Conseils, ils sont même devenus la
règle,
tant leur engorgement et leur manque de moyens peuvent être aigus. A l’occasion de leurs rentrées
solennelles, nombre de Présidents de Conseils le soulignent ainsi chaque année dans leurs discours, déplorant
l’allongement dramatique des délais de procédure.

- Certains Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale connaissent eux aussi les mêmes dérives, avec des
procédures de 2, voire 3 ans, alors qu’ils sont là encore saisis par des salariés confrontés à des drames humains
et financiers critiques, notamment en cas de maladie professionnelle ou accident du travail.

L’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales
garantit pourtant que : « Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial
 », la Cour Européenne
rappelant que les conflit du travail «  portant sur des points qui sont d’une importance capitale pour la situation
professionnelle d’une personne doivent être résolus avec une célérité particulière »
.

De nombreux salariés contestent donc ce déni de justice en engageant la responsabilité de l’Etat puisque
l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire énonce que «  L’Etat est tenu de réparer le dommage
causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice ».

Par le passé, plusieurs condamnations de l’Etat sont intervenues. Mais il est temps que ces actions sortent
de l’isolement et de la confidentialité et que le débat s’ouvre collectivement et publiquement sur ces délais
excessifs qui ne sont que la conséquence du manque de moyens matériels et humains de la justice prud’homale.

Ces 71 justiciables, leurs avocats, et l’ensemble de ces organisations professionnelles, rappellent ainsi leur
profond attachement à l’institution prud’homale, et leur volonté de réclamer que la Juridiction perdure
et fonctionne avec les moyens qu’elle mérite.

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