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Explosion de la dette :

crise du capitalisme ou crise des marchés financiers, quelle en est la réalité ?

Article mis en ligne le mardi 22 mai 2012

Pour l’économiste Robert Boyer, la crise actuelle résulte de la déréglementation des marchés financiers. À l’origine, l’épuisement des gains de productivité se manifeste aux Etats-Unis (E.U.), aux alentours des années 1967-1968 ; cependant les travailleurs maintiennent la progression des salaires. Les entreprises les répercutent dans leurs prix, et la banque centrale maintient un bas niveau de taux d’intérêt, et un crédit abondant. S’amorce alors une accélération de l’inflation. C’est ainsi que se caractérise la crise du fordisme.
La divergence des taux d’inflation entre les pays qui en résulte, met en périls le système de change hérité de Brettonwood. Le passage au change flexible et la flambée des prix du pétrole en 1973, puis en 1979 marque la fin de ce régime tant national (le fordisme), qu’international (pax américana). Un chômage de longue durée s’installe en Europe.

Dès lors le néolibéralisme occupe les marchés : M. Tatcher devient premier ministre de la Grande Bretagne (G.B.) en 1979, R. Reagan occupe la Maison Blanche en 1981, enfin Mitterand en 1981. Par la suite les dirigeants européens socialistes ou conservateurs se mettent à l’école de Chicago de M. Friedman.

Depuis les années 80 les investisseurs financiers ont pris une part croissante dans le capital des grandes entreprises mondiales qui voient l’émergence d’un capitalisme actionnarial. La propriété des grandes entreprises cotées en bourse se modifie, avec la montée en puissance d’investisseurs financiers, au détriment des ménages, des entreprises non financières ou de l’Etat.

Dès lors les financiers développent des techniques (prêts, achats de titres) sophistiquées. En fait bon nombre relève de crédits toxiques. La titrisation : crédits subprimes (endettement des ménages insolvables à l’origine de l’éclatement de la bulle en 2007) enrichissent considérablement les financiers. On assiste alors d’un côté à la domination politique et idéologique des promoteurs du libre échange, l’augmentation du profit des entreprises, flambée de la bourse, l’abondance des liquidités qui favorisent le développement technologique : nanotechnologie, contrôle de surveillance, gentrification, etc. De l’autre côté, plan de rigueur, chômage de masse, baisse des salaires, restriction du service public, destruction de l’environnement, pollution croissante, développement des OGM, ou l’ombre de Mossento.

La question alors se pose : crise du capitalisme ou crise des marchés financiers ?
Le capitalisme est souvent évoqué au singulier : il apparaît chez les marxistes comme un système économique visant l’accumulation sans fin du capital. Certains économistes font observer des variations spatio-temporelles du capitalisme. M. Albert distingue au début des années 1990 un capitalisme anglo-saxon d’un rhénan. Le modèle anglo-saxon est fondé sur la réussite individuelle, le profit financier opposé au rhénan lequel valorise, la réussite collective, le consensus et le souci du long terme. L’économiste B. Amabe approfondit cette analyse et propose cinq types de capitalisme, dont le capitalisme asiatique autours de liens familiaux. Enfin, un autre économiste Gosta Esping Anderson prolonge les deux premières études. Il étudie la diversité des états-providences, en lien avec les formes de capitalisme respectif : anglo-saxon, rhénan et scandinave ; un arrangement spécifique entre les trois piliers de la protection sociale : le marché, la famille et l’Etat.

Enfin notons que la G.B. et les E.U., défendent fortement leurs secteurs financiers. La G.B. pourtant berceau de la révolution industrielle a abandonné la production industrielle à la concurrence étrangère, notamment asiatique. Elle ne dispose plus d’entreprises minières, ni d’entreprises d’automobiles nationales. Enfin les banques ne furent-elles pas depuis le début du 19e siècle, le moteur du capitalisme ? Elles financent les dépenses courantes des entreprises et leurs expansions, fructifient l’épargne.
Questions subsidiaires : peut-on dissocier production marchande ou économie réelle et financiarisation des marchés ? les deux recouvrent-elles un caractère autonome, peuvent-elles vivre l’une sans l’autre ? est-il en effet concevable que l’industrie, les grandes entreprises et même les PME puissent se passer des financiers. Réciproquement, les financiers peuvent-ils se passer de la production ? Pouvons-nous supposer la finance comme le corollaire de l’économie dite réelle, tout en la fragilisant ? La monnaie en effet, permet à la valeur de se conserver indépendamment de la circulation marchande, et même de s’y accumuler sous forme de réserve. Peut-on alors penser le capitalisme, en dépit des segmentations en divers secteurs spécifiques, comme la somme des parties ?

Deux thèses alors s’opposent. L’une estime que l’Etat alimente banques et entreprises financières, et prend des mesures d’austérité contre les citoyens au lieu de jouer son rôle qui est de garantir la sécurité des populations : réguler les marchés afin de permettre l’échange international qui ne peut être que bénéfique à chacun des pays. C’est la thèse des citoyennistes, Attac, sociaux-démocrates, marxistes institutionnels voir certains anarchistes et autres réformistes.

La seconde estime, que la crise est le résultat de la baisse tendancielle du taux de profit, que l’on songe entre autre à l’effondrement du modèle fordiste lequel s’est fait par un épuisement des gains de productivité. Le capitalisme serait porteur de son effondrement. C’est la thèse de divers courant marxistes révolutionnaires et anarchistes.

C.

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