article de la rubrique roms et gens du voyage
date de publication : jeudi 31 mai 2012
Article mis en ligne le lundi 4 juin 2012
"Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune", a déclaré Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence. Et de lancer des procédures visant à l’expulsion de tous les Roms de "sa" commune. L’audience du référé d’expulsion du bidonville de l’Arbois a eu lieu mardi 29 mai 2012, devant le TGI d’Aix-en-Provence. Près de 300 Roms étaient assignés suite à la demande d’expulsion déposée par la maire d’Aix – aucune solution de relogement n’a été proposée. Le tribunal rendra son délibéré le 19 juin prochain.
A la suite de l’article de La Marseillaise consacré à cette audience, nous reprenons un texte de Marc Durand, qui milite depuis des années pour des conditions d’accueil décentes, humaines, dignes et justes des Roms sur le territoire de la commune d’Aix. Pour terminer : un article de La Provence qui relate une réunion au pays d’’Aix.
Devant le TGI d’Aix-en-Provence
La demande d’expulsion des Roms de l’Arbois a été plaidée hier au TGI d’Aix-en-Provence, verdict le 19 juin.
La salle d’audience du tribunal de grande d’instance (TGI) d’Aix-en-Provence était comble hier matin, emplie en grande majorité de Roms, tous cités à comparaître suite à la requête en référé du maire de la commune, Maryse Joissains. Une assignation aux fins d’expulsion de près de 300 ressortissants de la communauté européenne installés sur l’aire de l’Arbois, y compris des enfants que le président de l’institution judiciaire a instantanément écartés de la procédure parce que mineurs. Si l’avocat de la Ville a plaidé très brièvement au nom d’une affaire simple et similaire aux précédentes – expulsions des camps des Trois Sautets, de Luynes et Vasarely jugées dans le sens de la demanderesse – relevant des pouvoirs de police du maire en matière de salubrité, sa consoeur en charge de la défense d’une partie des assignés a en revanche soutenu l’inverse. Arguments et justificatifs à l’appui. « Les motifs de salubrité et de troubles à l’ordre public invoqués par mon confrère ne sont pas recevables. Il s’agit d’un détournement de la procédure par le maire et d’une instrumentalisation du pouvoir judiciaire pour parvenir à des fins non avouées par les termes de l’assignation ».
Et de s’appuyer sur les transcriptions dans la presse des propos que Maryse Joissains a tenus à l’occasion d’un récent conseil municipal « je ne veux plus un seul Rom sur ma commune ». En outre, « que les Roms occupent le territoire ce n’est pas une nouveauté » a poursuivi maître Claudie Hubert. « Certaines familles vivent à l’Arbois depuis 2005 et la mairie se prévaut 6 ans après d’un trouble ? La notion d’urgence est inopérante ». Idem pour l’insalubrité. « Le constat de précarité est évident » selon l’avocate mais parce que « la commune n’a jamais mis de dispositif en place pour éviter les amoncellements d’immondices ni levé le petit doigt pour trouver des solutions de substitution comme ça s’est fait ailleurs ». En effet, l’aire ne dispose d’aucun équipement sanitaire ni d’accès à l’électricité ou à l’eau, hormis un point traficoté. Tout ceci sans compter qu’Aix n’est pas propriétaire de tous les terrains, certaines parcelles appartenant à l’Etat et au Conseil général des Bouches-du-Rhône. Pour conclure, l’avocate a appelé la justice à « mettre un terme à cette situation en incitant la commune à mettre en oeuvre ses obligations ». Verdict le 19 juin.
A Aix, la chasse aux Roms est ouverte
Dans ce qui suit, il s’agit de Roms-migrants d’Europe de l’Est, et non de Gens du Voyage. Les Roms, eux, n’ont pas accès aux aires d’accueil ouvertes aux Gens du Voyage ; parmi les Roms il y a les Roumains, qui sont citoyens européens, mais, de fait, empêchés de travailler par une réglementation spéciale (et donc expulsables après trois mois car ils ne peuvent pas justifier de revenus corrects) ; il y a aussi les Serbes, les Croates et les Bosniaques qui sont tous des sans-papiers, expulsables eux aussi s’ils s’installent, mais ils peuvent voyager avec leurs passeports.
Depuis 2005 environ, pendant cinq ans se sont trouvés sur la commune d’Aix un groupe de Roumains, sur un terrain coincé entre autoroute et voie ferrée quasi désaffectée, en bordure de la banlieue ZAC. Depuis 2006 un groupe de Serbes campe à une quinzaine de kilomètres du centre-ville, sur le plateau de l’Arbois. Les noyaux de chaque groupe étaient relativement stables. Terrains insalubres, sans eau pour les premiers, un point d’eau pour les autres, électricité "piquée" par certains, sur batteries ou avec de petits groupes électrogènes pour d’autres. Caravanes délabrées et cabanes de planches constituent les logements. Pendant cinq ans ces groupes ont survécu, pourchassés, avec visites constantes et menaçantes de la Police, municipale le plus souvent. A ceux-là il faut ajouter des petits groupes d’anciens Yougoslaves, mieux équipés, qui passent, restent quelques semaines avant d’aller voir ailleurs.
Les Roumains, de 40 à 80, étaient aidés par un bénévole du quartier limitrophe, aucune scolarisation des enfants. Ils se retrouvaient avec les SDF au centre d’accueil d’urgence, pour les douches et quelque aide alimentaire, allaient aux permanences de Médecins du Monde. Les Serbes (une cinquantaine) ont été aidés de façon plus structurée par un groupe de bénévoles, et après deux ou trois ans par deux éducateurs dépendant du Conseil Général. Les enfants ont été scolarisés, le suivi médical a été organisé. Madame la Maire ayant toujours refusé d’aider en quoi que ce soit, les bénévoles ont pris en charge les frais de bus scolaires, de cantines, d’animation des enfants pendant les vacances. Des expulsions répétées ont eu lieu chez les Roumains, ils allaient un peu plus loin à chaque fois, et revenaient petit à petit. Certains on trouvé des sous-locations de studios dans des HLM en ville, ce qui leur procure un minimum d’abri relativement stable.
Les Roumains sont assez efficaces pour ramasser la ferraille, les Serbes faisaient les décharges publiques. Mais on a institué pour eux bien des obstacles : exigence d’être payés par chèques pour la ferraille…, il fallait y penser. Et engagement de procédures pour "vol en réunion" pour ceux qui font les décharges… Les femmes, traditionnellement en charge de la nourriture familiale, assurent le quotidien grâce à la manche. Le reste de l’argent part souvent en Roumanie, chez les Serbes il est dépensé sur place – car ils n’ont plus aucun lien avec leur pays.
Depuis Août 2010 et un certain discours du Président de l’époque…, la "vraie chasse" a commencé, et d’abord par l’expulsion et l’écrasement de tous les biens d’un petit groupe de Roumains qui avaient débordé sur un chemin limitrophe. Pour une vingtaine de personnes sont venus trois groupes différents de Police, presse écrite et télévisée ont été convoquées pour témoigner de l’événement. Faire un spectacle télévisé de l’écrasement de tous les biens des plus pauvres de la population en dit long sur la considération que la municipalité, soutenue par la Préfecture, a pour ces personnes.
Depuis la même époque, la chasse aux Roms s’est intensifiée à Marseille, constante, implacable, des mois durant, cassant tout le travail des associations, poussant les personnes à vivre sur les trottoirs pour les poursuivre encore. Quelques-uns sont venus sur un petit terrain aixois, et vite ont été envoyés à l’Arbois, le plateau situé à quinze kilomètres de la ville où se trouvent les Serbes. Madame la Maire leur a expliqué que là-haut ils auraient tout le confort dont ils ont besoin sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage (alors qu’en fait elle leur est interdite)…et ils ont cru la Maire ! Du coup,ils se sont retrouvés non loin de là, sur un terrain vague, sans eau ni électricité et ont recommencé à construire des cabanes en planches. Les intervenants bénévoles du plateau de l’Arbois ont travaillé à la scolarisation des enfants, au suivi médical…mais les "autorités" leur ont fermé l’accès à la salle de PMI toute proche où ils pouvaient faire suivre médicalement les enfants… On fait venir un camion de Médecins du Monde tous les quinze jours. Petit à petit d’autres Roms sont arrivés, épuisés par les nombreuses expulsions subies à Marseille. Fin 2011 ils étaient en tout une centaine. En janvier dernier, d’autres groupes sont arrivés de Marseille, deux se sont installés dans la banlieue d’Aix, les autres sont allés sur le plateau de l’Arbois. Plus rien n’était gérable pour les associations et les bénévoles, car des populations ainsi discriminées, pourchassées, ne sont plus prêtes à s’installer sur un terrain, scolariser leurs enfants, etc… elles s’efforcent de survivre, le reste ne les concerne plus. La situation était mûre pour l’action de Madame la Maire.
Les deux nouveaux groupes d’Aix ont été assignés en justice, sans aucun délai pour organiser leur défense : le tribunal leur a donné trois semaines pour déguerpir et le Préfet à donné les forces de l’ordre dès le premier jour de la fin du délai. Ils sont pour la plupart sous un pont d’autoroute dans Marseille. La Maire de Luynes (quartier où certains se trouvaient) a organisé une réunion publique de stigmatisation des Roms… c’était l’hallali, bien orchestré par cette élue. Puis la Mairie a assigné les anciens d’Aix, près de l’autoroute. Ils ont obtenu du Tribunal un délai pour organiser leur défense… bien inutile ! Le Tribunal a reconnu qu’on ne peut pas expulser sans proposer un hébergement d’urgence (arrêt du Conseil d’Etat), mais que le "trouble à l’ordre public" est manifeste et prioritaire : il leur a donné un mois, à eux de trouver un hébergement d’urgence ! "Trouble à l’ordre public", mais ils sont tous éloignés de toute habitation, il faut chercher pour les voir. Madame la Maire peut se frotter les mains, elle qui dans ses attendus dit vouloir les expulser pour obliger les "associations caritatives" à leur trouver des logements au lieu de les maintenir dans des lieux insalubres !
Et enfin mardi 29 mai tous les habitants du plateau de l’Arbois étaient assignés – Roumains, Serbes, Croates, plus de deux cents personnes, les derniers à se trouver sur le territoire de la commune lorsque la fournée précédente aura eu la visite des policiers et des bulldozers au petit matin (ils ont encore quelques jours) . Madame la Maire a gagné son pari, elle qui a annoncé en Conseil Municipal d’Avril "dans quelque temps, il n’y aura plus un seul Rom sur ma commune". A moins que le nouveau gouvernement pense que ce n’est peut-être pas du rôle de la Police que d’ exécuter certaines décisions municipales ineptes… mais à Marseille la dernière expulsion remonte à trois jours.
Par leur aide, même limitée, le Conseil Général et le Conseil Régional ont manifesté un soutien aux bénévoles et le refus de cette inhumanité.
Mais à Aix, "ville d’eau, ville d’art" on peut chasser impunément, détruire tous les biens des plus pauvres, anéantir toutes les actions d’intégration, scolarisation, éducation, supprimer les soins sanitaires (ces populations sont extrêmement fragiles et mal portantes) parce que la présence de ces gens est "un trouble manifeste à l’ordre public". Que des responsables politiques aient si peu le sens de leurs responsabilités – l’expulsion ne fait que déplacer les problèmes, en y ajoutant les souffrances – que ces élus considèrent les populations les plus pauvres comme des sous-hommes, cela ne semble pas troubler la majorité de nos concitoyens de la belle ville d’Aix-en-Provence…
Comment terminer si ce n’est en répétant la conclusion d’un éditorial signé par l’Archevêque d’Aix venu visiter les Roms le jour d’une expulsion : « Si on les traite comme… des chiens, il ne faudra pas nous étonner s’ils attrapent la rage ! » [1]
Marc Durand
Les Roms des camps des Trois-Sautets et de Luynes sont d’ores et déjà expulsables au 30 avril. Mais le combat, en référé, continue pour ceux de Vasarely et l’Arbois. C’est mardi prochain que le sort des habitants du camp, près de la fondation Vasarely, se jouera.
Dans le coin droit, Maryse Joissains, maire d’Aix, anti-Roms assumée et ultra-motivée. Dixit, hier soir lors de notre appel : "Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune". Dans le coin gauche, Hervé Guerrera, élu d’opposition, Marc Durand et Philippe Senegas, de la Ligue des droits de l’Homme, et tous les soutiens regroupés dans le collectif aixois pour la dignité et le droit des Roms. Enjeu du combat : l’avenir de centaines d’hommes, de femmes, et d’enfants, considérés comme une sous-population dans leurs pays (en Roumanie principalement) et rejetés de ville en ville, en France. Contexte : très politique, présidentielle et législative obligent...
"Non, non, je ne fais pas de politique, moi, se défend pourtant la Maire UMP. Je prends mes responsabilités : ces gens n’ont pas de papiers et on ne peut pas les laisser s’installer dans la durée". Alors Maryse Joissains a récemment lancé un huissier à la pêche aux identités pour assigner en référé le maximum d’habitants des bidonvilles des Trois-Sautets, de Luynes, de Vasarely et de l’Arbois. Les deux premiers ont été jugés comme une lettre à la poste et la Maire pourra user de la force publique pour faire évacuer les camps dès le 30 avril.
Deux jugements qui sont passés si vite que les défenseurs des Roms n’y ont vu que du feu. "C’est Marc Durand, de la Ligue des droits de l’Homme, qui a appris par les habitants du camp situé près de la fondation Vasarely qu’il y avait un référé contre eux", expliquait, hier, Hervé Guerrera. L’audience, à la demande de l’avocate de ces Roms-là, Me Claudie Hubert, a été repoussée d’une semaine, pour mieux préparer la défense, notamment avec la collecte d’attestations-témoignages en justice (accessibles en écrivant à hguerrera chez regionpaca.fr).
Depuis peu en effet, les soutiens des Roms tentent de récupérer le maximum de témoignages de personnes ayant eu à se rendre sur ces camps. Ils proposent de certifier par exemple que "le campement n’entraîne pas de troubles à l’ordre public", que "les personnes s’y trouvant ne sont en aucune manière agressives", qu’ils "saluent les visiteurs et engagent la conversation" ou bien encore qu’"aucune odeur pestilentielle ne se dégage du camp et que les abris sont tenus dans un bon état de propreté". Des exemples proposés - qui peuvent paraître un peu saugrenus certes - mais qui correspondent aux arguments avancés par les services du maire dans les assignations en référé.
"L’indignité, les conditions de vie etc., ce ne sont pas les vraies raisons de cette action ? Les vraies raisons sont tout simplement politiques, non ?" ose-t-on auprès de Maryse Joissains. Réponse illico : "Moi je ne sais pas ce que cela veut dire l’indignité. Ce que je sais c’est qu’il faut garder nos acquis sociaux pour les habitants de notre pays qui en ont besoin, sinon notre système social va exploser". "Et le trouble à l’ordre public invoqué, existe-t-il vraiment ? Y a-t-il des plaintes ?" persévère-t-on. "Le trouble, c’est les enfants qui font la manche, et puis c’est des personnes fragiles qui sont agressées régulièrement, et je ne veux pas de cela chez moi. Alors les socialos bobos qui ont du pognon n’ont qu’à les prendre chez eux..."
"Il y a bien sûr un point de vue idéologique dans tout cela", estime l’avocate des Roms du camp Vasarely. "À la barre, j’invoquerai le droit au logement et l’intérêt supérieur de l’enfant. Il faut quand même savoir que la Maire n’a accepté aucune concertation avec les associations, ces gens-là sont en détresse et on ne peut pas les expulser sans leur proposer de solutions de relogement..."
La suite au prochain round.
[1] [Note de LDH-Toulon] – Dans son édito de mai du journal diocésain, Mgr Dufour s’adresse à tous les catholiques du diocèse et aux pouvoirs publics : « Les Roms sont mes frères en humanité… Je demande qu’ils soient traités dignement. L’expulsion sans recherche de solutions ne peut suffire. »
"Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune", a déclaré Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence. Et de lancer des procédures visant à l’expulsion de tous les Roms de "sa" commune. L’audience du référé d’expulsion du bidonville de l’Arbois a eu lieu mardi 29 mai 2012, devant le TGI d’Aix-en-Provence. Près de 300 Roms étaient assignés suite à la demande d’expulsion déposée par la maire d’Aix – aucune solution de relogement n’a été proposée. Le tribunal rendra son délibéré le 19 juin prochain.
A la suite de l’article de La Marseillaise consacré à cette audience, nous reprenons un texte de Marc Durand, qui milite depuis des années pour des conditions d’accueil décentes, humaines, dignes et justes des Roms sur le territoire de la commune d’Aix. Pour terminer : un article de La Provence qui relate une réunion au pays d’’Aix.
Devant le TGI d’Aix-en-Provence
La demande d’expulsion des Roms de l’Arbois a été plaidée hier au TGI d’Aix-en-Provence, verdict le 19 juin.
La salle d’audience du tribunal de grande d’instance (TGI) d’Aix-en-Provence était comble hier matin, emplie en grande majorité de Roms, tous cités à comparaître suite à la requête en référé du maire de la commune, Maryse Joissains. Une assignation aux fins d’expulsion de près de 300 ressortissants de la communauté européenne installés sur l’aire de l’Arbois, y compris des enfants que le président de l’institution judiciaire a instantanément écartés de la procédure parce que mineurs. Si l’avocat de la Ville a plaidé très brièvement au nom d’une affaire simple et similaire aux précédentes – expulsions des camps des Trois Sautets, de Luynes et Vasarely jugées dans le sens de la demanderesse – relevant des pouvoirs de police du maire en matière de salubrité, sa consoeur en charge de la défense d’une partie des assignés a en revanche soutenu l’inverse. Arguments et justificatifs à l’appui. « Les motifs de salubrité et de troubles à l’ordre public invoqués par mon confrère ne sont pas recevables. Il s’agit d’un détournement de la procédure par le maire et d’une instrumentalisation du pouvoir judiciaire pour parvenir à des fins non avouées par les termes de l’assignation ».
Et de s’appuyer sur les transcriptions dans la presse des propos que Maryse Joissains a tenus à l’occasion d’un récent conseil municipal « je ne veux plus un seul Rom sur ma commune ». En outre, « que les Roms occupent le territoire ce n’est pas une nouveauté » a poursuivi maître Claudie Hubert. « Certaines familles vivent à l’Arbois depuis 2005 et la mairie se prévaut 6 ans après d’un trouble ? La notion d’urgence est inopérante ». Idem pour l’insalubrité. « Le constat de précarité est évident » selon l’avocate mais parce que « la commune n’a jamais mis de dispositif en place pour éviter les amoncellements d’immondices ni levé le petit doigt pour trouver des solutions de substitution comme ça s’est fait ailleurs ». En effet, l’aire ne dispose d’aucun équipement sanitaire ni d’accès à l’électricité ou à l’eau, hormis un point traficoté. Tout ceci sans compter qu’Aix n’est pas propriétaire de tous les terrains, certaines parcelles appartenant à l’Etat et au Conseil général des Bouches-du-Rhône. Pour conclure, l’avocate a appelé la justice à « mettre un terme à cette situation en incitant la commune à mettre en oeuvre ses obligations ». Verdict le 19 juin.
A Aix, la chasse aux Roms est ouverte
Dans ce qui suit, il s’agit de Roms-migrants d’Europe de l’Est, et non de Gens du Voyage. Les Roms, eux, n’ont pas accès aux aires d’accueil ouvertes aux Gens du Voyage ; parmi les Roms il y a les Roumains, qui sont citoyens européens, mais, de fait, empêchés de travailler par une réglementation spéciale (et donc expulsables après trois mois car ils ne peuvent pas justifier de revenus corrects) ; il y a aussi les Serbes, les Croates et les Bosniaques qui sont tous des sans-papiers, expulsables eux aussi s’ils s’installent, mais ils peuvent voyager avec leurs passeports.
Depuis 2005 environ, pendant cinq ans se sont trouvés sur la commune d’Aix un groupe de Roumains, sur un terrain coincé entre autoroute et voie ferrée quasi désaffectée, en bordure de la banlieue ZAC. Depuis 2006 un groupe de Serbes campe à une quinzaine de kilomètres du centre-ville, sur le plateau de l’Arbois. Les noyaux de chaque groupe étaient relativement stables. Terrains insalubres, sans eau pour les premiers, un point d’eau pour les autres, électricité "piquée" par certains, sur batteries ou avec de petits groupes électrogènes pour d’autres. Caravanes délabrées et cabanes de planches constituent les logements. Pendant cinq ans ces groupes ont survécu, pourchassés, avec visites constantes et menaçantes de la Police, municipale le plus souvent. A ceux-là il faut ajouter des petits groupes d’anciens Yougoslaves, mieux équipés, qui passent, restent quelques semaines avant d’aller voir ailleurs.
Les Roumains, de 40 à 80, étaient aidés par un bénévole du quartier limitrophe, aucune scolarisation des enfants. Ils se retrouvaient avec les SDF au centre d’accueil d’urgence, pour les douches et quelque aide alimentaire, allaient aux permanences de Médecins du Monde. Les Serbes (une cinquantaine) ont été aidés de façon plus structurée par un groupe de bénévoles, et après deux ou trois ans par deux éducateurs dépendant du Conseil Général. Les enfants ont été scolarisés, le suivi médical a été organisé. Madame la Maire ayant toujours refusé d’aider en quoi que ce soit, les bénévoles ont pris en charge les frais de bus scolaires, de cantines, d’animation des enfants pendant les vacances. Des expulsions répétées ont eu lieu chez les Roumains, ils allaient un peu plus loin à chaque fois, et revenaient petit à petit. Certains on trouvé des sous-locations de studios dans des HLM en ville, ce qui leur procure un minimum d’abri relativement stable.
Les Roumains sont assez efficaces pour ramasser la ferraille, les Serbes faisaient les décharges publiques. Mais on a institué pour eux bien des obstacles : exigence d’être payés par chèques pour la ferraille…, il fallait y penser. Et engagement de procédures pour "vol en réunion" pour ceux qui font les décharges… Les femmes, traditionnellement en charge de la nourriture familiale, assurent le quotidien grâce à la manche. Le reste de l’argent part souvent en Roumanie, chez les Serbes il est dépensé sur place – car ils n’ont plus aucun lien avec leur pays.
Depuis Août 2010 et un certain discours du Président de l’époque…, la "vraie chasse" a commencé, et d’abord par l’expulsion et l’écrasement de tous les biens d’un petit groupe de Roumains qui avaient débordé sur un chemin limitrophe. Pour une vingtaine de personnes sont venus trois groupes différents de Police, presse écrite et télévisée ont été convoquées pour témoigner de l’événement. Faire un spectacle télévisé de l’écrasement de tous les biens des plus pauvres de la population en dit long sur la considération que la municipalité, soutenue par la Préfecture, a pour ces personnes.
Depuis la même époque, la chasse aux Roms s’est intensifiée à Marseille, constante, implacable, des mois durant, cassant tout le travail des associations, poussant les personnes à vivre sur les trottoirs pour les poursuivre encore. Quelques-uns sont venus sur un petit terrain aixois, et vite ont été envoyés à l’Arbois, le plateau situé à quinze kilomètres de la ville où se trouvent les Serbes. Madame la Maire leur a expliqué que là-haut ils auraient tout le confort dont ils ont besoin sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage (alors qu’en fait elle leur est interdite)…et ils ont cru la Maire ! Du coup,ils se sont retrouvés non loin de là, sur un terrain vague, sans eau ni électricité et ont recommencé à construire des cabanes en planches. Les intervenants bénévoles du plateau de l’Arbois ont travaillé à la scolarisation des enfants, au suivi médical…mais les "autorités" leur ont fermé l’accès à la salle de PMI toute proche où ils pouvaient faire suivre médicalement les enfants… On fait venir un camion de Médecins du Monde tous les quinze jours. Petit à petit d’autres Roms sont arrivés, épuisés par les nombreuses expulsions subies à Marseille. Fin 2011 ils étaient en tout une centaine. En janvier dernier, d’autres groupes sont arrivés de Marseille, deux se sont installés dans la banlieue d’Aix, les autres sont allés sur le plateau de l’Arbois. Plus rien n’était gérable pour les associations et les bénévoles, car des populations ainsi discriminées, pourchassées, ne sont plus prêtes à s’installer sur un terrain, scolariser leurs enfants, etc… elles s’efforcent de survivre, le reste ne les concerne plus. La situation était mûre pour l’action de Madame la Maire.
Les deux nouveaux groupes d’Aix ont été assignés en justice, sans aucun délai pour organiser leur défense : le tribunal leur a donné trois semaines pour déguerpir et le Préfet à donné les forces de l’ordre dès le premier jour de la fin du délai. Ils sont pour la plupart sous un pont d’autoroute dans Marseille. La Maire de Luynes (quartier où certains se trouvaient) a organisé une réunion publique de stigmatisation des Roms… c’était l’hallali, bien orchestré par cette élue. Puis la Mairie a assigné les anciens d’Aix, près de l’autoroute. Ils ont obtenu du Tribunal un délai pour organiser leur défense… bien inutile ! Le Tribunal a reconnu qu’on ne peut pas expulser sans proposer un hébergement d’urgence (arrêt du Conseil d’Etat), mais que le "trouble à l’ordre public" est manifeste et prioritaire : il leur a donné un mois, à eux de trouver un hébergement d’urgence ! "Trouble à l’ordre public", mais ils sont tous éloignés de toute habitation, il faut chercher pour les voir. Madame la Maire peut se frotter les mains, elle qui dans ses attendus dit vouloir les expulser pour obliger les "associations caritatives" à leur trouver des logements au lieu de les maintenir dans des lieux insalubres !
Et enfin mardi 29 mai tous les habitants du plateau de l’Arbois étaient assignés – Roumains, Serbes, Croates, plus de deux cents personnes, les derniers à se trouver sur le territoire de la commune lorsque la fournée précédente aura eu la visite des policiers et des bulldozers au petit matin (ils ont encore quelques jours) . Madame la Maire a gagné son pari, elle qui a annoncé en Conseil Municipal d’Avril "dans quelque temps, il n’y aura plus un seul Rom sur ma commune". A moins que le nouveau gouvernement pense que ce n’est peut-être pas du rôle de la Police que d’ exécuter certaines décisions municipales ineptes… mais à Marseille la dernière expulsion remonte à trois jours.
Par leur aide, même limitée, le Conseil Général et le Conseil Régional ont manifesté un soutien aux bénévoles et le refus de cette inhumanité.
Mais à Aix, "ville d’eau, ville d’art" on peut chasser impunément, détruire tous les biens des plus pauvres, anéantir toutes les actions d’intégration, scolarisation, éducation, supprimer les soins sanitaires (ces populations sont extrêmement fragiles et mal portantes) parce que la présence de ces gens est "un trouble manifeste à l’ordre public". Que des responsables politiques aient si peu le sens de leurs responsabilités – l’expulsion ne fait que déplacer les problèmes, en y ajoutant les souffrances – que ces élus considèrent les populations les plus pauvres comme des sous-hommes, cela ne semble pas troubler la majorité de nos concitoyens de la belle ville d’Aix-en-Provence…
Comment terminer si ce n’est en répétant la conclusion d’un éditorial signé par l’Archevêque d’Aix venu visiter les Roms le jour d’une expulsion : « Si on les traite comme… des chiens, il ne faudra pas nous étonner s’ils attrapent la rage ! » [1]
Marc Durand
Les Roms des camps des Trois-Sautets et de Luynes sont d’ores et déjà expulsables au 30 avril. Mais le combat, en référé, continue pour ceux de Vasarely et l’Arbois. C’est mardi prochain que le sort des habitants du camp, près de la fondation Vasarely, se jouera.
Dans le coin droit, Maryse Joissains, maire d’Aix, anti-Roms assumée et ultra-motivée. Dixit, hier soir lors de notre appel : "Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune". Dans le coin gauche, Hervé Guerrera, élu d’opposition, Marc Durand et Philippe Senegas, de la Ligue des droits de l’Homme, et tous les soutiens regroupés dans le collectif aixois pour la dignité et le droit des Roms. Enjeu du combat : l’avenir de centaines d’hommes, de femmes, et d’enfants, considérés comme une sous-population dans leurs pays (en Roumanie principalement) et rejetés de ville en ville, en France. Contexte : très politique, présidentielle et législative obligent...
"Non, non, je ne fais pas de politique, moi, se défend pourtant la Maire UMP. Je prends mes responsabilités : ces gens n’ont pas de papiers et on ne peut pas les laisser s’installer dans la durée". Alors Maryse Joissains a récemment lancé un huissier à la pêche aux identités pour assigner en référé le maximum d’habitants des bidonvilles des Trois-Sautets, de Luynes, de Vasarely et de l’Arbois. Les deux premiers ont été jugés comme une lettre à la poste et la Maire pourra user de la force publique pour faire évacuer les camps dès le 30 avril.
Deux jugements qui sont passés si vite que les défenseurs des Roms n’y ont vu que du feu. "C’est Marc Durand, de la Ligue des droits de l’Homme, qui a appris par les habitants du camp situé près de la fondation Vasarely qu’il y avait un référé contre eux", expliquait, hier, Hervé Guerrera. L’audience, à la demande de l’avocate de ces Roms-là, Me Claudie Hubert, a été repoussée d’une semaine, pour mieux préparer la défense, notamment avec la collecte d’attestations-témoignages en justice (accessibles en écrivant à hguerrera chez regionpaca.fr).
Depuis peu en effet, les soutiens des Roms tentent de récupérer le maximum de témoignages de personnes ayant eu à se rendre sur ces camps. Ils proposent de certifier par exemple que "le campement n’entraîne pas de troubles à l’ordre public", que "les personnes s’y trouvant ne sont en aucune manière agressives", qu’ils "saluent les visiteurs et engagent la conversation" ou bien encore qu’"aucune odeur pestilentielle ne se dégage du camp et que les abris sont tenus dans un bon état de propreté". Des exemples proposés - qui peuvent paraître un peu saugrenus certes - mais qui correspondent aux arguments avancés par les services du maire dans les assignations en référé.
"L’indignité, les conditions de vie etc., ce ne sont pas les vraies raisons de cette action ? Les vraies raisons sont tout simplement politiques, non ?" ose-t-on auprès de Maryse Joissains. Réponse illico : "Moi je ne sais pas ce que cela veut dire l’indignité. Ce que je sais c’est qu’il faut garder nos acquis sociaux pour les habitants de notre pays qui en ont besoin, sinon notre système social va exploser". "Et le trouble à l’ordre public invoqué, existe-t-il vraiment ? Y a-t-il des plaintes ?" persévère-t-on. "Le trouble, c’est les enfants qui font la manche, et puis c’est des personnes fragiles qui sont agressées régulièrement, et je ne veux pas de cela chez moi. Alors les socialos bobos qui ont du pognon n’ont qu’à les prendre chez eux..."
"Il y a bien sûr un point de vue idéologique dans tout cela", estime l’avocate des Roms du camp Vasarely. "À la barre, j’invoquerai le droit au logement et l’intérêt supérieur de l’enfant. Il faut quand même savoir que la Maire n’a accepté aucune concertation avec les associations, ces gens-là sont en détresse et on ne peut pas les expulser sans leur proposer de solutions de relogement..."
La suite au prochain round.
[1] [Note de LDH-Toulon] – Dans son édito de mai du journal diocésain, Mgr Dufour s’adresse à tous les catholiques du diocèse et aux pouvoirs publics : « Les Roms sont mes frères en humanité… Je demande qu’ils soient traités dignement. L’expulsion sans recherche de solutions ne peut suffire. »
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Le mardi 19 mars 2024
Dans un article du monde le 19 février 2024 (« Dans les fiefs RN, l’obsession de l’immigration ») nous apprenons qu’un représentant de France Travail a assisté aux vœux du Député RN de l’Aisne Jocelyn Dessigny.
L’article précise qu’il y avait une « affluence inédite » (sic) à cette cérémonie de vœux avec la présence des ‘corps constitués’ tels que la préfecture, la gendarmerie et donc un représentant de la DT (...)
Le mardi 19 mars 2024
A l’appel du réseau Rester sur Terre et de l’UFCNA, le collectif STOP EXTENSION Aéroport Marseille Provence (AMP) et les Coordinations des associations de riverains se sont rassemblées mercredi 13 mars 2024 à 18h pour réclamer le plafonnement du trafic aérien au-dessous du niveau de 2019. S’appuyant sur les témoignages de médecins et de climatologues, la coalition d’associations dénonce la croissance du (...)
Le vendredi 15 mars 2024
Le 7 mars 2024, le maire de Briançon a fait savoir qu’il souhaitait faire retirer le mémorial aux mort·es des frontières érigé près du lieu où la dernière victime est morte noyée après être tombée d’une falaise le 29 octobre dernier. Les solidaires du Briançonnais et l’association Tous Migrants lancent une campagne de mobilisation pour faire valoir l’importance mémorielle de cette œuvre et demander au maire (...)
Le vendredi 15 mars 2024
Vendredi 8 mars au soir à la Plaine, un moment festif a suivi la manifestation de lutte pour les droits des femmes et des pluralités de genre. Ce rassemblement a été interrompu par des agressions d’une extrême violence et les affrontements se sont poursuivis tard dans la nuit, malgré des tentatives de médiation de différents côtés.
L’inter-orga Marseille8Mars s’est trouvée en état de sidération, de (...)
Le vendredi 15 mars 2024
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4697
date de publication : mercredi 2 novembre 2011
Jean-François Collin, président de l’Association de défense des intérêts moraux des anciens détenus (ADIMAD), composée d’anciens activistes de l’OAS, a été nommé chevalier de la Légion d’Honneur, par un décret du 5 mai 2011.
Plusieurs associations, telle l’ANPNPA (Association des pieds-noirs progressistes et (...)
Le dimanche 6 novembre 2011
Avec lesphoos et les liens : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4523
Dimanche 26 juin 2011
En effet, la fin de la guerre d’Algérie a été suivie de plusieurs lois d’amnistie, une loi de réhabilitation votée en novembre 1982 a rétabli les généraux putschistes dans leurs droits, et l’article 13 de la loi du 23 février 2005 a organisé une indemnisation de certaines des personnes ayant fait (...)
Le dimanche 26 juin 2011
Avec les liens et les illustrations sur le site de la LDH Toulon :
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article3314
Date de publication : mercredi 27 mai 2009
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 a été signée par la France le 7 août 1990. Cela lui impose, tous les quatre ans, d’exposer au Comité des droits de l’enfant des Nations unies de quelle manière elle (...)
Le vendredi 29 mai 2009
Vendredi 22 mai 2009
Le 19 mai dernier à Marseille, un tribunal de police se penchait sur le cas d’un professeur de philosophie, qui, assistant à un contrôle d’identité dans la gare Saint-Charles, en février 2008, s’était écrié par deux fois : « Sarkozy, je te vois ! ». Cela avait déclenché l’hilarité des autres voyageurs... et lui valut d’être poursuivi pour “tapage injurieux diurne”. Le ministère public a (...)
Le samedi 23 mai 2009
Comme prévu, le ministère de l’Education nationale publie – le jour de la Toussaint... – une version light de Base élèves 1er degré.
Voici l’arrêté : [http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2935 >http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2935]
Le ministère “oublie” de préciser ce qui est peut-être le plus important : au moment de sa première inscription dans l’enseignement primaire chaque enfant se voit (...)
Le samedi 1er novembre 2008