Une tribune pour les luttes

À Mayotte, des militants pris pour cible

+ Lettre au Ministre des Outre-mer de la Ligue des Droits de l’Homme, Réseau Education sans Frontière, lCimade (comité inter mouvements auprès des évacués) Mayotte.

Article mis en ligne le lundi 9 juillet 2012

Communiqué de presse - 9 juillet 2012

La circulaire du ministère de l’Intérieur qui met fin à la rétention des familles partout en France, sauf à Mayotte, montre encore une fois que dans ce 101ème département français, les personnes migrantes n’y ont pas les mêmes droits. À ce droit d’exception, s’ajoutent des tentatives d’intimidation des défenseurs des droits des migrants de la part de l’administration.

Samedi 7 juillet à 11h25, Marie Ballestero, membre de La Cimade et intervenante au centre de rétention de Pamandzi, a été interpellée puis placée en garde-à-vue au sein de ce même centre de rétention pour « incitation à la rébellion ». Alors qu’elle se trouvait, dans l’enceinte d’une résidence privée, avec un de ses élèves, elle a été contrôlée par la police. Elle a montré ses papiers mais a refusé que son élève, mineur soit contrôlé. Celui-ci a alors été mis au sol et molesté par huit policiers. Face aux cris de Marie Ballestero huit autres policiers sont arrivés en renfort pour la menotter et l’embarquer avec son élève jusqu’au centre de rétention. Là, elle a été placée en garde-à-vue alors que son élève, dont la mère est en situation régulière, était longuement interrogé. Finalement, le parquet ordonnera la libération de Marie Ballestero à 15h45 et son élève sera également relâché à 16h après une vérification des documents apportés par sa sœur.

Ces faits graves illustrent les pratiques répressives de l’administration vis-à-vis des militants et militantes associatifs qui sont régulièrement menacés pour l’aide qu’ils peuvent apporter aux Comoriens en situation irrégulière. Certains d’entre eux, fonctionnaires en poste venus de métropole, ont ainsi vu leur contrat non renouvelé sur décision du préfet. Marie Ballestero, pour sa part, avait déjà eu sa carte grise saisie pendant plus d’un an par la préfecture.

À Mayotte, la machine à expulser est devenue un véritable « rouleau compresseur ». Les forces de police interpellent et expulsent massivement sans tenir compte de la situation des personnes ni de leurs droits.

La Cimade fait part de sa profonde inquiétude face à ces faits répétés. Mayotte est un département français, il est urgent d’y respecter la loi et les règles de la République.

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Lire aussi :

http://blogs.mediapart.fr/blog/resf...

Petit journal des saloperies ordinaires de la République Française à Mayotte

11 juin 2012 : Compte-rendu de l’audience au tribunal administratif


Mamoudzou, le 9 juillet 2012

Monsieur Victorin LUREL
Ministre des Outre-mer
Ministère chargé de l’Outre-mer
27, rue Oudinot
75007 Paris

Monsieur le Ministre,

En notre qualité de responsables d’associations ayant en partage les valeurs de protection des
droits fondamentaux de l’être humain à Mayotte, nous avons le plaisir de vous souhaiter la
bienvenue, à l’occasion de votre prochaine venue sur cette île magnifique, 101ème département de
la France, où tout reste néanmoins à faire.

Ainsi que vous le savez, sans doute mieux que nous-mêmes, la société mahoraise est marquée par
une extrême pauvreté, une grande détresse sociale et une forte proportion d’exclus.

Sur le plan des droits civils et politiques, il existe à Mayotte, une situation que nous qualifions de
maltraitance institutionnelle, d’inégalités inadmissibles et de discriminations systémiques.

C’est ainsi par exemple, que des interpellations se font au domicile des personnes soupçonnées
d’être en situation irrégulière, en dehors des heures prévues par l’article 59 du Code de procédure
pénale ; que des titres de séjour sont refusés à ceux qui remplissent pourtant les conditions pour
en bénéficier, notamment les parents d’enfants français ou les jeunes majeurs dont les parents ont
un document de séjour, en violation des articles 15 et 16 de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril
2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ; que le récépissé valant
autorisation provisoire de séjour, prévu par l’article L742-1 du Code de l’entrée et du séjour des
étrangers et du droit d’asile, est refusé aux demandeurs d’asile ; et même que des mineurs sont
interpellés aux fins de leur reconduite à la frontière, ce qui est totalement contraire à l’article 34-II
de l’ordonnance susvisée.

C’est en réaction à ce genre de violation flagrante de la loi, que dans la journée du 7 juillet 2012, la
responsable locale de la CIMADE a été rudoyée, interpellée et conduite au centre de rétention,
alors que cette responsable associative est de nationalité française, et que rien ne pouvait justifier
qu’elle ait été conduite en centre de rétention, si ce n’est la volonté de l’humilier inutilement.

Il sied que nous signalions que cette interpellation est intervenue dans un contexte d’émoi pour
les militants associatifs, qui venaient d’apprendre que Mayotte est exclue du champ d’application
de la récente circulaire du Ministre de l’Intérieur, prescrivant une assignation à résidence pour les
familles faisant l’objet d’une reconduite à la frontière, avec en leur sein, des enfants mineurs.
1

Nous voudrions ici vous exprimer notre préoccupation par rapport au fait que cette circulaire ne
s’appliquera pas à Mayotte, au motif supposé que ce département est soumis à une forte pression
migratoire, alors paradoxalement, que c’est à Mayotte qu’il y a le plus grand nombre de mineurs
reconduits à la frontière.

Outre le fait que l’instauration d’une nouvelle dérogation ne ferait que retarder Mayotte dans son
désir d’assimilation avec la métropole, les droits des enfants dont la France est tout de même
signataire des conventions qui en organisent la protection au niveau international, continueraient d’
être davantage bafoués, si cette circulaire devrait durablement être ineffective sur le territoire
déshérité de Mayotte.

Pourriez-vous donc, Monsieur le Ministre, envisager un moratoire pour l’intégration de Mayotte
dans le champ d’application de cette circulaire ?

Sur le plan des droits économiques et sociaux, le sentiment d’injustice est encore plus prégnant.

Le droit à l’éducation n’a aucune résonance pour des milliers de jeunes non scolarisés, qui sont
en situation d’errance, à raison du fait que leurs parents ont été reconduits à la frontière, et qu’il
n’existe pas de structure véritablement efficiente pour les prendre en charge.

Que la protection de l’enfance en déshérence échoie au Conseil Général est une chose ; mais que
les mineurs isolés soient identifiés, répertoriés, soignés, instruits, nourris et pris en charge, en est
une toute autre, dans la mesure où originellement, leurs parents clandestins étant inexistants pour
la République, ils subissent tout simplement eux-mêmes, l’indifférence voire le mépris avec lequel
les lois, la société et la bureaucratie les considèrent.

Dans un autre ordre d’idées, les allocations familiales, allocations adulte handicapé, le revenu de
solidarité active, le minimum vieillesse, etc., sont à une étape quasi embryonnaire à Mayotte, par
comparaison avec les montants ayant en cours en métropole.

Il y a donc urgence à ce que de véritables efforts soient mis en œuvre pour permettre à Mayotte
et à sa population, de rattraper leur retard sur le niveau de jouissance des droits économiques et
sociaux, tels qu’ils sont connus en France, et devraient l’être dans un département français sinon
une région ultrapériphérique de l’Europe.

Sur ces diverses questions, il nous serait particulièrement agréable, si votre agenda vous le permet,
Monsieur le Ministre, que nous puissions discuter brièvement avec vous, à l’occasion de la visite
que vous effectuerez à Mayotte, les 15 et 16 juillet prochains.

En vous remerciant de tout ce que vous pourrez faire en ce sens, nous vous prions de recevoir,
Monsieur le Ministre, l’expression de notre profonde considération.

Pour la Ligue des Droits de l’Homme, le Président
Pour le Réseau Education sans Frontière, le Président
Pour la Cimade (comité inter mouvements auprès des évacués), la Présidente

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