Une tribune pour les luttes

Stéphane Hessel reste vivant

Article mis en ligne le samedi 2 mars 2013

Paris, le 27 février 2013

Pourrions-nous croire à sa mort, après quatre-vingt-quinze années d’une vie plus riche qu’un roman ? Commencée dans deux patries successives, elle s’est poursuivie au milieu de la poésie, du surréalisme et d’une profonde culture humaniste et européenne. Puis ce fut la Résistance, Buchenwald, d’où il réchappe quasi miraculeusement, et la France libre. Ensuite, après le compagnonnage avec Mendès France à Londres, Stéphane Hessel est à l’ONU, avec René Cassin, pour la préparation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La suite, c’est son combat inlassable pour la conquête de tous les droits, pour tous et partout.

S’il fut un diplomate reconnu jusqu’à devenir ambassadeur de France, c’était aussi un homme alliant l’esprit de résistance et la volonté de construire «  un monde solidaire et organisé », « une structure de l’économie mondiale plus équitable ». Donc à la fois le club Jean-Moulin, il y a cinquante ans, pour penser « une République moderne », mais aussi en 1997, le Collège des médiateurs pour la régularisation des sans-papiers ; le refus de la colonisation des territoires palestiniens, qui lui valu d’être traité d’antisémite, lui, le survivant des camps, par ceux que leur bêtise et leur haine aveuglent ; et encore, après la honte du « ministère de l’Identité nationale », la fondation de Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, et le rendez-vous du printemps, chaque année, aux Glières.

Lui-même l’a toujours répété, le fil conducteur de ce parcours fascinant, c’est son «  investissement dans les droits de l’Homme » : « l’opposé de ce qui avait failli me faire mourir », mais aussi « le fil conducteur d’une histoire qui a un sens et qui donne de plus en plus de responsabilité et de liberté aux individus ». Son autobiographie, il l’avait appelée Danse avec le siècle, parce qu’« à force de déséquilibres, l’histoire est susceptible de produire des équilibres plus riches ». Et pour construire ces nouveaux équilibres, regrettant trop souvent chez les hommes politiques «  le manque de courage, le désir de flatter l’électorat plutôt que d’aller de l’avant », il appelait à « ne pas compter seulement sur les gouvernements pour poursuivre les objectifs auxquels nous tenons », à miser, comme il l’a fait si intensément, sur « la mobilisation de la société civile ». Comme nous.

Laissons-lui la parole une fois encore. Voici la conclusion du chapitre qu’il avait donné à L’état des droits en France, publié en 2012 par la Ligue des droits de l’Homme : «  secouer la chape de plomb du pessimisme, du défaitisme et du déclinisme », retrouver « la capacité non seulement de s’indigner, mais encore d’espérer et d’entreprendre. Proposer, rassembler, agir pour construire d’autres rapports de forces que ceux de la domination oligarchique ; ne plus déléguer le choix de notre avenir à un « sauveur suprême » ou à des experts porteurs d’une prétendue rationalité fauteuse de crises ; dépasser les mirages de l’individuation et de la marchandisation en retrouvant le chemin de la solidarité, en « reconsidérant la richesse » pour remettre la valeur à l’endroit ; se rappeler que ce sont les Hommes qui font l’histoire, qu’aucune fatalité n’oblige à ce que l’humanité, dont les capacités augmentent sans cesse, subisse la régression de ses droits et de ses acquis au point de perdre espoir en l’avenir. Car si nous le pouvons, si nous le voulons vraiment, cet avenir est entre nos mains à tous. »

La Ligue des droits de l’Homme est fière d’avoir cheminé avec Stéphane Hessel. Elle est triste de l’entendre encore réciter Apollinaire : «  J’ai cueilli ce brin de bruyère, L’automne est morte, souviens-t’en, Nous ne nous verrons plus sur terre », mais elle se rappelle qu’il chérissait aussi Hölderlin : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve. »

«  Ce qui sauve », il l’a porté, il nous le lègue. Faisons-le vivre.

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