Une tribune pour les luttes

Conférence de presse du 28 février 2013

Article mis en ligne le jeudi 28 février 2013

Marseillaiese 2 mars 2013

INTRODUCTION A LA CONFERENCE DE PRESSE DE LA L.D.H. « ISTRES-OUEST PROVENCE »

L’intervention de la LDH ce jour est prioritairement fondée sur l’article 23 de la DUDH qui stipule très clairement que le Droit au Travail est un droit universel imprescriptible, de ceux que Stéphane Hessel qui vient de disparaître a contribué à «  sanctuarisé  » dans cette déclaration historique. Qu’il lui soit ici rendu l’hommage qu’il mérite, grande figure de l’histoire contemporaine, compagnon de combat de la LDH. Il est de notre devoir de reprendre l’appel de son manifeste « INDIGNEZ - VOUS  ».

Oui, indignons nous parce que le Droit au Travail, droit fondamental, subit aujourd’hui, un abandon sans précédent, mis à mal par les politiques publiques conduites depuis des années et malheureusement poursuivies, après l’alternance de mai 2012.
Les chiffres du chômage viennent de tomber toujours aussi catastrophiques mais insuffisants à traduire les souffrances, les angoisses, les détresses provoquées par la violence sociale et morale qu’ils recouvrent et qui sont de plus en plus insupportables. A un tel point que le désespoir amène des chômeurs à commettre l’irréparable comme à Nantes.
Indignons nous que les gouvernants détourne la tête face à cette réalité parce qu’ils ont fait le choix de répondre positivement aux injonctions des marchés financiers plutôt qu’aux intérêts économiques et sociaux de notre pays.

Indignons nous que ces marchés financiers fassent payer à la France 60 milliards annuels d’ intérêts de la Dette, véritable détournement de fonds qui va servir principalement à la spéculation, celle qui mine et détruit l’emploi. Savez-vous, à cet égard, que les banques françaises possèdent près de 500 filiales installées dans les paradis fiscaux ?
Savez-vous que Gary Klech est l’un de ces prédateurs qui aujourd’hui menace le pôle vinylique français, dont l’usine Kem One à Lavéra et ses 400 emplois ?
La LDH est dans son rôle lorsqu’elle affirme que le Droit au Travail a été sacrifié par la signature du Pacte Budgétaire Européen que F Hollande avait pourtant juré de ne pas signer.

Indignons nous devant cette volte face conduisant tout droit à une austérité aggravée avec un effet domino : « baisse des investissements – croissance zéro - baisse du pouvoir d’achat — baisse de la consommation – emplois sacrifiés par dizaine de milliers.  »
Toutes catégories confondues les B. du Rh. Comptent au 31 janvier 169 942 chômeurs soit + 6,6% en un an. Sur les cinq dernières années, 40.000 chômeurs de plus avec une hécatombe sur les plus de 50 ans en augmentation de 15,6% sur un an. Un chômage de très longue durée (2 ans ou plus) en augmentation de 12,8% sur un an soit 102 844 personnes privées d’emploi : 40,4% de la totalité !
Un bilan accablant à partager bien sûr avec l’ancien quinquennat et sans perspectives pour inverser une logique d’austérité aggravée.
En 2012, 266 sites industriels ont été fermés sans parler du véritable étranglement des service publics ; pour les seuls hôpitaux 20 000 emplois supprimés !

Indignons nous aussi des projets de mauvais coups sur les retraites, les indemnités de chômage et les allocations familiales.

Avec le Droit au Travail, la deuxième préoccupation de la LDH concerne les libertés et l’action du Ministère de l’Intérieur, action marquée par la même inhumanité que ces prédécesseurs à l’égard des sans papiers et des Roms, même si les discours xénophobes ont cessé.

Indignons nous, comme l’a fait la Cour Européenne de Justice qui a interdit la mise en garde à vue systématique des sans papiers. Qu’à cela ne tienne, le Ministre de l’Intérieur a inventé la retenue de 16 heures.

Indignons nous que des refus d’embarquement soient suivis de passages à tabac comme celui qu’a subi à Roissy Monsieur Ribeiro, père d’un enfant français de Martigues.

En conclusion provisoire, avec d’autres forces, syndicales, professionnelles, associatives, la LDH continuera d’interpeler les dirigeants de notre pays pour leur dire : changez de cap, appliquez ce pour quoi vous avez été élus, cessez de tourner le dos aux valeurs et idéaux de la République universelle et sociale porteuse d’un monde plus juste et plus humain. Cessez de courber l’échine devant les marchés financiers et l’ultra libérale Commission Européenne.

Il est temps de mettre en œuvre des mesures immédiates ayant pour objectif le progrès social et en priorité remettre notre pays sur le chemin du plein emploi.


Ce rapport a été débattu et adopté lors de plusieurs réunions de la LDH locale. Il est très politique. Logique : la L.D.H. assume totalement son engagement d’« association politique  ». 

PREMIER BILAN

Cela fait maintenant 9 mois que le gouvernement Sarkozy-Fillon-Guéant a été remplacé par le gouvernement Hollande-Ayrault-Valls. La LDH avait appelé à battre N.Sarkozy.

Neuf mois : essayons de voir comment se présente le bébé ! La nécessité est ressentie de commencer à faire un bilan critique dans la tradition d’indépendance de la LDH. Premier bilan globalement négatif des orientations et des décisions gouvernementales pour lesquelles la LDH est directement concernée ou interpelée. Celles qui concernent les droits fondamentaux : droit au travail, libertés, droits économiques et sociaux , retraite, santé, logement, services publics… Ce bilan est jugé plus que décevant par la LDH et une large partie de nos concitoyens. A certains égards, il est jugé carrément inacceptable. L’orientation générale prise ne répond pas aux légitimes attentes populaires et surtout, sur plusieurs points, va à l’opposé du programme sur lequel F. Hollande a demandé nos suffrages. Il y a là un véritable abus de confiance, une tromperie inexcusable.

Citons d’abord et au principal le reniement sur le trop fameux Pacte Budgétaire austéritaire. Il est d’une extrême gravité car il conditionne largement la suite. Promis juré, F. Hollande ne devait pas signer ce pacte en l’état car porteur avant tout d’austérité. Exit pourtant, une fois élu, l’engagement de tenir tête à Mme Merkel ! Il n’est jamais honnête de renier sa parole surtout quand cette volte face met la France sur la voie d’une austérité aggravée. Ce Pacte Budgétaire est en lien direct avec l’euro et la trop fameuse « dette  » qui fonctionne comme un véritable système de pompage d’argent public, pour la France 50 milliards d’intérêts par an !
Au moment où la commission d’enquête du Sénat évalue à 60 milliards d’euros le montant de l’évasion fiscale vers des pays tels que les Iles Caïmans, le Luxembourg, Monaco, la Suisse. Plus que ce que paie la France pour les intérêts de la dette !

Sur la question bancaire le gouvernement a procédé à quelques réajustements, suite au débat au Parlement, mais on est encore loin de l’engagement pris par F.Hollande le 22 janvier 2012 au Bourget : «  Mon véritable adversaire c’est la finance ». Sur cette base pour quand l’offensive sur les stocks options, les «  bonus » et les paradis fiscaux… ? Même la séparation complète et réelles – c’est urgent – entre banques de dépôt et banque de marché ne mettra pas un terme à la question fondamentale de la spéculation. Les banques françaises ont, selon les derniers comptages, entre 460 et 547 filiales dans les paradis fiscaux !

Cette situation doit être dénoncée et combattue car la richesse nationale est produite par le seul travail. Peut-on laisser cette richesse confisquée, transférée vers les détenteurs de capitaux et les marchés financiers au détriment de l’intérêt de l’immense majorité des salariés, des chômeurs, des retraités ? Détenteurs de capitaux qui vont investir dans cette dette publique et privée ! Serait-il incongru aujourd’hui, de demander, au nom de la justice, que tout ou partie de cette «  dette  » soit annulée et/ou renégociée comme cela a été réalisé en des formes adaptées pour l’Islande ou l’Argentine ? Pendant dix ans et singulièrement les 5 dernières années, la droite a fait une politique de droite qui a profité à une minorité avec de lourdes conséquences en matière de libertés, de justice sociale et de développement économique. Il n’est pas acceptable aujourd’hui que le pouvoir Hollande-Ayrault-Valls, soumette la France au Pacte Budgétaire et prolonge ainsi une politique ultralibérale par une politique sociale-libérale, plus libérale que sociale d’ailleurs avec des attaques qui se profilent sur les retraites et l’UNEDIC.

Comme l’a écrit un journaliste « nous vivons une alternance politique sans alternative à l’austérité ». Le MEDEF et les multiples lobbys économiques sont aujourd’hui plus écoutés à l’Elysée que les organisations syndicales majoritaires. Ce choix de laisser agir à leur guise les marchés financiers et la Commission Européenne a un prix et une facture à payer : 3,3 millions d’inscrits à Pole Emploi, plus 1,9 millions en activité réduite soit 5,2 millions de personnes, des fermetures immédiates ou annoncées pour les prochains mois concernant 30 000 emplois : FRALIB, PSA, VIRGIN , RENAULT, SANOFI, SODIMEDICAL, GOOD YEAR, PRESTALIS, CANDIA … de lourdes menaces sur des entreprises locales FOS - ETANG DE BERRE : raffinage, pétrochimie, sidérurgie. Dans notre région, comme ailleurs, nous subissons l’ère des grands prédateurs, les grands gagnants d’une construction européenne de plus en plus libérale et tournant le dos à la mise en œuvre d’un modèle social amorcé au lendemain de la guerre. Au sein de cette Europe se multiplient les délocalisations, les filialisations qui permettent aux grands groupes de partir avec la caisse, souvent avec les machines et la technologie sans régler la facture des dégâts économiques et sociaux provoqués. A chaque étape de ce jeu de massacre des dizaines de milliers d’hommes et de
femmes et leurs familles sont laissés dans la désespérance et l’angoisse. Il s’agit d’une véritable violence morale et sociale que la L.D.H. ne peut que dénoncer et combattre seule et/ou avec le Mouvement Social. Le droit de gagner sa vie par son travail est un droit fondamental : article 23 de la D.U.D.H. A ceux, qui, souvent bien au chaud, nous invitent à ne pas faire du Zola, nous rétorquons que les mots pour dire la désespérance et l’angoisse, pour décrire la mal vie des gens ne seront jamais assez forts. Désespérance et angoisse qui conduisent des chômeurs au suicide comme à Nantes devant «  Pôle Emploi  » .

Un individu a, sur notre bassin d’emploi Fos-Lavéra-Etang de Berre, le profil type du « capitaliste vautour » (expression inventée par des journaux anglo-saxons !) il s’appelle Gary Klesh. Il a mis la main, pour un euro symbolique sur le pôle vinylique d’Arkema dont l’une des usines est implantée à Martigues-Lavéra et il a empoché 96,5millions d’Euros « trouvés  » dans la trésorerie du groupe. Une fois le hold-up réalisé sur la trésorerie, les technologies, les savoirs faire et quelques fois sur les machines, l’argent prendra certainement le chemin des paradis fiscaux. Idem pour le groupe Shell qui passe le relais à PETROPLUS à Petit Couronne en laissant une ardoise d’un demi-milliard d’euros. Ce ne sont pas les poignées de main de F. Hollande venus soutenir les ouvriers devant la raffinerie qui ont changé la donne.

Nous savons que la loi ne peut décider de tout et que rien ne remplacera jamais la mobilisation populaire, plus nécessaire que jamais, mais jusqu’à quand et jusqu’où la majorité à l’Assemblée Nationale va-t-elle laisser faire ?
N’est-il pas temps de débattre et d’adopter des lois pour mettre en échec les « licenciements boursiers », pour que l’Etat prenne directement les choses en mains lorsque les « managers » et les marchés financiers ont condamné une entreprise, ou un pôle stratégique tels que les filières vinylique ou acier menacées à Lavéra et Fos ?

Le législateur, la puissance publique vont-ils suivre, en spectateurs, les risques de fermetures de grandes entreprises industrielles locales ?
AUSTERITE AGGRAVEE : «  vous en reprendrez bien encore une louche… »
François Hollande aurait dû se douter qu’en mettant les doigts dans l’engrenage austéritaire du Pacte Budgétaire, Mme Merkel n’en resterait pas là. Elle l’a prouvé avec le concours de Cameron le 8 février 2013 à Bruxelles. Pour François Hollande il s’agissait de desserrer un peu le carcan de la réduction de la dette dans lequel la France se trouve. Les ultralibéraux lui ont donné une amère leçon en diminuant le budget européen de 34 milliards annuels (908 milliards au lieu de 942 pendant 7 ans). Les attentes de relance, vitales pour l’emploi, sont
laminées et pour qu’il n’y ait aucun doute sur ces orientations néfastes, la Commission Européenne à rajouté une touche de cynisme en diminuant la dotation des Restos du Cœur qui passe de 500 millions d’euros à 300 millions. Encore un droit élémentaire pour les plus défavorisés foulé au pied par l’Europe.


MAUVAISE NOTE SUR LES LIBERTES

Autre motif de colère : les Libertés.

Manuel Valls a chaussé les rangers de Guéant-Sarkozy pour taper aussi fort qu’avant sur les sans papiers et les Roms. Les violences policières continuent et c’est par l’un de ses coups de menton qui plaisent tant à droite qu’il a enterré le projet de remise de récépissé lors des contrôles d’identité. Les contrôles au faciès ont encore de beaux jours. C’est la Cour Européenne qui a dû interdire la garde à vue pour vérification d’identité visant bien sûr les sans papiers. Qu’à cela ne tienne Valls a trouvé la parade en inventant «  la retenue  » de 16h pour le même motif. Il ne fait pas bon non plus s’opposer à un embarquement/expulsion. Mr H.Ribeiro, cap verdien père d’un enfant français de Martigues a été roué de coups sur le tarmac de Roissy. Notre section et RESF-Etang de Berre en lien avec nos amis à Paris ont réussi à le sauver de l’expulsion.

Sur ce révoltant chapitre la CIMADE nous apprend qu’un charter militaire décolle régulièrement du Bourget avec sa « cargaison  » d’expulsés ce qui est totalement contraire au droit et se rajoute à son caractère inhumain. Quelques modifications à la marge (mais le CESEDA est toujours là) ; parmi celles-ci la suppression du «  délit de solidarité  » ; même la circulaire du 28 nov. 2012 censée définir des critères objectifs est appliquée à leur guise par les préfectures (restrictivement à Marseille) sans que le ministère y trouve à redire ; heureusement un point positif mais ne changeant rien sur le fond, il concerne une abrogation pour les étudiants étrangers très qualifiés. On lira en annexe ce qu’observe et constate la CIMADE dans le plus grand C.R.A. de France près de Paris, au Mesnil Amelot.

Le député de notre circonscription Gaby Charroux, vient de déposer à l’A.N., à notre demande, une question écrite sur le bilan des expulsions et des régularisations par département en 2011 et 2012. Les remontées des Points Appui départementaux font état de dossiers qui auraient été régularisés « avant » et qui ne le sont pas aujourd’hui.

LES MEDIA : INFORMATION OU DIVERSION ?

Qu’est-ce qui peut faire un peu oublier la réalité de la situation ou la faire passer au second plan de l’actualité ? Réponses : de bons plans com’, des « buzz  » faisant diversion dans les grands média télévisés. Quelques exemples :

Une « vrai guerre  » au Mali avec, cependant, des images contrôlées et bien propres, sauf qu’on nous a déjà fait le coup de la guerre juste contre le terrorisme djiadiste ou contre les dictateurs avec l’Afghanistan, l’Irak, la Lybie…Quel bilan aujourd’hui ?
«  La France gagne la bataille  » sauf que rien n’est joué à moyen et long terme au Mali et que la facture à régler va être exorbitante : 1,5 millions d’euros par jour. Que de boîtes seraient sauvées avec cet argent ! La droite se voit obligée d’applaudir sauf qu’elle devrait se souvenir sur quoi a débouché l’aventure libyenne : montée d’un islam radical et pillages des arsenaux libyens par des groupes fanatisés.
Heureusement la fascination pour la guerre n’a qu’un temps.

Autres tapages médiatiques (quelques uns au moment où ces lignes ont été écrites) :
.Glamour : libération d’une jolie et fragile jeune femme, Florence Cassez, emprisonnée « injustement » au pays de Pancho Villa. On en a pris plein les mirettes pendant plusieurs jours de Roissy jusqu’à l’Elysée.
. Supers héros
Le public aime rêver avec les supers héros sportifs (pendant des années, Amstrong le surhomme tricheur).On a eu droit à un embarquent et une évasion vers le large avec le Vendée Globe. Du coup BFMTV en a «  oublié  » de couvrir la manif en faveur du mariage pour tous qui avait lieu le même jour que l’arrivée aux Sables-d’Olonne.
Beckam arrive à Paris, le journal gratuit « 20 minutes », édition de Marseille, publie sa photo p1, presque pleine page, et insère une petite photo ridiculisant la manif « Services Publics » du 31.01 en bas de page intérieure avec 4 lignes de commentaires.
Sans parler de la démission très médiatisée de Mr Joseph Aloïs Ratzinger plus connu sous le nom de Benoît XVI.

CONCLUSION PROVISOIRE

A part le mariage pour tous, avancée sociétale importante et la perspective – fragile – du droit de vote donné aux résidents étrangers on ne voit pas de signes patents pouvant laisser présager un changement de politique et un virage progressiste qui donne la priorité au droit au travail.

Pire, avec un taux de croissance de 0,1% en 2013, quasiment une récession, alors qu’il faudrait au moins 1,4% pour une reprise de l’emploi, ce bilan ne peut aller qu’en s’aggravant (1). Les droits économiques et sociaux sont pourtant indissociables de l’ensemble des droits fondamentaux. Leur affaiblissement a des conséquences directes sur le terrain des libertés.
Une société qui n’a pas pour objectif d’assurer le plein emploi voit croitre des inégalités insupportables, des sentiments et une atmosphère de désespérance, des réflexes xénophobes, de la délinquance, souvent dans les quartiers les plus paupérisés… C’est alors qu’interviennent les réponses autoritaires et sécuritaires avec des ministres de l’intérieur aux noms «  inoubliables  » Hortefeux, Guéant hier, Valls aujourd’hui. On a et on aura vite oublié les noms de presque tous les ministres quand on se souviendra de ceux-là pour leurs «  exploits » : caméras de surveillance, fichage, prisons pleines à ras bord, répression des sans-papiers et des Roms…
Loin, très loin d’une République universelle et sociale, et tout simplement d’un monde plus juste, plus humain et fraternel.
Seul un changement radical des politiques publiques conduites actuellement pourra au moins le laisser espérer.


Annexe de la partie « Très mauvaise note sur les libertés  »

LA CIMADE RAPPELLE LES ENGAGEMENTS DE F. HOLLANDE…

La Cimade et le monde associatif n’étaient pas bercés d’illusions par le programme et les intentions de François Hollande concernant sa politique migratoire. En janvier, nous avions demandé aux candidats de se positionner sur les 40 propositions pour une politique d’hospitalité, et d’indiquer les premières mesures qu’ils souhaiteraient mettre en œuvre en matière d’immigration. Le ton employé dans sa réponse par le candidat socialiste semblait de bon augure et laissait penser que les lignes allaient un peu bouger :«  Le droit à une vie familiale normale sera assuré et consolidé. […] La politique du chiffre menée par la droite
depuis 2007 aura conduit à instaurer un climat délétère et à banaliser la rétention des étrangers. Je souhaite plus globalement que la rétention redevienne l’exception et non un instrument banal de procédure. Je souhaite que soient privilégiées les alternatives à l’enfermement. […] Sur la rétention des enfants, et donc des familles avec enfants, je me suis engagé à l’interdire dès mai 2012. […] Ces procédures d’éloignement doivent s’inscrire dans le cadre de procédures garantissant le respect des droits des personnes
 »

… ET DECRIT CE QU’IL EN RESTE DANS LA REALITE

Après plusieurs mois au pouvoir, le président n’a pas tenu ses promesses. Seule la circulaire concernant les étudiants très qualifiés a été abrogée. Pour le reste, le gouvernement s’est précipité pour voter une énième loi répressive créant une sorte de garde à vue d’exception pour les étrangers : une nouvelle forme d’enfermement discriminatoire et inutile puisque la loi permet déjà de priver de liberté une personne pour vérifier son identité. Les autres promesses sont toutes tombées aux oubliettes de l’Elysée et le ministre de l’Intérieur soigne son
image de fermeté pour plaire à une frange de l’électorat facile à séduire. Les lois votées par la droite et combattues par les socialistes sont appliquées avec autant de zèle que par le passé. Un seul point positif tout de même : les discours xénophobes ne sont plus de mise. La politique du chiffre est toujours en œuvre au
quotidien et nous le constatons chaque jour qui passe au CRA du Mesnil-Amelot. Aucune préfecture de
France ne prend le temps nécessaire pour examiner, avec intelligence et dans le respect du droit, la situation des étrangers avant de les enfermer. Nous rencontrons depuis le mois de mai toujours autant de parents d’enfants français, autant de personnes gravement malades (porteurs du virus de l’hépatite
ou du VIH), autant de demandeurs d’asile primo arrivants, autant de conjoints de Français, autant de
victimes de la double peine et parfois aussi quelques Français ou Italiens trop basanés. Les pratiques sont ancrées profondément dans les administrations : police, gendarmerie et préfectures ont été encouragées à expulser sans discernement depuis que Nicolas Sarkozy a pris les manettes du ministère de l’Intérieur en
2003. Il va falloir du temps et beaucoup de motivation politique pour faire changer ces habitudes. Certains fonctionnaires n’ont connu que cela depuis qu’ils sont en poste ; de nouvelles consignes sont peut-être dans les tuyaux, mais sur le terrain, pour l’instant, aucun changement. En revanche, en Seine-et-Marne comme ailleurs, nous sommes les témoins d’un sacré tour de vis dans la politique répressive : encore des enfants et
des nourrissons enfermés, toujours plus de malades expulsés, une augmentation très inquiétante des charters (européens ou «  made in France » pour les Roumains) et surtout la recrudescence des désormais fameux laissez-passer européens. Ce que la droite n’a pas osé faire, la gauche le fait : expulser des étrangers dans leur pays d’origine sans l’aval des autorités compétentes, sans document de voyage valide, en violation de la souveraineté des Etats. Effectivement de ce point de vue là, le changement est là !


(1) De plus en plus de voix s’alarment devant la dégradation sociale de l’Europe et son chômage insoutenable, perçus comme les nouveaux risques de la zone euro.«  Comme le montrent les prévisions catastrophiques de croissance et d’emploi, l’Europe poursuit une stratégie, qui est économiquement imbécile, politiquement irresponsable, socialement indéfendable et finalement auto-destructrice, même s’il advient que les objectifs de réduction de déficit recherchés sont atteints  », tonne le groupe de réflexion Re-define, regroupant des banquiers, des hauts fonctionnaires. «  Comme il devient manifeste que les programmes d’austérité conduisent à des souffrances non justifiées spécialement pour des millions de personnes qui ont été jetées dans le chômage et la pauvreté, la résistance contre ces programmes ne peut que s’accroître. Une résistance qui peut amener des millions de personnes à souhaiter se libérer de ce qu’ils perçoivent être les chaînes imposées par l’euro », concluent de leur côté les économistes Paul de Grauwe et Yumei Ji, au terme d’une très longue étude sur les erreurs de la politique européenne, cherchant à complaire des marchés financiers qui ne réagissent qu’en mode euphorie-panique. 
_ Sourde à tous les avertissements, la Commission européenne n’en démord pas : il convient à tout prix de maintenir cette politique. «  La consolidation budgétaire est nécessaire et devrait améliorer les perspectives économiques à moyen et long terme, même si elle peut peser sur la croissance à court terme », dit le rapport, sans s’inquiéter outre mesure. Un siècle après avoir mené, en version militaire, un carnage sans raison ni fondement, l’Europe institue le Verdun économique. (extrait d’un article de « MEDIAPART)

Istres et Martigues le 28 février 2013

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