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samedi 9 mars 2013
Deux mois après l’assassinat de trois militantes kurdes à Paris, les autorités françaises gardent toujours le silence. Que cachent les autorités ?
Le 9 janvier dernier, trois femmes kurdes ont été exécutées au cœur de Paris, dans le centre d’information du Kurdistan, près de la Gare du Nord.
Sakine Cansiz, membre fondatrice du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan, représentante du Congrès National du Kurdistan (KNK) et Leyla Saylemez, membre du mouvement de la jeunesse kurde ont été toutes trois assassinées de plusieurs balles dans la tête.
Pour les kurdes, il n’y a aucun doute, la Turquie est derrière cet assassinat qui viserait notamment les discutions menées avec le leader kurde emprisonné Abdullah Ocalan. Les responsables turcs n’hésitaient pas à menacer publiquement les dirigeants kurdes ces dernières années.
_ Interviewé par une chaîne de télévision turque en janvier, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan demandait de nouveau à Berlin l’extradition d’opposants et militants kurdes, faute de quoi ils deviendraient la cible de nouveaux assassinats. La Turquie aurait envoyé un groupe de tireurs d’élite en Europe, afin d’éliminer les dirigeants du mouvement kurde, selon des informations parvenues, en octobre 2011, aux dirigeants kurdes exilés.
QUE FONT LES ENQUETEURS ?
Le centre kurde était surveillé par les services français et turcs. En France, les kurdes font souvent l’objet d’arrestations et d’opérations sensationnelles pour satisfaire la Turquie. Chaque rencontre entre les dirigeants des deux pays est une occasion pour lancer des opérations contre la communauté kurde, sous prétexte de lutte contre le « terrorisme ». Mais on ne voit pas les mêmes efforts pour élucider l’assassinat de trois femmes.
Que font les enquêteurs ? Qui sont les commanditaires ? Quel est le mobile de l’assassinat ? Que sait la police sur les liens présumés d’Omer Guney, placé en détention en janvier, avec les extrêmes-droites turques ou les services secrets ? Les services français sont-ils impliqués dans ces meurtres ? Y a-t-il un lien entre l’assassinat et la vaste coopération sécuritaire, signée en octobre 2011 entre Paris et Ankara ?
On sait que les informations collectées par les services français sur les kurdes, avec des images, sont livrées aux services turcs. L’impunité des auteurs des attaques racistes contre le peuple kurde sur le sol français et la collaboration honteuse de la France avec la Turquie ne seront-elles pas une source d’encouragement pour viser les militants kurdes ?
Les kurdes sont facilement sacrifiés en France pour des intérêts commerciaux et politiques. Près de 250 kurdes ont été arrêtés depuis 2007 pour des motifs politiques en France.
Alors que la communauté kurde attend toujours la justice, les relations entre Paris et Ankara se sont curieusement améliorées. Le 12 février 2013, dix-sept autres kurdes ont été arrêtés à Bordeaux et à Toulouse, au moment où le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius recevait à Paris son homologue turc, Ahmet Davutoglu.
LA FRANCE A-T-ELLE CONCLU UN ACCORD SUR LE CONFLIT SYRIEN ?
Le doute s’installe chez les kurdes : Les rencontres entre les dirigeants turcs et français ne sont-elles pas des preuves de tractations politiques entre les deux pays ? Le silence des autorités françaises s’explique par le fait que la France en sait plus sur l’assassinat. Ce qu’elle cache ne lui donnerait-elle pas une belle occasion pour faire pression sur la Turquie ? La France n’aurait-elle pas conclu un accord avec la Turquie sur le conflit syrien ? Elle pourrait peut-être profiter de l’assassinat pour faire accepter sa politique syrienne à ses interlocuteurs turcs ou arracher de nouveaux contrats commerciaux.
QUI EST OMER GUNEY ?
Que sait-on sur le principal suspect, Omer Guney ? Selon les medias turcs, Omer Guney aurait dit à son avocat, au cours du mois de février, qu’il n’a pas commis ces meurtres mais il détiendrait des preuves importantes sur les tueurs. Une question s’impose : s’il n’a rien fait dans cette affaire, comment est-ce possible qu’il détienne des preuves alors qu’il est emprisonné ?
Il a été arrêté en Hollande en décembre 2012, avec des dizaines de jeunes lors des « rencontres politiques de la jeunesse kurde ». Il était la seule personne qui avait un papier sur lui indiquant qu’il a été arrêté et relâché, selon des sources kurdes. C’est grâce à ce papier que la police française aurait su qu’il a été arrêté au Pays-Bas. Les kurdes qui ont été arrêtés dans ce pays ont tous été libérés par la justice hollandaise, dont certains d’entre eux sous contrôle judiciaire. Ces derniers doivent se présenter au commissariat pour prouver leur présence sur le sol hollandais.
Ces arrestations ne sont-elles pas en réalité une intervention de la police hollandaise pour empêcher un crime sur son sol ? Peut-être qu’Omer Guney s’apprêtait à mettre en œuvre "son projet d’assassinat" pendant les « rencontres de la jeunesse kurde » aux Pays-Bas. La France a-t-elle surveillé Omer Guney après cette opération ? Peut-on conclure que les pays européens ont fermé les yeux sur l’assassinat de trois militantes ?
UN HOMME ETRANGE DEBARQUE A PARIS
Un jour avant l’assassinat, le 8 janvier, un homme étrange débarque à Paris de Londres. Il s’appelle Adnan Gurbuz, un ancien responsable local du parti ultranationaliste MHP à Istanbul. En juin 2011, cet homme obscur avait été interpellé à Istanbul lors d’une opération contre une bande organisée qui agissait au nom du JITEM, une organisation secrète de l’Etat Turc, responsable de nombreuses exécutions extrajudiciaires. Adnan Gurbuz est également accusé de trafic de drogue et d’êtres humains. Ouvertement anti kurde, il voyage souvent entre Allemagne, Angleterre et Belgique. Deux jours plus tard, le 10 janvier, soit un jour après l’assassinat, il part à Calais, puis en Angleterre dans un bateau. Pourquoi était-il en France et a-t-il rencontré Omer Guney ?
Rappelons qu’Adnan Gurbuz et Omer Güney sont tous deux originaires de la même ville, Sarikisla, dans la région de Sivas.
Selon le colocataire d’Omer Guney, le suspect avait quatre téléphones portables de plus sur lui. _ Les enquêteurs ont-ils vérifié toutes ses conversations téléphoniques ?
PLUSIEURS SEJOURS SUSPECTS EN TURQUIE
En outre, Omer Guney aurait effectué plus de dix séjours en Turquie au cours d’un an. Une dernière visite aurait été effectuée en décembre pour un séjour de trois jours à Ankara dans un hôtel du centre-ville, soit quelques semaines avant l’assassinat des trois militantes kurdes.
Avant d’arriver à Paris et de se rapprocher de la communauté kurde, il vivait en Allemagne. Les autorités françaises mènent-t-elles une enquête au niveau européen pour en savoir plus ? On sait que, lorsqu’il s’agit des activités politiques et culturelles de la communauté kurde, les autorités françaises n’hésitent pas à mener des opérations au niveau européen, en collaboration avec les autorités espagnoles, allemandes ou turques.
Pourquoi la police française n’interroge-t-elle pas Murat Sahin, qui a avoué être un agent des services secrets turcs ? Vivant en Suisse, il a récemment affirmé aux medias kurdes qu’Omer Guney était aussi un agent turc. Murat Sahin dit en outre qu’il est prêt à témoigner.
LA FRANCE DOIT RENDRE LA JUSTICE
Depuis le jour de l’assassinat, les femmes kurdes manifestent chaque mercredi devant le centre d’information du Kurdistan pour demander la justice. Rendre la justice serait la moindre des choses pour le gouvernement français afin d’alléger le poids de ses lourdes responsabilités envers ce peuple et la lutte des femmes.
Maxime Azadi
Voir aussi entre autres :
Mille babords article 22596
Appel commun et dossier.
Marche blanche le 9 février à Marseille jusqu’au Vieux Port pour ROJBIN , SAKINE , LEYLA ,
miltantes kurdes assassinées à Paris
Aucun progrès dans l’enquête sur ces assassinats , mais arrestation en France le 12 février de quinze Kurdes pour faire plaisir aux autorités turques qui commanditent probablement les meurtres.
Assez de répression.
10.03.2013
Pourquoi la France sacrifie-t-elle toujours les kurdes ?
Depuis la révolution française de 1789, il est un courant de la vie politique française, qui refuse de faire face à son passé et à ses sales pratiques exportées à l’étranger. La France a connu cinq Républiques et, malgré sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité », la classe dominante a toujours eu des relations coupables avec les régimes dictatoriaux du monde.
Si un courant démocratique profond a permis d’accueillir des réfugiés politiques ainsi que des communautés opprimées sur son sol, ce qui a prévalu en dernière instance, c’est la permanence de ses intérêts économiques et stratégiques conduisant à des connivences avec les pires régimes répressifs. Les relations qu’elle entretient avec les kurdes en est une parfaite illustration. Ne porte-t-elle pas sa part de responsabilité notamment avec les traités de paix de la première guerre mondiale sacrifiant un peuple sur les intérêts de la rapine impérialiste ?
LA GUERRE DE PARTAGE
A la fin de la première guerre mondiale (1914-1918), quatre empires se sont écroulées : ceux d’Allemagne, de Russie, d’Autriche-Hongrie et Ottoman. Ce dernier a disparu, laissant sa place à la république de Turquie, construite, entre autre, sur le génocide arménien et la négation de toute autre culture et ethnie. Les deux puissances coloniales victorieuses, le Royaume-Uni et la France, ont joué un rôle déterminant lors de ce partage.
Le Kurdistan, pays des Kurdes, a été partagé entre de nouveaux Etats artificiels issus du Traité de Lausanne de 1923, signé par les belligérants.
LE MANDAT FRANÇAIS EN SYRIE ET LES KURDES
Lors de la signature de ce traité, la Syrie était administrée par la France sous un régime de mandat (de 1920 à 1946). L’implication de la France dans la région est donc ancienne et son histoire passée rencontre aussi celle des kurdes syriens. Depuis peu, elle entend faire un retour sur la scène régionale en intervenant dans la crise syrienne. Sous le motif légitime de lutte contre l’odieux régime de Bachar El Assad, elle apporte son soutien à une coalition hétéroclite dont l’ambition n’est surement pas de faire prévaloir les valeurs de justice et de démocratie dans la région, d’autant qu’elle est soutenue par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Si elle se prévaut des droits de l’Homme aujourd’hui, elle a été bien silencieuse lorsque le régime baasiste opprimait les kurdes syriens et fait bien peu de cas de leur avenir.
LA FRANCE A SOUTENU SADDAM QUAND IL MASSACRAIT LES KURDES
Que dire du soutien constant à Saddam Hussein pendant les longues années de la guerre Froide. En 1980, La France lui a apporté son appui actif dans le conflit face à l’Iran en livrant massivement des armes conventionnelles. Des suspicions d’aide, à partir de 1974, pour doter le régime de l’arme atomique sont corroborées par de nombreux éléments.
En mars 1988, alors que les bombes chimiques pleuvent sur les kurdes à Halabdja, massacrant plus de cinq mille personnes, la France, faussement prudente, manifeste son « inquiétude ». Or, la France est signataire du protocole de Genève de 1925 prohibant l’usage des armes chimiques et bactériologiques.
Que valent toutes les belles formules d’intention, lorsque confrontés à des choix cruciaux, la Sous-commission des droits de l’homme de l’ONU décide par 11 voix contre 8 de ne pas blâmer l’Irak. Durant ces années de guerre entre l’Irak et l’Iran (1980-1988), plus de deux cent mille kurdes ont été massacrés par Saddam qui menait une campagne génocidaire sans être inquiété. La voix de la France s’est encore faite complice.
Quels crimes ont donc commis les kurdes envers la France pour mériter un tel traitement indigne ?
COOPERATION DE LA FRANCE AVEC LA TURQUIE CONTRE LE PKK
Vers la fin des années 1970, un puissant mouvement populaire s’est constitué autour du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) pour redonner leur dignité aux kurdes.
Avec constance, la France n’a pas fait le choix de ce mouvement émancipateur mais a privilégié le soutien aux dictateurs successifs de la Turquie, alliés des Etats Unis et membre de l’OTAN. Les contradictions de la politique française émergent à nouveau. Héritière d’une tradition démocratique, elle accueille chaque année des milliers de réfugiés politiques dont les kurdes. En revanche, les gouvernements successifs n’hésitent pas à les sacrifier sur l’autel de ses relations avec la Turquie. Pire encore, les kurdes et leurs organisations font l’objet d’arrestations et d’interdictions étouffant l’expression de leurs revendications démocratiques.
LE PREMIER PAYS QUI INTERDIT LE PKK
La plus grande opération policière de cette époque contre les kurdes a eu lieu en novembre 1993. Dix-sept associations et de nombreux domiciles appartenant à la communauté kurde ont été perquisitionnés par la police française qui a arrêté 110 personnes. De nombreux militants ont été emprisonnés pendant six mois. Le Centre d’Information du Kurdistan a été fermé. La France a été ainsi le premier pays interdisant les activités politiques du PKK. Le ministre de l’Intérieur de l’époque était Charles Pasqua, connu pour sa politique xénophobe. Le procès du PKK s’est achevé en 2001, avec l’acquittement de tous les prévenus. Quant à Pasqua, il n’en a pas fini avec plusieurs affaires politico-financières.
LA LIBERTE D’EXPRESSION DES KURDES BAFOUEE SUR LE SOL FRANÇAIS
Dans les années 2000, la répression a pris une nouvelle forme, touchant à la liberté d’expression. La première télévision kurde, créée en 1994, Medya TV, a été interdite en 2004 sur le sol français.
La deuxième plus grande opération policière visant la communauté kurde a eu lieu en 2007. Dix-huit militants kurdes ont été arrêtés en février dans le cadre d’une opération franco-belge, menée par les juges Thierry Fragnoli et Jean-Louis Bruguière. Le procès de ces personnes a débuté le 20 juin 2012 et prit fin en juillet. Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé le 2 novembre 2012 des peines avec sursis allant d’un an à 5 ans, à l’encontre de 17 kurdes jugés pour des faits liés au PKK et à relaxer le 18ème prévenu. En revanche, le tribunal a prononcé la dissolution du centre culturel kurde.
UN ACCORD ANTI-KURDE
Les arrestations et les perquisitions se sont accélérées à partir de 2007, début de la présidence de Nicolas Sarkozy. Entre janvier 2007 et février 2013, près de 250 kurdes ont été arrêtés sur le sol français pour des motifs politiques. Adem Uzun, membre du conseil exécutif du Congrès National du Kurdistan (KNK), basé à Bruxelles est en prison depuis octobre 2012 alors que le socialiste, Jean Marc Ayrault est devenu premier ministre.
Le 12 février 2012, dix-sept autres kurdes ont été arrêtés à Bordeaux et à Toulouse, au moment où le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius recevait à Paris son homologue turc, Ahmet Davutoglu. Comparus devant un tribunal de Paris, onze kurdes ont été mis en examen pour « association malfaiteur avec une entreprise terroriste » et « financement de terrorisme ». Parmi eux, sept ont été placés en détention et quatre ont été libérés sous surveillance judiciaire.
C’est au moment où la répression prenait une tournure violente, à Ankara, à l’égard des journalistes, étudiants, élus, défenseurs des droits humains, intellectuels et enfants que l’ancien ministre de l’intérieur français, C. Guéant, signe en octobre 2011 un vaste accord sécuritaire avec le gouvernement d’Erdogan. Il permet aux forces de sécurité turques et françaises de mener une lutte commune sur le terrain contre les militants de la cause kurde.
Xénophobe dans ses discours, Claude Guéant a fait l’objet d’une plainte pour incitation à la discrimination en 2011, partageant ainsi le sort de Pasqua.
Le même Guéant réapparaissait juste après l’assassinat de trois militantes kurdes dont la co-fondatrice du PKK, Sakine Cansiz, pour blanchir la Turquie. « Je suis à peu près certain que les services turcs ne sont pour rien dans cette affaire », disait-t-il sur i-Télé.
En Aout 2012, cet accord a été déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale par L. Fabius, ministre des Affaires étrangères socialiste. La commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale devait examiner le 26 février le projet de loi, mais la réunion a été annulée, après une intense campagne de sensibilisation.
L’ASSASSINAT DE TROIS MILITANTES KURDES
Alors que la communauté kurde attendait l’annulation de l’accord sécuritaire avec la Turquie et la cessation des arrestations après l’arrivée au pouvoir des socialistes, l’assassinat de trois femmes kurdes a été la pire attaque visant cette communauté sur le sol français, dans le Centre d’Information du Kurdistan (CIK), près de Gare du Nord, surveillé par les services français et turcs.
Neuf procès de masse contre les kurdes sont toujours en cours en France. Plusieurs personnes ont vu leurs photos prises à l’entrée ou sortie du Centre d’Information du Kurdistan durant leur garde à vue. Les activités politiques et culturelles de la communauté kurde en France sont surveillées. Les conversations téléphoniques des militants kurdes sont écoutées. On sait que les autorités françaises partagent avec la Turquie les informations recueillies concernant les militants kurdes, qu’ils soient réfugiés politiques ou citoyens français.
Une telle attitude de la France encourage les pires exactions. Il n’y a pour la France aucune collaboration possible avec le gouvernement AKP, parti au pouvoir en Turquie, qui a transformé le pays en prison à ciel ouvert. La France se doit de protéger les militants kurdes sur son territoire, arrêter les assassins du triple crime et surtout débusquer les commanditaires. Elle en a les moyens. En a-t-elle la volonté ?
LA FRANCE DOIT CHANGER SON APPROCHE
Malgré son soutien ouvert aux régimes répressifs et les arrestations sur son sol visant la communauté kurde, ni le PKK, ni le peuple kurde dans son ensemble, n’ont conduit des action contre les intérêts de la France.
La France a une lourde responsabilité dans la non-résolution de la question kurde. Avec ses pratiques immorales et sa collaboration avec les oppresseurs, elle trahit sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». En posant sa signature pour le partage du Kurdistan, elle a au moins une responsabilité morale envers ce peuple.
Il faut souligner que, l’appel à une solution politique et pacifique du peuple kurde n’a jamais eu un véritable soutien de la France et de l’Union Européenne. Aujourd’hui, la France devrait se saisir des négociations ouvertes, pour agir positivement en faveur d’une solution du problème kurde. Cela passe par la garantie de la sécurité des militants kurdes sur son territoire. Le retrait du PKK de la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne et la demande de libération d’A. Ocalan. Elle se doit d’être intransigeante sur toutes les atteintes aux droits de l’Homme au Kurdistan et exiger la libération de tous les prisonniers politiques.
Il est clair que les kurdes n’ont aucun problème avec la France mais, si ce pays continue de rester sur sa position devant la liberté du peuple kurde, elle peut affecter les futures relations. La France joue un rôle extrêmement négatif en Turquie et en Syrie contre les revendications légitimes de ce peuple ancien, en soutenant les groupes armés qui recourent aux mêmes pratiques du régime de Bachar Al-Assad.
Rien ne peut aujourd’hui arrêter la marche des kurdes en vue gagner leur statut au Moyen-Orient. De ce point de vue, la France doit arrêter de collaborer avec la Turquie et les groupes armés qui n’hésitent pas à attaquer les kurdes syriens depuis la Turquie, et doit adopter une nouvelle approche de la question kurde. Car la véritable révolution est en marche au Kurdistan.
Par Maxime Azadi
10.03.2013
« La gestion démocratique des foules » ? Qu’en termes galants ces choses là sont dites...
"Gestion démocratique des foules" est une jolie expression qu’on trouve dans le projet de loi "autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie."
Pour autant, ni dans l’accord signé le 7 octobre 2011, ni dans le projet de loi, ni dans l’étude d’impact, on trouve quelles précisions que se soient sur son contenu, si ce n’est que cette "gestion démocratique des foules" constitue l’un des 18 domaines de coopération figurant dans ces accords de coopération de sécurité intérieure, et ce, à la demande du gouvernement de la Turquie.
Il y a, pour le moins, abus de langage : il s’agit sans doute de la maîtrise d’événements en rapport avec des mouvements de foule. Comme on le voit, il n’y a rien de "démocratique" dans cette gestion vue essentiellement sous l’angle technique et opérationnel comme il est dit dans l’article premier de l’accord de coopération : « les parties mènent une coopération technique et opérationnelle en matière de sécurité intérieure et s’accordent mutuelle assistance dans les domaines suivants » avec en premier lieu la lutte contre le terrorisme et le financement des activités afférentes.
Ordre républicain et libertés républicaines
Il est bien sûr du devoir des forces de sécurité d’assurer l’ordre républicain et de protéger les biens et les personnes. Nul ne le conteste. Personne ne conteste non plus la nécessité pour les forces de police ou de gendarmerie de bénéficier d’une formation pour exercer un métier dont on ne peut ignorer les difficultés. Mais l’ordre républicain doit se faire dans le respect des libertés publiques qui garantissent, notamment, en l’espèce, le droit de grève, le droit de manifester, le droit de militer pour une alternance politique à la tête de l’Etat ou pour la reconnaissance de droits nouveaux, culturels, linguistiques, sociétaux, politiques. L’usage de la force dans les opérations de maintien de l’ordre ne doit pas être disproportionné aux risques de désordre, dit-on, mais les démocraties n’offrent-elles pas des moyens non-violents de règlement des conflits politiques, en commençant, bien en amont, par respecter les forces politiques d’opposition, les organisations syndicales, les associations et autres formes de la société civile ? _ Il n’a échappé à personne que les grandes manifestations, encadrées par des services d’ordre responsables, se passent le plus souvent sans incidents majeurs. Ce n’est pas le cas en Turquie et on peut craindre que les préoccupations soient tout autres, crainte que confirme d’ailleurs l’étude d’impact annexée au projet de loi : « la signature de ce texte a donc pour principal objectif d’officialiser des échanges déjà réguliers entre les différents services de police. L’échange portera sur des méthodes de travail, des stratégies de lutte contre la criminalité, des analyses des phénomènes criminels, des échanges de bonnes pratiques ».
On peut donc s’étonner qu’un pays démocratique comme la France accepte un tel accord avec un pays qui réprime durement le droit de manifester et qui se signale par des arrestations massives, suivies d’incarcérations de longues durées de manifestants, quels que soient que leur âge, leur sexe ou leur condition sociale.
Gouvernement turc dans l’impasse
On peut s’en étonner d’autant plus qu’un pays démocratique comme la France pourrait proposer d’autres formes de coopération dont la Turquie à grand besoin pour régler la question kurde, « un des dossiers récurrents qui plombe la vie politique de la Turquie contemporaine » d’après Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS (’Institut de Relations Internationales et Stratégiques), spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient :
« l’actualité de ces derniers mois a montré un rétrécissement du champ des libertés individuelles et collectives en Turquie principalement justifié par la nécessaire lutte contre le terrorisme, qui est toutefois dénaturée par l’interprétation abusive des dispositions de la loi anti-terroriste de 2006. En effet, la multiplication des emprisonnements qui en découle ne fait que confirmer et renforcer l’impasse dans laquelle se trouve le gouvernement turc face au défi kurde. Ainsi cette question est plus que jamais la plaque sensible du processus de démocratisation en Turquie. »
Même la presse turque pose la question de la nécessité de changer de ton et de faire preuve de discernement dans l’utilisation du qualificatif "terroriste" : « en Turquie, il serait utile de modérer les appellations accolées au PKK afin de ne pas se réfugier dans une posture qui empêche l’ouverture d’un dialogue politique » dit notamment Kadri Gürsel, éditorialiste du quotidien turc de centre gauche Milliyet, qui reconnaît que le KCK (Union des Communautés du Kurdistan), les maquisards du PKK et Abdullah Öcalan sont des interlocuteurs incontournables pour arriver à une solution politique de la question kurde.
Une ouverture de négociations qui change la donne
La donne est changée avec l’ouverture de négociations entre le gouvernement turc, le BDP, parti légal pro kurde et animateur du KCK et Abdullah Öcalan, condamné à la prison à vie, leader incontesté qui a su bien avant les autres joindre au combat pour la libération du peuple kurde la lutte émancipatrice des femmes. Le gouvernement français serait bien inspiré de renoncer à faire voter une loi qui flatte les tendances répressives et sectaires d’un gouvernement au comportement schizophrénique qui, d’une part emprisonne à tout va et réclame même à la France l’extradition de Kurdes prétendus "terroristes" et d’autre part ouvre des négociations avec ceux-là mêmes qu’il considère encore comme de dangereux terroristes. Le ministre français des Affaires étrangères devrait encourager le dialogue en conseillant la voie de la réconciliation, qui passe par des gestes forts comme celui de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes. La preuve a été faite moultes fois que le Parti des Travailleurs du Kurdistan, le PKK, qui certes conserve pour l’instant une branche armée, n’a rien à voir, quant aux buts et aux méthodes, avec des groupes djihadistes ou des bandes armées salafistes et qu’il n’a pas sa place dans une liste constituée à partir de critères politiques partisans et conjoncturels.
Il serait temps que la France arrête sa politique répressive
Il serait temps que la France arrête sa politique répressive en poursuivant de sa vindicte des militants kurdes au motif qu’ils appartiendraient à une organisation terroriste.
Le 12 février dernier, dix-sept militants kurdes étaient interpellés à Bordeaux et à Toulouse, onze étaient mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme et tentatives d’extorsion. Sept d’entre eux sont toujours incarcérés.
Du 11 au 27 mars s’est tenu à Paris un procès en appel de 17 responsables kurdes pour des faits remontant aux années 2000-2007 et jugés en novembre 2011. Au cours des audiences, les avocats avaient démontré à quel point ces arrestations se faisaient, malgré des dossiers vides, en complicité avec la Turquie. Le verdict avait été considéré comme un verdict d’apaisement tant il apparaissait difficile, même pour un tribunal indépendant du pouvoir politique, d’aller jusqu’au bout d’une logique d’acquittement sans déclencher, tant que le PKK sera considéré comme une organisation terroriste, l’appel du parquet soumis hiérarchiquement au ministère de la Justice. Nous nous posions donc la question de savoir si le parquet irait au devant des souhaits du gouvernement français, qui venait de signer l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure. Nous avons aujourd’hui la réponse : le parquet a fait appel et le verdict tombera le 23 avril prochain.
André Métayer
Amitiés kurdes de Bretagne
24 février 2013
Un dangereux projet de loi devant le parlement français
Un dangereux projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération anti-Kurdes entre la France et la Turquie est soumis au Parlement. Plusieurs organisations de la société civile et le PCF ont demandé aux députés de voter le rejet de ce texte.
Dans une lettre adressée aux députés français, La Coordination National Solidarité Kurdistan attire l’attention sur les dangers qu’apporte le texte soumis au parlement, le 1er aout 2012, par le gouvernement socialiste. Cet accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure les deux pays a été signé à Ankara le 7 octobre 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il s’agit d’un accord qui permet aux forces de sécurité turques et françaises de mener une lutte commune sur le terrain contre les militants de la cause kurde.
"Monsieur le député,
Vous allez examiner en commission des affaires étrangères, ce mardi 26 février, le projet de loi du 1er août 2012 autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure signé entre la France et la Turquie le 7 octobre 2011.
Celui-ci a pour but de renforcer la coopération policière technique et opérationnelle en matière de lutte contre le terrorisme notamment. Cet accord s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales entre les deux pays entamé par Monsieur Guéant et renforcé par Monsieur Fabius, lesquels ont tous deux clairement visé, dans leurs discours successifs, le renforcement de l’aide à la Turquie dans sa lutte contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Nous attirons votre attention sur le danger que représente cet accord au regard du respect des droits fondamentaux protégés par les standards internationaux, et vous demandons de rejeter ce projet de loi.
Sur la définition des actes de terrorisme visés :
Cet accord ne donne aucune définition du terrorisme ni ne liste quels actes seront considérés comme terroristes et donc susceptibles d’entrer dans le champ de cette coopération. Or, il n’existe aucune définition internationale du terrorisme, et la Turquie en a adopté une définition si large, si attentatoire aux libertés fondamentales et contraire aux standards internationaux que les organes du Conseil de l’Europe, des Nations-Unies et les ONG indépendantes l’ont condamnée à de nombreuses reprises et appellent cette dernière à procéder à des réformes urgentes (voir notamment le rapport du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe du 10 janvier 2012 et le rapport de l’Observatoire FIDH- OMCT pour la protection des droits de l’Homme de mai 2012) . _ La Cour européenne des droits de l’Homme a également condamné la Turquie à maintes reprises pour violation du droit à la liberté d’expression. Le Conseil d’Etat a de son côté annulé l’inscription de la Turquie sur la liste des pays sûrs de l’OFPRA le 23 juillet 2010 au regard « des violations dont sont souvent victimes les ressortissants turcs d’origine kurde ainsi que des limitations à la liberté d’expression en vigueur en Turquie ».
La définition du terrorisme dans le code pénal turc et la loi anti-terroriste (LAT) de 1991 est si vague et large, et son interprétation par les juges turcs si extensive, qu’elle a permis de criminaliser les activités pacifiques et légitimes de défenseurs des droits humains / membres des ONG, mais également de journalistes, syndicalistes, avocats, enseignants, universitaires, écrivains, éditeurs etc. Ces dernières années et en particulier ces derniers mois, des centaines d’entre eux ont ainsi été condamnés, sous couvert de terrorisme, à de lourdes peines de prison pour de simples délits d’opinion, ou la seule participation à des manifestations. C’est ainsi que Sevil Sevimli, étudiante franco-turque, a été condamnée le 13 février 2013 à 5 ans de prison pour propagande en faveur d’un mouvement terroriste d’extrême gauche, pour avoir détenu « Le Capital de Marx » et participé à deux manifestations autorisées (dont le 1er mai). De nombreux responsables politiques, parlementaires et maires du BDP ont par ailleurs été jetés en prison en raison de leurs simples propos sur la question kurde. De nombreux avocats du leader du PKK Ocalan et d’hommes politiques kurdes sont eux-mêmes poursuivis pour terrorisme, assimilés à l’incrimination de ceux qu’ils défendent. Citons enfin le cas de la sociologue Pinar Selek, rejugée après plusieurs acquittements et finalement condamnée à perpétuité le 24 janvier 2013 pour « terrorisme » au terme d’un procès des plus discutables. Cette vague de répression rendue possible par des textes liberticides a été dénoncée par de nombreux observateurs indépendants.
La loi anti-terroriste (LAT) vise principalement, dans les faits, les Turcs d’origine kurde, mais également l’extrême gauche turque, et les citoyens exprimant de la sympathie pour leur cause. Elle permet, avec le code pénal turc, de nombreuses poursuites judiciaires réduisant à néant la liberté d’expression concernant la question kurde. Le seul fait de soutenir les droits de la minorité kurde et de dénoncer les violations des droits humains commises par l’Etat est assimilé à du soutien à une organisation terroriste (PKK) voire considéré comme une preuve d’appartenance à ce dernier. Le simple fait de parler publiquement de « Monsieur Ocalan », leader kurde du PKK, est considéré comme l’éloge d’un criminel, fait punissable en vertu de l’art. 215 du Code pénal. Le rapport de l’Observatoire FIDH-OMCT rappelle que le cadre juridique turc actuel ne fait pas de distinction entre un combattant armé du PKK et un militant civil appelant à la résolution pacifique du conflit, et que la justice est utilisée comme une arme pour réprimer, intimider et punir les défenseurs des droits humains agissant de manière pacifique, à travers des procès violant de manière patente le droit au procès équitable.
Compte tenu de ces pratiques inacceptables, s’engager dans une coopération policière avec la Turquie est indigne d’un Etat attaché au respect des droits et libertés fondamentaux. A minima cet accord aurait-il dû exclure les infractions de nature politique, délits d’opinion etc., que la Turquie assimile souvent, en pratique, à des infractions terroristes.
Sur l’échange des données à caractère personnel :
L’accord prévoit l’échange d’informations entre les deux Etats. Selon l’étude d’impact, l’accord ne concerne pas l’échange de données à caractère personnel. Toutefois, ceci n’est à aucun moment précisé dans le texte même de l’accord, et la coopération prévue par exemple dans les articles 5 et 10 de l’accord nécessite l’échange d’informations sur des personnes. Ceci est inacceptable vu les pratiques évoquées plus haut ; cet échange d’informations pourrait avoir des conséquences graves dans les deux pays et favoriser des poursuites judiciaires ou demandes d’extradition de citoyens turcs considérés comme terroristes par la Turquie sur la base d’une loi anti-terroriste contestable.
Sur la « gestion démocratique des foules » visée :
Par ailleurs, la Turquie a tenu à ajouter dans l’accord une coopération policière en matière de « gestion démocratique des foules ». Aucune définition n’est donnée de ce terme, mais compte tenu des restrictions habituelles au droit de manifester en Turquie et de la répression fréquente des manifestations (par la violence ainsi que par des arrestations et peines de prison), une coopération policière en ce domaine n’honore pas la France.
En conclusion :
Toutes les instances relatives aux droits humains s’accordent à dire que la conception turque du terrorisme et de la sécurité intérieure entre en conflit avec les standards internationaux en matière de protection des droits fondamentaux. Il est donc fondamentalement contradictoire et inacceptable de condamner ces pratiques et d’appeler à des réformes urgentes, via par exemple le Conseil de l’Europe et l’ONU d’un côté, et de l’autre, dans le même temps, de signer un accord de coopération policière portant sur le domaine litigieux !
La France, profondément attachée aux droits de l’Homme, ne doit pas, par cet accord de coopération policière, sacrifier les libertés fondamentales en raison des importantes négociations économiques qui sont en cours avec son partenaire turc.
Rappelons également que cet accord, s’il était autorisé par le Parlement, prendrait effet dans un contexte particulièrement sensible et troublant, soit peu de temps après l’assassinat politique à Paris, le 9 janvier dernier, de trois militantes kurdes, et avant que la lumière ne soit faite sur le ou les auteurs et commanditaires. Il reste pourtant à déterminer par une enquête diligente et impartiale si l’une ou l’autre des composantes de l’Etat turc est en cause ou non.
Au regard de tous ces éléments, nous vous demandons instamment de voter le rejet de ce texte. A titre subsidiaire, nous vous demandons d’obtenir au moins son ajournement.
Signataires
Amis du Peuple Kurde en Alsace - Amitiés Corse Kurdistan - Amitiés Kurdes de Bretagne (AKB) - Association Iséroise des Amis des Kurdes (AIAK) - Centre d’Information du Kurdistan (CIK) - Fédération des Associations Kurdes en France (FEYKA) - Hauts-de-Seine Kurdistan - Mouvement de la Paix - MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) - Parti Communiste Français (PCF) - Solidarité et Liberté (Marseille) – Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Montpellier
23 février 2013
Accords franco-turcs : un cache-sexe pour une hypocrite politique anti-kurde
La lutte anti-terroriste, aussi légitime soit-elle, permet de cacher bien des turpitudes et autres lâchetés et rend nauséabonds les nécessaires rapports diplomatiques entre la France et la Turquie. Nous ne pouvons nous contenter d’un hochement de tête, aussi compréhensif que fataliste, accompagné d’un commentaire souvent inaudible sur la « complexité de la Realpolitik » entre les deux Etats. Nous applaudissons, certes, quand la diplomatie française s’efforce d’avoir des relations plus apaisées, plus positives avec la Turquie et se propose de lui apporter son soutien dans les négociations d’adhésion à l’Union européenne. On souhaiterait même croire le porte-parole du Quai d’Orsay, Philippe Lalliot, quand il dit que la France « attend de la Turquie qu’elle s’engage de son côté à contribuer concrètement à cette dynamique », non seulement en assouplissant sa position intransigeante vis-à-vis de Chypre, mais aussi en reconsidérant certaines lois antiterroristes, considérées comme liberticides. On aimerait aussi croire que la Turquie s’engage dans cette voie, mais les faits sont là qui nous montrent au contraire sa volonté d’imposer sa vision sécuritaire. Avec les accords franco-turcs sur la lutte contre le terrorisme, elle a compris qu’elle peut obtenir beaucoup plus d’un pays qui n’hésite pas à sacrifier ses idéaux à des retombées économiques et stratégiques à court terme. On attendait d’un ministre français socialiste une autre vision politique à plus long terme qui aurait forcé le respect. La Commission des Affaires étrangères doit examiner le 26 février prochain à 17 heures, le texte de cet accord franco-turc avant qu’il ne soit soumis au vote du Parlement. Nous attendons un sursaut.
Sevil Sevimli est rentrée au pays après avoir payé une rançon de dix mille livres turques
Sevil, l’étudiante lyonnaise franco kurde, est rentrée en France. Nous nous réjouissons, avec sa famille, ses amis, le président de l’Université Lumière Lyon 2, le comité de soutien, de cet happy end, une demi-satisfaction pour tout ce mouvement de protestation et de solidarité mais un véritable camouflet pour la diplomatie française qui n’a pu éviter à Sevil dix mois de galère, trois mois d’incarcération suivis d’une interdiction à quitter le territoire, trois procès, et une condamnation à cinq ans et deux mois de prison ferme pour le crime de « propagande » en faveur d’un mouvement d’extrême-gauche. Le tribunal a accordé à Sevil, qui a fait appel de sa condamnation, une autorisation de sortie de territoire assortie d’une caution de 10 000 LT (4 250 euros). L’accusation, qui réclamait jusqu’à 32 ans d’emprisonnement, se fondait sur des motifs ahurissants comme une distribution de tract, une participation à un concert, ceux-là même qui valent pour des étudiants turcs des années de prison et une exclusion de l’université. Sevil n’oubliera pas ses amis - ils sont plus de 700 - incarcérés pour leur sympathie avec la cause kurde ou l’extrême-gauche. Elle leur a promis de continuer le combat, ce qui pourrait motiver une mesure de rétorsion sous forme d’une condamnation en appel. Que feront alors la justice et le gouvernement français quand la Turquie, au nom des accords sécuritaires signés par Claude Guéant 7 octobre 2011 et confirmés par Laurent Fabius le 1er août 2012, réclamera l’extradition de Sevil Sevimli ?
La Turquie va-t-elle réclamer l’extradition de Pinar Selek ?
Le cas de Pinar Selek est encore plus ahurissant. Cette sociologue contrainte de vivre en exil à Strasbourg est poursuivie par la justice turque pour un crime qu’elle n’a pas commis. Elle est accusée d’avoir participé à un attentat dont elle a été déjà acquittée à trois reprises, et - pour cause ! - il n’a jamais existé. Mais, à chaque fois, la Cour de Cassation a invalidé la décision. En fait on reproche à cette scientifique d’avoir refusé de donner à la police les noms de rebelles qu’elle avait rencontrés dans le cadre de ses recherches sur le conflit kurde. Placée en détention préventive en 1998, torturée, condamnée à la prison à vie, elle avait été libérée en 2000 après 36 mois d’emprisonnement. Le 24 janvier dernier, au cours d’une parodie de justice, la 12e Cour pénale du Tribunal d’Istanbul l’a condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité : « la Cour criminelle a assorti sa décision d’un mandat d’arrêt, ce qui ouvre la voie à une procédure d’extradition vers la Turquie » a précisé Me Martin Pradel, avocat et chargé de mission pour la Fédération internationale des Droits de l’Homme, et d’ajouter : « les juges ont condamné Pinar parce qu’on leur a dit de le faire, et non parce qu’ils pensent qu’elle est coupable ». Une demande d’asile politique est en cours mais, à la suite des accords sécuritaires Guéant/Fabius, le statut de réfugié politique sera-t-il suffisant pour faire échec à la procédure d’extradition ? Rien n’est moins sûr.
Après l’incarcération à Paris de militants kurdes, Ankara demande l’application des accords d’extradition
Le 12 février, à Paris, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, rencontrait son homologue turc, Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.
Le 12 février, à Bordeaux et à Toulouse, dix sept militants kurdes étaient interpellés dans le cadre d’une enquête confiée à la sous-direction antiterroriste (SDAT), onze étaient mis en examen, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », « financement du terrorisme » ou encore tentatives d’extorsion. Sept d’entre eux sont incarcérés et quatre placés sous contrôle judiciaire. Il n’est pas question pour nous de justifier quelques pratiques mafieuses ou quelques zèles intempestifs, si les faits sont avérés, mais cette concomitance devenue une insupportable habitude ponctuant les relations commerciales et diplomatiques entre les deux pays nous interpelle et nous fait craindre le pire.
Le Premier ministre turc n’a pas manqué de réclamer, dès jeudi, l’extradition vers la Turquie de ces « très dangereux terroristes » :
tant que ces terroristes ne (nous) seront pas remis, les pas effectués en ce moment n’ont aucun sens pour nous. Il y a entre nous des accords d’extradition, des accords de lutte en commun contre l’organisation terroriste [PKK]. Celle-ci a été officiellement admise comme une organisation terroriste, ce qui a conduit à l’ouverture de milliers de procès dans ces pays, mais il n’y a pas de résultats. Ce que nous voulons, ce sont des résultats.
Quels sont ces« très dangereux terroristes » ?
Les arrestations survenant opportunément au moment de rencontres diplomatiques, à Paris ou à Ankara, sont trop fréquentes pour ne pas être suspectes. Elles reposent, de plus, sur des faits de pratiques courantes et licites auxquelles on ne prête pas habituellement attention : quelle association, quel parti politique, quel syndicat, quelle fondation, quelle église, mosquée ou synagogue ne sollicite ses adhérents, ses sympathisants, mais aussi les entreprises, les commerçants, pour le financement de ses activités, sans pour autant de parler de collectes faites par la force ou l’intimidation, ou plus subtilement par une emprise psychologique ? Mais, précise-t-on, l’enquête préliminaire serait partie de deux plaintes qui ont été regroupées : il s’agirait de tentatives d’extorsion de fonds aux dépens d’artisans d’origine kurde. A ce sujet on peut observer qu’au cours d’affaires passées, ces plaintes n’ont été que prétextes pour ouvrir une instruction concernant l’emploi de fonds récoltés, et pour cause : les motifs sont souvent obscurs et peuvent recouvrir des différents familiaux (mariages « arrangés », divorces mal vécus) ou des difficultés économiques. Nous savons que des commerçants et des artisans, en délicatesse avec l’URSSAF ou le fisc, se sont vus proposer des « arrangements » en échange de « renseignements » assortis de « protections ». Mais l’essentiel n’est pas là : les enquêtes, menées exclusivement à charge, tentent à démontrer que les collectes servent à « financer le terrorisme » d’où l’accusation « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » ainsi dénommé le PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, une organisation politique dotée d’une branche armée (HPG), qui s’oppose les armes à la main, à l’armée turque. Les tribunaux s’efforcent à prouver que les sommes récoltées servent à financer la guérilla, ce qui est loin d’être démontré.
La France ne doit pas être complice
Dire que le PKK n’est pas une organisation terroriste n’est pas perçu comme une contribution au débat mais une déclaration militante donc forcément partisane, irréfléchie et un tantinet simpliste. Mais répéter mille et une fois par jour, comme le fait chaque dépêche de l’AFP, que le PKK est une organisation terroriste devient une évidence et une évidence, chacun le sait, n’a pas besoin d’être démontrée. De même il est rappelé à chaque occasion que les Etats–Unis et l’Union européenne ont inscrit le PKK sur leur liste des organisations terroristes mais on oublie de dire que ces listes n’ont aucun fondement juridique. Le projet de loi qui sera soumis au vote du Parlement vise à approuver un accord de coopération avec la Turquie dans le domaine de la sécurité intérieure censé lutter contre le terrorisme sans pour autant donner une quelconque définition du terrorisme. Or, la Turquie a une conception extrêmement extensive du terrorisme et de la sécurité de l’Etat, qui entre en conflit avec les standards internationaux en matière de protection des droits fondamentaux. Les tribunaux appliquent de manière très large la loi anti-terroriste turque de 1991 qui punit les crimes contre la sécurité de l’Etat. La vague définition du terrorisme et sa large interprétation par les juges turcs ont ainsi permis de criminaliser les activités pacifiques et légitimes de défenseurs des droits humains, membres des ONG, mais également des personnes agissant dans le cadre de leurs activités professionnelles ou de leurs mandats électifs pour la défense des droits humains : 10 000 députés, présidents de région, maires, élus locaux, journalistes, syndicalistes, avocats, universitaires, écrivains, éditeurs croupissent en prison, certains depuis près de 4 ans. Et la Turquie voudrait aussi faire taire ceux et celles qui s’expriment à partir des pays où la liberté d’expression, d’information et d’opinion existent encore. Certains ont payé de leur vie, comme notre amie Rojbin, abattue en plein Paris, tandis que d’autres sont incarcérés dans les prisons de la Santé, de Fresnes ou à Fleury-Mérogis et menacés d’extradition. La France ne doit pas s’engager dans cette voie.
André Métayer
Amitiés kurdes de Bretagne