Une tribune pour les luttes

Le mouvement syndical en Palestine

par José Perez - CCIPPP Haute-Normandie ( 5 avril 2005)

Article mis en ligne le dimanche 10 avril 2005

Un mouvement revendicatif se développe en Palestine. Impulsé notamment par des syndicalistes liés au DWRC et par les « comités de travailleurs », il a rassemblé plus de 10 000 travailleurs, avec ou sans emploi, lors de la manifestation du 12 mars dernier à Gaza.

Après la grande manifestation ouvrière du 12 mars 2005 à Gaza

Ils ont présenté au gouvernement et aux représentants du parlement un cahier revendicatif pour un ensemble d’exigences.

Ce cahier revendicatif réclame :

  • un salaire minimum garanti,
  • un plan d’urgence contre le chômage et la pauvreté,
  • la mise en place d’un système démocratique et égalitaire d’assurance maladie, maternité,
  • des allocations d’urgence pour les chômeurs,
  • et aussi des élections pour le renouvellement de la direction du mouvement syndical.

(voir détail dans le texte ci-dessous).

Un grand sit-in a été organisé devant le conseil consultatif palestinien. Il a été suspendu après une rencontre avec les représentants du parlement mais les organisateurs envisageaient de reprendre le mouvement après le 7 avril et de l’étendre à la Cisjordanie.

Mohamed Dahman, qui faisait partie de la délégation des dix syndicalistes invités en novembre dernier en France, en est un des principaux animateurs. Mohamed Dahman, président du Syndicat PGFTU des services publics de Gaza est aussi un militant du DWRC et l’un des animateurs de la campagne pour la préparation d’un congrès démocratique du mouvement syndical palestinien.
Poussée démocratique et clivages au sein du mouvement syndical

Après l’arrivée de Sharon au Pouvoir, la capacité d’initiative de la direction du syndicat palestinien PGFTU (Palestinian General Union of Trade Unions) avait été considérablement affaiblie par la brutalité de l’occupation israélienne. l’Etat d’Israël avait décrété la fermeture totale des territoires occupés. Les très nombreux travailleurs palestiniens travaillant autrefois en tant que « journaliers » dans les entreprises israéliennes se sont retrouvés au chômage. Au sein même des territoires, la vie économique a été considérablement ralentie par le bouclage, les check-points et la construction du mur. La grande majorité des entreprises sont de très petite taille (5 salariés). Très peu de multinationales (mise à part Coca Cola qui emploie 900 salariés) ont fait le choix d’investir dans les territoires occupés.

L’appareil du syndicat PGFTU n’a pu se maintenir qu’au prix d’une dépendance de plus en plus forte envers l’Autorité palestinienne, elle-même profondément affaiblie par l’occupation militaire israélienne (rappelons que Sharon avait fait de Yasser Arafat, assiégé à la Moquata, le seul président démocratiquement élu prisonnier dans son propre pays !).

La résistance démocratique de la base

Mais avec la seconde Intifada, le peuple a dû, pour survivre, transformer chaque moment de la vie quotidienne en acte de résistance : passer les barrages pour étudier, réparer les installations électriques après les bombardements ou les télécommunications sous les tirs des colons ou de l’armée, soigner les malades et les blessés malgré le couvre-feu, etc. Tous ces actes quotidiens et vitaux nécessitent un véritable engagement militant, héroïque parfois, de chacun des citoyens au travail. Ces formes de résistance , par la force des choses, « basistes » et « transversales » ont contribué à développer parmi les hommes et les femmes au travail une aspiration à plus de démocratie et plus d’autonomie.

De nombreuses luttes ouvrières se sont produites ces dernières années. Elles ont été impulsées, soit par des comités de travailleurs autonomes comme ce fut le cas durant la longue grève des travailleurs des carrières de pierres de la région de Bethléem, soit par des syndicats indépendants nouvellement créés comme le syndicat national des territoriaux (travailleurs des municipalités), soit par des syndicats affiliés à la PGFTU s’étant dotés d’un réel fonctionnement démocratique et fédéral (par exemple le syndicat PGFTU des Télécoms ou celui des services publics à Gaza).

Si certains syndicats de la PGFTU étaient plus ou moins désactivés, d’autres, comme la fédération des telécoms ou celle des services publics de Gaza, ont réclamé que des élections démocratiques aient lieu, à tous les niveaux dans l’organisation syndicale. En effet, lors de la fondation de la PGFTU en mars 1990, un comité provisoire exécutif avait été formé, sans consultation de la base, par une simple entente au sommet entre les différents courants de la résistance palestinienne. Un congrès démocratique devait suivre mais il n’a jamais eu lieu.

La PGFTU et le DWRC

Le Centre pour la démocratie et les droit des travailleurs (DWRC) n’est pas une organisation syndicale concurrente de la PGFTU. C’est une ONG créée en 1994 qui travaille à la formation syndicale et juridique des salariés (connaissance du droit au travail, négociations des contrats sociaux, éducation pour l’action et la démocratie syndicale). Il a ainsi contribué à la réactivation de l’activité indépendante et démocratique du syndicalisme palestinien.

Ce renouveau démocratique s’étend bien au-delà du mouvement syndical et s’exprime aussi dans de nombreuses ONG de l’éducation, dans le secteur agricole avec le PARC ainsi que dans la mobilisation des villages contre la construction du mur de l’apartheid.

Une personnalité comme Mustafa Barghouthi, responsable de l’UPMRC, s’est même présentée aux élections présidentielles sur un programme liant la lutte contre l’occupation coloniale à des objectifs clairement sociaux, démocratiques et progressistes. Il a obtenu plus de 20% des voix aux présidentielles.

Tout ceci exprime, certes, les contradictions de la société palestinienne mais aussi la vitalité de sa démocratie. Le mouvement ouvrier a une longue histoire en Palestine. Depuis le début du vingtième siècle, les travailleurs ont souvent joué un rôle moteur dans la formation du mouvement de libération nationale qui s’est réclamé jusqu’à aujourd’hui du pluralisme et de la laïcité, à la différence de la plupart des pays du monde arabe.

Cette vitalité de la démocratie palestinienne ne doit pas fléchir. Il est essentiel que les difficultés et les revendications du peuple palestinien puissent s’exprimer comme ce fut le cas le 12 mars à Gaza. Le développement d’un large mouvement social et démocratique pourra seul éviter que la terreur, le fanatisme ou le désespoir deviennent l’unique alternative au pouvoir de l’Autorité palestinienne, qui risque d’être de plus en plus paralysée par la pression conjuguée des politiques de Bush et Sharon dans la région.

Les contradictions au sein du mouvement syndical et les perspectives unitaires.

Malheureusement, ce qui stimule à la base le renouveau démocratique du syndicalisme semble provoquer au sein de la direction officielle de la PGFTU un raidissement. Certains dirigeants syndicaux ont aussi des fonctions ministérielles. Une inquiétude serait ressentie devant la montée du mouvement syndical qui s’est imposé dans la rue le 12 mars à Gaza et qui pourrait s’étendre au reste de la Cisjordanie.

Mohamed Dahman et les dirigeants de la manifestation du 12 mars à Gaza ainsi que d’autres personnalités de la gauche palestinienne comme Mustafa Barghouthi sont mis en cause. La mobilisation impulsée par la Fédération des Comités de Travailleurs Indépendants et les syndicats liés au DWRC n’en est pas moins l’une des expressions les plus concrètes du combat quotidien de résistance populaire à l’occupation israélienne.

Ayons la conviction que l’ensemble des forces du mouvement syndical palestinien sortira renforcé de cette expérience, par le refus des anathèmes et du sectarisme au profit de la démocratie et de la défense commune des revendications des travailleurs.

José Perez

CCIPPP Haute-Normandie

Source : http://www.protection-palestine.org

(merci à Résister de nous avoir communiqué cet article)

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