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BASTA !

Retrait des pesticides néonicotinoïdes : une mesure urgente !

William Élie & Olivier Gervais, les Amis de la Confédération paysanne

Article mis en ligne le vendredi 14 juin 2013

http://www.bastamag.net/article3120.html

13 juin 2013

Le retrait du marché des insecticides « néonicotinoïdes », qui contribuent à la surmortalité des abeilles, risquent de prendre du temps. En attendant, les plantes mutées, contenant un pesticide, gagnent du terrain, et les mesures mises en place par le ministère de l’Agriculture pour soutenir la filière apicole semblent bien maigres. Des membres de la Confédération paysanne critiquent «  des pouvoirs plus soucieux des intérêts privés des multinationales de l’agrochimie et des semences que de l’intérêt général ».

La proposition de suspension de 3 insecticides néonicotinoïdes présentée par la Commission Européenne arrive dans un contexte de crise importante pour la profession apicole et pour les consommateurs. Elle concerne une interdiction temporaire (sauf céréales d’hiver et betteraves) jusqu’en septembre 2015. Leur retrait du marché apparaît très tardif.

Aujourd’hui, un tiers de notre nourriture dépend directement de l’abeille. La disparition massive des abeilles à l’échelle internationale est une alerte. L’abeille est en danger, c’est une menace pour la biodiversité, la surmortalité de l’abeille domestique (Apis mellifera) et autres papillons, bourdons et abeilles solitaires inquiète. Les molécules de la famille des néonicotinoïdes sont devenus les insecticides les plus efficaces jamais synthétisés.

La France, championne d’Europe des pesticides

De nombreuses études ont démontré la dangerosité des pesticides. La moitié des colonies en France a déjà été décimée depuis la mise sur le marché de ces produits. Cela constitue une menace de disparition pour de nombreuses espèces végétales. La France est championne d’Europe des pesticides, le troisième utilisateur mondial après les États-Unis et le Japon. Malgré le moratoire des cultures OGM, de nombreux miels d’importation en contiennent, produits avec des plantes modifiées qui n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact sanitaire sur l’homme et les animaux.

Les plantes-pesticides (cultures de tournesol et colza de type VTH) constituent aujourd’hui une réelle menace. L’environnement téléphonique, les ondes GSM, 3G et wifi provoquent une électro-sensibilité chez l’abeille en la perturbant. Les interactions entre ces différents facteurs amplifient fortement leurs effets sur les abeilles. La combinaison des pathologies (virus, maladies et varroa, un parasite des abeilles), des pesticides et de l’appauvrissement de leurs ressources alimentaires cause leur perte.

Des alternatives existent

Les analyses récentes traduisent des faiblesses majeures dans l’évaluation des risques et des conflits d’intérêts récurrents entre la recherche privée d’évaluation, l’administration ministérielle (DGAL) et l’industrie chimique. Ces évaluations sont à la charge des industries qui évacuent les risques à long terme. De même, les effets cocktails ne sont pas évalués, l’abstraction des effets de synergie est récurrente, les évaluations des molécules demeurent individuelles.

L’expérimentation grandeur nature en Italie de la suppression des traitements de semences avec des insecticides systémiques (néonicotinoïdes et fipronil) et les résultats obtenus (baisse de la mortalité des ruches de 37,5% à 15%, maintien des rendements de production de maïs, diminution importante des chrysomèles) nous rappelle que des alternatives existent. L’intérêt des industriels de la chimie et des tenants de l’agriculture toxique prime sur la santé des personnes exposées. Le développement technologique dont l’enrobage des semences (traitement permanent) correspond à la période de déclin des abeilles au milieu des années 1990.

Le plan de défense de l’apiculture : une illusion ?

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu en 2013 un avis scientifique très sévère sur les néonicotinoïdes (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) confirmant des études antérieures et conduisant à un moratoire sur le Gaucho, Cruiser, Poncho, etc. De même, la dispersion des poussières d’enrobage est constante pendant les semis malgré la présence de déflecteurs.
Un groupe d’experts (Comité scientifique et technique de l’étude multifactorielle des troubles des abeilles, ou CST), composé de chercheurs d’universités et d’organismes publics de recherche (CNRS, INRA, etc.) avait déjà conclu dans son rapport en septembre 2003 que l’imidaclopride (commercialisé sous le nom Gaucho) présentait un risque inacceptable pour les abeilles sans écarter la contribution des pathogènes naturels (virus, varroa). Alors qu’attend-t-on ?

Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll vient de lancer un plan de défense de l’apiculture, celui-ci vise à l’installation de 200 à 300 apiculteurs professionnels par an.
Cette mesure gouvernementale crée une illusion supplémentaire (au vu de la faiblesse des moyens financiers mis en œuvre) du développement de la filière à l’heure de la mortalité importante des cheptels (-30%) et donc d’une forte précarité économique de la profession. Les races productives (buckfast) et les abeilles d’importation (Amérique sud) qui présentent un prix d’achat plus faible, n’en demeurent pas moins d’une forte sensibilité pathogène et donc plus vulnérables.

Les plantes-pesticides gagnent du terrain

La lutte chimique montre ses limites. Le varroa tend à être résistant. Des traitements alternatifs contre ce parasite doivent être encouragés (thymol, acides organiques...).
Les agriculteurs doivent faire évoluer leurs modes de production pour des méthodes plus respectueuses de la santé et de l’environnement par la promotion de la polyculture-élevage et des couverts hivernaux pour faire barrage à l’appauvrissement de la biodiversité lié à la monoculture. L’alternative associative offerte par Apicool propose de financer l’installation de ruches dans les fermes biologiques.

Selon la commission apicole de la Confédération paysanne, « l’interdiction est insuffisante car la réglementation ne concerne pas les céréales d’hiver soit près de 85 % des céréales semées en France, environ 5 millions d’hectares traitées avec ces pesticides. Une suspension de deux ans est trop courte par rapport à la persistance très longue de ces produits dans les sols. » Aujourd’hui, les semences mutées de colza qui arrivent sur le marché vont présenter une menace supplémentaire pour les essaims. Les plantes-pesticides gagnent chaque jour un peu plus de terrain à l’échelle française.

«  Paysans, apiculteurs, consommateurs, nous sommes tous pris en étau par des pouvoirs plus soucieux des intérêts privés des multinationales de l’agrochimie et des semences que de l’intérêt général.  » C’est le message issu de l’Appel de Poitiers pour sauver la biodiversité (juin 2012) des États généraux « Abeilles, semences et biodiversité  ». Poursuivre notre engagement en demandant l’interdiction de tous les insecticides néonicotinoïdes, c’est vital !

William Élie & Olivier Gervais, les Amis de la Confédération paysanne

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Voir aussi sur le site de Mille Bâbords 23745 le lien avec une pétition sur le même sujet.

La pseudo-interdiction des néonicotinoides annoncée par la Commission Européenne est en fait un leurre échafaudé par les firmes agrochimiques pour faire accepter définitivement leurs pesticides tueurs d’abeilles !

Si nous n’agissons pas immédiatement, ce plan entrera en vigueur dans les jours qui viennent.

Signez vite la pétition pour les stopper !
http://actions.pollinis.org/interdiction-neonicotinoides-petition-commission-europeenne/


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