Une tribune pour les luttes

Mort sur le chantier d’insertion à la Citadelle d’Amiens :
Après l’accident, l’injustice et le mépris

Mardi 25 juin, 9 h : Gilles de Robien devant le tribunal correctionnel d’Amiens

Article mis en ligne le lundi 24 juin 2013

Mardi 25 juin, à partir de 9 heures, Gilles de Robien comparaîtra en personne pour « homicide involontaire » dans l’accident du travail qui a tué Hector Loubota

Notre collectif regroupant associations, syndicats, partis, invite les Amiénoises et Amiénois à assister à ce procès.

Pourquoi ?

Non pas pour condamner a priori l’ancien maire d’Amiens : Fakir ne s’est jamais prononcé sur sa responsabilité directe, sur sa culpabilité pénale.

Il s’agit simplement que la famille Loubota, tout comme Gilles de Robien, aient droit à une justice normale. Alors que, jusqu’ici, les magistrats – procureurs, substituts, juges d’instruction, président du tribunal – se sont illustrés par une complicité avec les élus. Au moins par leur passivité.


Quelques exemples :

- l’instruction a duré six années, et il a fallu que le père d’Hector proteste auprès du procureur pour que le dossier se débloque.

- en six années, les juges n’ont néanmoins pas trouvé le temps – ou le courage - d’entendre Gilles de Robien, son adjoint Bernard Nemitz (en charge de la Citadelle), ou encore de perquisitionner la mairie.

- le premier procès a tourné à la mascarade, tous les notables dupant joyeusement la famille Loubota.

- autant le parquet avait mis six années à poursuivre un lampiste, qui s’est révélé le mauvais bonhomme, autant le bureau du procureur a classé en moins de 48 heures une plainte contre Gilles de Robien !

Notre présence à l’audience n’a donc pas pour fonction de déséquilibrer la balance, mais au contraire de la rééquilibrer. Pour que cesse au moins le mépris.

Le procès risque de durer la journée : audition des témoins le matin, plaidoiries l’après-midi.

François Ruffin.

Notre collectif regroupe la CGT 80, la LDH 80, Sud-Education, Solidaires 80, ATTAC, les CEMEA de Picardie, le RESF, l’Aube nouvelle, la Gauche Unitaire, le Parti de Gauche, l’UNEF, la CGT-Zone industrielle, Sud-Métropole, Sud CT80, Fakir.


Rappel des faits

Le contexte

Le vendredi 22 février 2002, Hector Loubota, un jeune homme (19 ans) d’origine congolaise, travaille en contrat d’insertion à la Citadelle. Grimpé sur un échafaudage, il s’applique à des travaux de maçonnerie par temps de pluie. D’un coup, un pan de mur s’effondre, et il meurt écrasé sous 600 kilos de pierres.

L’enquête

Dans le dossier d’instruction, l’expert Saissi rend un rapport accablant : le chantier a été lancé sans « aucune analyse des terrains », sans « étude préalable du bâti », sans « aucun suivi régulier », sans même « le nom d’une personne chargée de la sécurité » ! Il mentionne ainsi « l’absence d’étaiements » : la Ville n’a planté aucun piquet pour soutenir le mur initial – qui ne tenait que grâce « à la terre et aux racines ». Des erreurs d’autant plus coupables que, dans les années 70, « cet ouvrage s’était déjà en partie effondré ». Il aurait fallu, avant de démarrer l’entreprise, estime l’expert, « procéder à des sondages, relever les fissurations, vérifier la stabilité du sol. » Aucun permis de démolir, ni de construire, n’avait d’ailleurs été déposé…

L’attente

« Je fais confiance à la justice de ce pays », avait commencé par dire Monsieur Bernard Loubota, le père de la victime. Mais au printemps 2007, après cinq années d’attente, il commence à trouver le temps long : c’est qu’étrangement, les juges d’instruction se refilent le dossier – puis l’oublient.

Lui écrit donc au procureur Beau, qui le reçoit dans son bureau : le magistrat lui garantit que l’affaire sera menée jusqu’à son terme.

Prudemment, patiemment, le tribunal d’Amiens attend néanmoins que Gilles de Robien ne soit plus ni ministre, ni maire, ni député. Puis on met en examen un vague directeur de service, un inconnu, un « Monsieur Morelle ».

L’entourloupe

Monsieur Loubota ne réclame pas la tête du maire, ni de personne. Si la Justice estime que c’est de la faute à Morelle, alors, va pour Morelle…

Mais voilà que, à l’audience, l’avocat dudit Morelle sort une carte maîtresse. Une lettre – où, en 2000, avant de démarrer les travaux, l’architecte des Bâtiments de France recommande une expertise. Une lettre que Gilles de Robien a annotée, à l’intention de son adjoint Bernard Nemitz : « Bernard, ne pas signer sans m’en parler. Je ne suis pas certain qu’on ait besoin de l’architecte des bâtiments de France. »

La preuve est fournie : le député-maire, directement, a refusé une mesure de prévention. Une solution « écartée au niveau politique », comme l’invoque Monsieur Morelle. « C’est une cause exonératoire de responsabilité », plaide son défenseur.


La relaxe

A son tour, la substitut du procureur se lève. Elle ne dénonce pas le stratagème. Au contraire, elle assène : « Peut-être que nous n’avons pas mis en examen la bonne personne. Peut-être que nous aurions dû poursuivre le directeur général des services ou le maire d’Amiens. » Et du coup, elle ne requiert aucune peine contre le prévenu. Le 1er juillet 2009, le tribunal relaxe le lampiste.

Après sept années de réflexion, les magistrats se sont donc « trompés ». Alors que la responsabilité du maître d’œuvre est manifeste dans ce décès, et qu’elle est reconnue par tous, miracle néanmoins : personne n’est coupable.

Les avocats

Monsieur Loubota avait choisi, en première instance, une avocate amiénoise. C’est un tort : vivant sur place, elle était plus sensible aux pressions. Qui n’ont pas manqué : « C’est un dossier politique », lâche-t-elle. « Jamais, jamais je n’ai mis en cause Gilles de Robien directement.

- Mais vous auriez dû, apparemment !

- Ecoutez. Alors que je n’ai jamais prononcé son nom, alors que ce n’était pas du tout dans mon intention, je me suis fait convoquer par mon bâtonnier : ‘J’espère que vous ne comptez pas créer des ennuis à Monsieur de Robien’, m’a-t-il prévenu. »

Depuis, Monsieur Loubota a recouru à un avocat parisien, moins gêné par le microcosme amiénois.

L’opinion

Tant qu’on laissera les magistrats locaux et les notables locaux régler cette affaire entre eux, l’injustice s’épanouira – au détriment d’une famille qui n’a aucun réseau.

Seule lumière : que l’opinion publique s’en mêle. Que la presse s’y intéresse. Que les associations citoyennes appellent à une certaine vigilance sur ce dossier. Que les Amiénois assistent aux débats, remplissant la salle d’audience le jour du procès.

Que faire ?

Assister au procès qui se déroulera le mardi 25 juin à 9 h au tribunal correctionnel afin que, au moins, la famille ne soit plus traitée par le mépris.


Bonjour, merci de partager :

En pièces jointe : fichiers en JPG et lien pour vos blog et facebook.

http://cgttfechaulnes.over-blog.com/

Que s’est-il passé ?

Le 22 février 2002, Hector Loubota,19 ans, travaille sur le chantier d’insertion de la Citadelle. Grimpé sur un échafaudage, il s’applique à des travaux de maçonnerie. D’un coup, un pan de mur s’effondre, et il meurt écrasé sous 600 kilos de pierres.


Quelle en est la cause ?

Dans le dossier d’instruction, un expert en bâtiment a rendu un rapport accablant : le chantier a été lancé sans « aucune analyse des terrains », sans « étude préalable du bâti », sans « aucun suivi régulier », sans même « le nom d’une personne chargée de la sécurité » ! Il mentionne ainsi « l’absence d’étaiements » : la ville n’a planté aucun piquet pour soutenir le mur initial – qui ne tenait que grâce « à la terre et aux racines ». Des erreurs d’autant plus coupables que, dans les années 1970, « cet ouvrage s’était déjà en partie effondré ». Il aurait fallu, avant de démarrer l’entreprise, estime l’expert, « procéder à des sondages, relever les fissurations, vérifier la stabilité du sol. » Aucun permis de démolir, ni de construire, n’avait d’ailleurs été déposé…

Si des précautions, même sommaires, avaient été prises, ce drame aurait été évité. Cet accident témoigne, malheureusement, du mépris de la municipalité d’alors, de ses notables, pour les « jeunes de quartier » qui viendraient s’occuper sur « le plus grand chantier d’insertion en France, sinon en Europe » (ainsi était-il vanté).

Mais ce mépris s’est poursuivi longtemps. En onze années, la ville d’Amiens n’a adressé aucun mot d’excuse, aucun geste de sympathie à la famille. Une approche a bien eu lieu, de la part d’une « médiatrice »…mais pour conseiller à la famille de ne pas porter plainte ! Des visites se déroulent régulièrement à la Citadelle. Les guides s’inquiètent davantage de la sauvegarde des chauve-souris sur le site que de cet accident, qui n’est pas mentionné. À la Maison du Projet, une revue de presse recense tous les articles du Courrier picard sur la Citadelle. Tous ? Non : un seul est manquant, celui qui relate la mort d’Hector. Cette tragédie a été volontairement effacée des mémoires.

Cordialement,

Mickaël PRINCE
Délégué Syndical CGT
06 75 10 00 81
CGT TFE CHAULNES
zac route d’Hallu, 80320 CHAULNES
cgttfechaulnes.over-blog.com

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Vos commentaires

  • Le 20 juin 2013 à 17:02, par Lou En réponse à : Mort sur le chantier d’insertion à la Citadelle d’Amiens :
    Après l’accident, l’injustice

    Quoiqu’en dise Valls, il y a quand-même un peu plus d’accidents chez les travailleurs (ouvriers, paysans,pêcheurs) que chez les flics.

    Marseille : un ouvrier très gravement blessé sur le chantier du Vélodrome

    Source : La Provence Marseille / Publié le jeudi 20 juin 2013 à 12H48

    Un homme âgé d’une quarantaine d’années, employé par une société sur le chantier du stade Vélodrome à Marseille se trouve actuellement dans un état critique après avoir reçu accidentellement un élément métallique qui a chuté sur lui.

    Les pompiers ont évacué la victime vers l’hôpital de la Conception après avoir prodigué les premiers soins à l’ouvrier.

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