Une tribune pour les luttes

L’Europe des crétins

de Michel ONFRAY philosophe, écrivain

Article mis en ligne le lundi 18 avril 2005

Les gens qui vont voter Non à la constitution européenne sont des crétins,
des abrutis, des imbéciles, des incultes. Petit pouvoir d’achat, petit
cerveau, petite pensée, petits sentiments. Pas de diplômes, pas de livres
chez eux, pas de culture, pas d’intelligence. Ils habitent en campagne, en
province. Des paysans, des pécores, des péquenots, des ploucs. Ils n’ont pas
le sens de l’Histoire, ne savent pas à quoi ressemble un grand projet
politique. Ils ignorent le grand souffle du Progrès. Ils crèvent de peur.
Jadis, ces mêmes débiles ont voté non à Maastricht ignorant que le oui
allait apporter le pouvoir d’achat, la fin du chômage, le plein emploi, la
croissance, le progrès, la tolérance entre les peuples, la fraternité, la
disparition du racisme et de la xénophobie, l’abolition de toutes les
contradictions et de toute la négativité de nos civilisations post-modernes,
donc capitalistes, version libérale.

L’électeur du Non est populiste, démagogue, extrémiste, mécontent, réactif.
C’est le prototype de l’homme du ressentiment. Sa voix se mêle d’ailleurs à
tous les fascistes, gauchistes, alter mondialistes et autres partisans
vaguement vichystes de la France moisie, cette vieille lune dépassée à
l’heure de la mondialisation heureuse. Disons le tout net : un souverainiste
est un chien.

En revanche, l’électeur du Oui est génial, lucide, intelligent. Gros carnet
de chèque, immense encéphale, gigantesque vision du monde, hypertrophie du
sentiment généreux. Diplômé du supérieur, heureux possesseur d’une
bibliothèque de Pléiades flambant neufs, doté d’un savoir sans bornes et
d’une sagacité inouïe, il est propriétaire en ville, urbain convaincu,
parisien si possible. Il a le sens de l’Histoire, d’ailleurs il a installé
son fauteuil dans son sens et ne manque aucune des manies de son siècle. Le
Progrès, il connaît. La Peur ? Il ignore. Le debordien Sollers, le sartrien
BHL et le kantien Luc Ferry vous le diront.

Bien sûr le Ouiste a voté oui à Maastricht et constaté que, comme prévu, les
salaires s’en sont trouvé augmentés, le chômage diminué et fortifiée
l’amitié entre les communautés. Le votant du Oui est démocrate, modéré,
heureux, bien dans sa peau, équilibré, analysé de longue date. Sa voix se
mêle d’ailleurs à des gens qui, comme lui, exècrent les excès : le démocrate
chrétien libéral, le chiraquien de conviction, le socialiste mitterrandien,
le patron humaniste, l’écologiste mondain. Dur de ne pas être Ouiste...

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