Une tribune pour les luttes

L’imprimerie Noir Couvrant

Qu’est ce que c’est ? Comment ça marche ?

Article mis en ligne le mardi 30 juillet 2013

L’imprimerie Noir Couvrant est en marche. C’est un outil collectif, situé à Alès, dont nous avons déterminé un certain mode de fonctionnement. Nous avons décidé de mettre en commun pas mal d’énergie, de temps et de fric afin de contribuer à la diffusion d’idées révolutionnaires et subversives, quelle qu’en soit la forme (BD, essai, roman etc.) en se dotant de matériel d’imprimerie. C’est-à-dire de louer un local ensemble, de maintenir en état et de faire tourner des machines d’imprimerie (offset, massicot, plieuse, relieuse…).

Nos capacités d’impressions étant limitées nous privilégierons les « petits projets » (affiches, brochures, journaux,...). Les gros travaux de type livre seront nécessairement limités. Globalement, éditeurs professionnels s’abstenir.

Au sein du projet, nous avons certaines bases communes larges, grosso modo « anarcho-communistes » : abolition de l’État, de la société de classes, de la propriété privé, de l’argent, des rapports de dominations, de la division de genres... Néanmoins, nous n’avons pas d’axe éditorial figé. Nous sommes plutôt ouverts, notamment à tout ce qui touche aux luttes sociales et aussi à un spectre relativement large du débat critique contre ce monde d’exploitation et de domination.

L’imprimerie Noir Couvrant n’est pas qu’un instrument technique pour publier en grande quantité. C’est un outil pour participer au débat révolutionnaire, à la diffusion de théories critiques et de pratiques de lutte. C’est un projet où l’étude et la confrontation de ces idées et pratiques doit permettre d’approfondir des réflexions individuelles et collectives, et ainsi d’essayer de sortir d’une certaine confusion ambiante. Il nous apparaît nécessaire de contribuer à la production d’outils pour combattre le capitalisme aujourd’hui. Nous voyons le travail théorique, l’analyse et la lutte comme parties d’un processus toujours en mouvement. C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’Imprimerie Noir Couvrant. Nous ne recherchons pas une quelconque homogénéité ou à former un groupe politique. Bien au contraire, le débat s’alimente de la diversité et de la mise en commun des parcours, des pratiques et des cultures politiques de chacun.

Ainsi, les projets proposés sont débattus, au sein du collectif Noir Couvrant, en lien avec les auteurs ou éditeurs. Les propositions sont autant d’occasions pour un enrichissement mutuel, pour nous-même et pour ceux que nous rencontrons. Chaque texte, affiche, bouquin y est prétexte à des rencontres et discussions afin d’aiguiser la pensée de chacun, de confronter à d’autres expériences ce qui pourrait paraître des évidences, de mettre en critique ce qui paraît erroné, incomplet ou incohérent dans les positions ou hypothèses avancées.

Comment décide-t-on des impressions ?

Les personnes proposant des documents à l’impression (dans la mesure du possible 3 mois à l’avance) sont invitées à en discuter préalablement avec nous, selon les modalités pratiques qu’elles auront le temps et l’énergie de mettre en place. Le contact direct par la discussion et le débat est bien sûr préférable mais nous sommes bien conscients que ce n’est pas toujours possible. On peut aussi communiquer par courrier, par mail.
Pour permettre d’être réactif dans certains cas d’urgence (liés aux luttes sociales en cours, en réaction à la répression ou à un contexte immédiat) les discussions pourront avoir lieu après tirage.

Nous pouvons être emballés par un projet d’impression, ou au contraire n’y voir aucun intérêt ou même y trouver des positions que l’on combat. Mais dans la plupart des cas les avis sont beaucoup plus nuancés. Il y a du pour, du contre, et l’envie de faire partager ces remarques. Certains points soulevés peuvent être pour nous des points de désaccords suffisants pour ne pas s’associer au projet proposé. D’autres sont plus témoins de cette envie de discuter et d’approfondir autour de la critique sociale. Dans tous les cas, nous espérons des réponses et que le débat s’installe*. Libres, alors, aux auteurs et / ou éditeurs de tenir compte des critiques apportées. La décision d’imprimer est prise au cas par cas après discussions collectives, et n’exclut pas les débats contradictoires. Libres à nous d’imprimer ou non le projet.

Comment se passent les impressions ?

Comme l’imprimerie n’a pas un but commercial et les imprimeurs ne sont pas des prestataires de services, une participation aux différentes phases de l’impression est nécessaire de la part des personnes proposant un document. Ceci est un désir de notre part (et on l’espère partagé). L’utilisation des machines étant plus ou moins complexe, ce sont surtout les tâches de grouillots qui peuvent être faites par tout un chacun. Néanmoins, il est possible de se former en quelques heures sur de nombreuses étapes de façonnage comme le massicotage, la reliure, l’agrafage, l’assemblage...
Pour des raisons techniques et de coût, il est préférable que les impressions ne soient pas en deçà d’un minimum de 1000 exemplaires.
Les frais d’impression et d’usure du matériel sont pris en charge par les personnes/groupes sollicitant une impression et les loyers et les factures par les membres du collectif, les initiatives de soutien (concerts, repas, etc) sont aussi les bienvenues !

L’imprimerie est un lieu collectif non public mais ouvert à ceux qui souhaitent s’y impliquer et qui adhèrent au fonctionnement.

Pour tout contact ou proposition d’impression, écrire à : noircouvrant[at]riseup.net

* Voir ici, quelques exemples de débats autour de propositions d’impressions qui nous ont été faites :
https://lists.riseup.net/www/d_read/noircouvrant/exemples_debats.tar

À propos de l’affiche « Féministes contre l’islamophobie »
mai 2012
Salut à toutes
Tous les projets proposés à notre imprimerie sont discutés entre nous, avant toute décision.
Ce mode de fonctionnement est, d’une part, la garantie de ne pas être de simples prestataires de service, et d’autre part le reflet de notre volonté d’échanger, de nous confronter, d’analyser ensemble afin d’aiguiser nos critiques. Notre groupe n’est pas homogène et ne cherche pas à l’être. Ce projet d’imprimerie est pour nous plus qu’un simple outil technique, il est un espace de « confrontation ».
Pour cela, nous ne donnons ni demandons de faveur à qui que ce soit. Imprimer ou pas est toujours le résultat de nos discussions et les décisions prises ne sont pas forcément celles de tous et toutes.
Alors voilà, en quelques lignes, un petit résumé de notre discussion sur l’affiche contre l’islamophobie et la récupération raciste du féminisme. Autant dire qu’elle fut longue, compliquée et intéressante. Tout comme vous, nous pensons que le sujet est pertinent et qu’il y a nécessité de réagir. Nous pensons qu’il n’y avait pas d’urgence si immédiate à imprimer cette affiche, tant le débat est d’actualité et tant les récupérations dénoncées dans cette affiche ne font que s’affirmer et visent à perdurer dans les temps à venir (par exemple de plus en plus de mouvements d’extrême droite ont tendance à s’approprier des positions « féministes » et libérales, et nous pensons que
cette tendance à la récupération ne fait que commencer).
Nos discussions ont principalement tourné autour du texte de l’affiche qui, unanimement, nous a semblé suffisamment obscur pour ne pas réussir à en avoir une lecture précise. Certains d’entre nous ont tenté d’appuyer que ce texte portait un message plus ou moins clair, d’autres y ont vu des maladresses mais la plupart n’ont vu en lui qu’un texte fait de raccourcis, et parfois même de formulations dont le double sens était « craignos ».
La phrase sur l’identité nationale en est un bon exemple. Elle laisse sous entendre qu’il existerait une « bonne » définition de « l’identité nationale »
(par exemple celle qui intégrerait les minorités) face à la mauvaise que nous propose les médias.
Pour nous aucune « identité nationale » n’est à défendre . Nous n’avons pas de théorie commune à vous proposer sur une histoire de l’État-nation mais nous ne pensons pas pour autant qu’il s’est constitué par et pour le seul écrasement des minorités dans les métropoles et l’exploitation des
richesses dans les colonies. Disons au minimum que l’État-nation est un processus historique qui vise à une meilleure exploitation de la majorité : le prolétariat, tout autant divisé qu’il est, et que ce soit dans les métropoles ou les colonies.
Parfois en s’appuyant sur les minorités, parfois en les écrasant ou en les créant. Le texte développe ensuite l’idée selon laquelle l’unité de l’Etat-nation se constitue en opposition à la figure de l’ennemi intérieur qu’il construit. Nous pensons que cette définition est partielle et que l’unité de l’État nation peut se revendiquer aussi du multiculturalisme et de l’intégration des minorités (la France pays des droits de l’homme, la marche des beurs , ou même des pays comme le Royaume Uni où l’unité se construit sur le communautarisme). On trouve dommage que la critique globale du
sexisme (qu’il soit véhiculé par l’Islam, n’importe quelle religion ou la république) avancée dans le sous titre, ne soit pas plus développée. Il nous semble que c’était là la problématique la plus importante de l’affiche et qu’à prendre le contre pied de l’islamophobie en basant l’argumentaire sur
la construction et le rôle d’un ennemi intérieur, la critique du sexisme apparaît moins évidement.
Lors de nos discussions, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur l’utilisation que vous faites du terme « minorité » : Signifie-t-il partie d’une population subissant une exploitation spécifique (femmes ou immigrés par exemple) ou désigne-t-il le statut de minorité (religieuse, linguistique, sexuelle...) avec tout l’interclassisme qu’il défend ? Tout comme une majorité, une minorité peut être aussi porteuse de formes de domination – culture ou religion – et pour nous, une critique de l’islamophobie va de pair avec une critique de la religion ou du communautarisme et de ce qu’ils véhiculent. Le prenez pas mal, mais on a eu du mal à voir tous les liens et parfois hésiter ou
s’énerver sur le sens à donner à ce (trop) court texte. Trop de choses en si peu de mots contraint au raccourci et ne rend pas très lisible cette affiche, pour nous ou un badaud dans la rue. Même les liens entre sexisme, racisme et exploitation ne ressortent pas.
Nous aurions pu vous faire des propositions de corrections comme cela ce fait souvent lorsque des textes ou des affiches circulent avant impression entre individus ou collectifs concernés par les mêmes sujets, mais cela n’était pas votre demande ni dans vos choix d’organisation. Ceux qui y ont pensé, ont renoncé. Alors, nous avons discuté de l’affiche, telle que nous l’avions reçue car les questions soulevées nous semblent importantes. À cause du contenu du texte, la plupart d’entre nous ont fait savoir leur opposition à ce
que l’impression de votre affiche se fasse à Alès, les autres – pour justifier leur accord – ont mis en avant la démarche et l’intention pour accentuer ce que chacun d’entre nous y trouvait de bien.
Notre fonctionnement n’est pas démocratique, nous ne cherchons ni majorité, ni unanimité et la décision collective fut prise, après des heures, d’imprimer votre affiche dans notre imprimerie et ce malgré les nombreuses critiques de fond que nous avions tous à faire. Les raisons de ce choix collectif sont
un mélange d’intérêt pour les problématiques de votre affiche, du fait que certains estiment votre démarche intéressante et désirent la soutenir, et de notre désir de débats critiques. Mais pour qu’il y ait débat possible, nous pensons qu’il est indispensable de savoir si nos bases politiques sont communes et pour cela il est nécessaire d’éclaircir nos points de désaccords (réels ou potentiels).
Comme nous vous le disions au début de ce texte nous ne désirons pas être des prestataires de service et donc, pour nous, il est impensable de faire quelque chose avec des individus ou des collectifs dont nous ne partagerions pas « suffisamment » de fond politique, ou pire qui exprimeraient – même involontairement ! – des idées que nous exécrons. C’est de tout cela que
nous voudrions parler avec vous, et c’est aussi de cela que dépendra nos collaborations futures...

La bande de l’imprimerie
pour nous écrire : noircouvrant chez riseup.n

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Vos commentaires

  • Le 18 août 2013 à 11:25, par hihihi En réponse à : L’imprimerie Noir Couvrant

    quand on connait ce projet de l’intérieur, on a envie d’éclater de rire en lisant ce texte de présentation. quel foutage de gueule et quelle hypocrisie !

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