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Etats-Unis

Le lanceur d’alerte Bradley Manning a été condamné à 35 ans de prison .
Le salaire du courage !

+ La lettre de Bradley Manning à Barack Obama : “Je suis prêt à payer le prix pour vivre dans une société libre”

Article mis en ligne le mercredi 21 août 2013

Le soldat Manning qui était analyste sur une base américaine à Bagdad a transmis à WikiLeaks, créé en 2006 par l’Australien Julian Assange, pour "lancer un débat national sur le rôle de l’armée" de très nombreux documents sur les guerres en Irak et en Afghanistan.

De la vidéo d’une bavure sur des civils irakiens aux dossiers confidentiels des détenus de Guantanamo, Bradley Manning est accusé d’avoir transmis plus de 250.000 câbles diplomatiques et 500.000 rapports militaires classés secrets défense au site WikiLeaks.

- Un câble diplomatique américain. La première information publiée par WikiLeaks, le 18 février 2010, que Manning a reconnu avoir divulguée, est un câble diplomatique de l’ambassade américaine en Islande.

- 250.000 câbles du département d’Etat. Publiés par étapes de février 2010 à septembre 2011, plus de 250.000 câbles du département d’Etat, émanant d’ambassades et de consulats américains à l’étranger et datant de 1966 à 2010, ont été en partie retranscrits par cinq quotidiens internationaux à compter de novembre 2010 : The New York Times, The Guardian, Der Spiegel, Le Monde, El Pais.

- La vidéo d’une bavure militaire en Irak. Manning a admis "la transmission intentionnelle" d’une vidéo - car elle lui "faisait horreur" - montrant des civils tomber sous les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007. Baptisée "dommages collatéraux" par WikiLeaks, cette vidéo a été rendue publique par Assange lors d’une conférence de presse en avril 2010 à Washington. Bradley explique qu’il a été particulièrement choqué par cette vidéo montrant une attaque par un hélicoptère Apache contre des civils non armés à Bagdad : "On aurait dit des enfants torturant des fourmis avec une loupe." L’enregistrement montrait aussi que, contrairement aux dénégations de l’armée, un photographe de Reuters et son chauffeur ont été sciemment tués dans cette attaque.

- La vidéo d’une autre bavure, en Afghanistan. Le soldat a également reconnu avoir fourni une vidéo confidentielle d’une bavure dans le village de Granai, en Afghanistan, où plus d’une centaine de civils avaient été tués dans une attaque aérienne américaine en mai 2009.

- Plus de 90.000 documents relatifs à la guerre en Afghanistan ont été publiés en juillet 2010, suivis en octobre par près de 400.000 autres relatifs au conflit en Irak, notamment des rapports confidentiels du Pentagone révélant des abus, tortures et meurtres parmi les civils.

- Rendus publics à partir d’avril 2011, les dossiers confidentiels des 779 détenus passés par les geôles de Guantanamo révèlent qu’une majorité d’entre eux étaient incarcérés sans charge et dévoilent leur état mental ou le contenu de leurs déclarations, comme pour Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau autoproclamé du 11-Septembre.

Bradley Manning avait rapidement été arrêté par la police militaire, après avoir été dénoncé par une connaissance auprès de laquelle il s’était confié. Le jeune homme a passé plus de 1 100 jours en prision, dans des conditions largement dénoncées par ses défenseurs et par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme : il avait notamment été maintenu plusieurs mois à l’isolement, dans des conditions de sécurité draconiennes qui visaient officiellement à l’empêcher de se suicider.

Cette peine est la plus longue infligée en matière de fuite de documents confidentiels.

Selon le réseau de soutien à Bradley Manning, son avocat David Coombs a l’intention de faire un appel en grâce auprès du président Barack Obama, pour implorer sa clémence.


Lettre de Bradley Manning à Obama : “Je suis prêt à payer le prix pour vivre dans une société libre”

http://www.lesinrocks.com/2013/08/2...

La décision que j’ai prise en 2010 est le fruit d’une inquiétude pour mon pays et pour le monde dans lequel nous vivons. Depuis les événements tragiques du 11 Septembre, notre pays est en guerre. Nous sommes en guerre contre un ennemi qui a fait le choix de ne pas nous affronter sur un champ de bataille classique. A cause de cela, nous avons dû adapter nos méthodes pour combattre ces menaces faites à notre mode de vie et à nous-mêmes.

Au début, j’étais en accord avec ces méthodes et j’ai choisi d’aider mon pays à se défendre. Ce n’est qu’une fois en Irak, lorsqu’au j’ai eu accès quotidiennement à des rapports militaires secrets, que j’ai commencé à m’interroger sur la moralité de ce que nous faisions. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que dans notre effort pour contrer la menace ennemie, nous avions mis de côté notre humanité. En toute conscience, nous avons choisi de dévaluer le coût de la vie humaine en Irak et en Afghanistan. En combattant ceux que nous percevions comme nos ennemis, nous avons parfois tué des civils innocents. Chaque fois que nous avons tué des civils innocents, au lieu d’en assumer la responsabilité, nous avons décidé de nous retrancher derrière le voile de la sécurité nationale et des informations classifiées afin de ne pas avoir à rendre de comptes publiquement.

Dans notre zèle pour tuer l’ennemi, nous avons eu des débats en interne sur la définition du mot “torture”. Pendant des années, nous avons détenu des individus à Guantanamo sans respecter aucun procédure régulière. Nous avons fermé les yeux sur la torture et les exécutions perpétrées par le gouvernement irakien. Et nous avons laissé passer nombre d’autres actes au nom de notre guerre contre la terreur.

Le patriotisme est souvent invoqué quand des actes moralement douteux sont préconisés par des dirigeants. Quand ces appels au patriotisme prennent le dessus sur les interrogations légitimes, c’est généralement au soldat américain que revient la charge de mener à bien des missions immorales.

Notre nation a déjà traversé ce genre de troubles au nom de la démocratie : la Piste des larmes, l’affaire Dred Scott, le Maccarthysme, Internement des Japonais-américains pour n’en citer que quelques-uns. Je suis convaincu que la plupart des actions menées depuis le 11 Septembre seront un jour perçues de la même manière.

Comme le disait feu Howard Zinn, “Aucun drapeau n’est assez large pour couvrir la honte d’avoir tué des innocents.”

Je sais que j’ai violé la loi. Si mes actions ont nui à quelqu’un ou aux Etats-Unis, je le regrette. Il n’a jamais été dans mes intentions de nuire à qui que ce soit. Je voulais seulement aider. Quand j’ai décidé de révéler des informations classifiées, je l’ai fait par amour pour mon pays, avec un sens du devoir envers autrui.

Si vous refusez ma demande de grâce, je purgerai ma peine en sachant qu’il faut parfois payer un lourd tribut pour vivre dans une société libre. Je serai heureux d’en payer le prix si, en échange, nous pouvons vivre dans un pays basé sur la liberté et qui défend l’idée que tous les hommes et les femmes naissent égaux.

Bradley Manning, le 21 août 2013


24 mars 2011

Amnesty International avait fait part de ses préoccupations quant aux conditions de détention de Bradley Manning dans un courrier adressé au secrétaire à la Défense Robert Gates le 19 janvier.

Sa lettre est restée sans réponse et les conditions de détention du soldat n’avaient pas changé.

Âgé de 23 ans, Bradley Manning a été arrêté en mai 2010 en Irak. Il a été accusé d’avoir transféré des données classées secret défense sur son ordinateur personnel et divulgué ces informations à une tierce partie non autorisée.

En mars 2011, il a été inculpé de 22 nouveaux chefs d’accusation, dont celui de « collusion avec l’ennemi ».

Depuis le mois de juillet 2010, il est confiné 23 heures sur 24 dans une petite cellule, sans effets personnels et avec un accès limité à la lecture et à l’écriture.

Toutes les visites, y compris celles de sa famille et de son avocat, se déroulent dans un lieu ne permettant aucun contact. Selon les informations dont dispose Amnesty International, durant ces visites, il porte des chaînes aux poignets et aux chevilles.

Bradley Manning fait toujours l’objet de mesures relatives au Programme de prévention du suicide, ce qui signifie qu’il n’est pas autorisé à avoir de draps ni d’oreiller séparé et qu’il est contrôlé par les gardiens toutes les cinq minutes pendant la journée.

En outre, il n’est pas autorisé non plus à faire de l’exercice dans sa cellule et ne bénéficie que rarement de la possibilité de faire de l’exercice en plein air, ce qui va à l’encontre des règles des Nations unies pour le traitement des détenus.

Dans le courant du mois de mars, Bradley Manning a été contraint de retirer tous ses vêtements et de dormir nu pendant plusieurs jours consécutifs. Ce traitement lui a été imposé peu après qu’il ait fait une remarque à l’un des gardiens, lorsqu’il a appris que les mesures relatives au Programme de prévention du suicide seraient maintenues à son égard (il avait fait remarquer que, s’il voulait se suicider, il pouvait se servir de la ceinture élastique de son slip). Il a expliqué qu’il devait se présenter nu devant la porte de sa cellule, dans le froid, chaque matin, avant que ses vêtements ne lui soient rendus.

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