Une tribune pour les luttes

Des repères idéologiques inquiétants, suite ...

par Georges Gumpel
+ Communiqué de l’UJFP du 6 août 2013 : Cholet : des repères idéologiques inquiétants

Article mis en ligne le mardi 3 septembre 2013

Des repères idéologiques inquiétants, suite ...

http://www.ujfp.org/spip.php?article2862

Lundi 2 septembre 2013

Dans la torpeur de l’été, juste après les propos scandaleux et vite oubliés du député maire de Cholet [*], la Cour d’Appel de Lyon vient de nous donner un nouvel exemple des dérives racistes et xénophobes qui s’installent insidieusement dans notre quotidien sans que celles ci suscitent le moindre émoi de la grande majorité des associations juives ou non réputées combattre le racisme, soucieuses du respect des Droits de l’Homme et attachées aux valeurs de la République.

C’est par un article du Monde.FR du 9 août dernier (repris partiellement par Rue 89 Lyon le 10/08), que l’affaire est rendue publique.
Devant la Cour d’Appel de Lyon comparaissait le 5 août dernier Monsieur Mohamed S, arrêté en situation irrégulière en Savoie, transféré sur ordre du préfet de Savoie pour être expulsé vers son pays d’origine – le Maroc - au CRA de Saint Exupéry.
Monsieur Mohamed S contestait la décision du juge des libertés et de la détention prise la veille de prolonger sa rétention et les conditions litigieuses dans lesquelles ses empreintes digitales avaient été prélevées.

Foin de tout cela pour le premier président de la Cour d’Appel de Lyon qui entérine les multiples entorses faites au CESEDA, celles relatives au prélèvement de ses empreintes digitales, confirme l’expulsion de Monsieur Mohamed S qu’il transforme – au nom du préfet de Savoie - de ressortissant marocain en ARABE dans la rédaction des documents confirmant son expulsion !
Ce qui donne le document administratif officiel suivant :
«  Le préfet du département de Savoie a prononcé la reconduite à la frontière de Monsieur Mohamed S, de nationalité arabe et a décidé de le maintenir en rétention dans les locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 5 jours, à compter du 29/07/2013 à 18H50  »

Il ne s’agit pas là d’une erreur, d’un lapsus, mais bel et bien d’une qualification affirmée puisque dans une autre partie de l’attendu du rejet de la demande de Monsieur Mohamed S il est écrit :
Monsieur S, se disant né le 02/01/1979 à Casablanca (Maroc), nationalité : Arabe, demeurant, etc ...

Monsieur le 1er président de la Cour d’Appel de Lyon n’a certainement pas connaissance du colloque qui s’était tenu à Dijon en 1996 intitulé Le droit antisémite de Vichy au cours duquel les dérives et les responsabilités de la Justice sous Vichy avaient été analysées et condamnées.

Pas connaissance non plus du travail effectué par l’historien Tal Bruttmann aux archives de la préfecture de l’Isère pour la rédaction de son livre : Au bureau des affaires juives, l’administration, française et l’application de la législation antisémite.
Dans ce livre, Tal Bruttmann analyse comment le triptyque administratif – Préfecture, Police et Justice - a progressivement fait sien le langage raciste et xénophobe d’ Etat, l’a repris avec facilité et sans état d’âme à son propre compte, l’a intégré à un travail administratif de routine, banal. Comment s’est créé un nouveau langage administratif spécifique lié à l’antisémitisme et à la xénophobie d’ Etat, progressivement adopté par l’ensemble du corps administratif français... Il montre par ailleurs comment, à partir de la promulgation du Statut des Juifs en octobre 1940, la désignation de JUIF ou de JUIVE s’est substituée dans l’ensemble des documents administratifs à celle de Monsieur ou de Madame, effaçant toutes les références aux qualités et aux nationalités multiples des Juifs apatrides réfugiés en France, à celles des Juifs français, les réduisant à un corps étranger devenu dangereux pour la Nation, dont il faut, nécessairement, se protéger, se débarrasser.
Comment cette nouvelle désignation est devenue un facteur de discrimination légale.

L’islamophobie, le racisme et la xénophobie d’ Etat d’aujourd’hui jouent le même rôle que l’antisémitisme d’ Etat d’hier. Les porosités que nous constatons entre le discours d’ Etat ambiant et celui des relais administratifs qui le représentent sont dans cette tragique affaire révélatrices, tout autant que les déclarations des politiques comme celle du député maire de Cholet, du climat délétère qui s’installe dans notre pays.

L’arabe, ou l’homme désigné tel par cette qualification raciale en lieu et place de sa nationalité, est bel et bien le juif d’hier. Les processus de déshumanisation en cours sont identiques, les conséquences, tout aussi dangereuses. Plus que jamais, il est de notre devoir de dénoncer et de combattre ces dérives lourdes de menaces.

Georges Gumpel.
Partie Civile au procès Barbie,
Membre du bureau national de l’UJFP


Cholet : des repères idéologiques inquiétants

http://www.ujfp.org/spip.php?article2837

mardi 6 août 2013

par le Bureau National de l’UJFP

Dimanche 19 juillet dernier, la France rendait officiellement hommage aux 13100 victimes juives apatrides - dont 4115 enfants - de la grande rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, déportées ensuite et exterminées à Auschwitz.

Le même jour, le député maire de Cholet, très certainement présent à la cérémonie organisée dans sa ville à la mémoire de ces victimes juives apatrides, regrettait publiquement en un autre lieu - à propos de la présence d’un rassemblement Tsigane dans cette même ville - « qu’Hitler n’ait pas exterminé plus de gens du voyage ».

Dérapage verbal imputable aux seuls représentants politiques de la droite et de l’extrême droite françaises soucieux de réunir autour de leurs noms le maximum de voix aux prochaines élections ?

Ce serait une erreur que de réduire cet événement à ce seul aspect.

Il s’agit en réalité d’une expression politique infiniment plus grave, plus profonde, qui concerne de larges pans du personnel politique français, comme celui de tous les pays de notre vieille Europe, rongée par la crise, le racisme et la xénophobie.

Un phénomène qui n’est en rien nouveau en France, que nous avons connu dans les années 30, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, quand s’est délité le consensus sur les quelques valeurs républicaines qui cimentaient alors l’identité nationale.

A l’époque déjà, les Tsiganes français étaient la cible de décrets et d’arrêtés multiples les désignant à la vindicte de tous. Perdant de nouveau ses repères, l’opinion publique accepte les stéréotypes qu’on lui propose. Les conditions sont ainsi réunies pour exclure et enfermer à nouveau ceux que l’on nomme sans vergogne des étrangers.

Racisme, xénophobie et aujourd’hui l’islamophobie - en lieu et place de l’antisémitisme d’hier - structurent le discours français dominant sur fond de peurs et de désarroi. Les évènements d’Argenteuil, de Trappes, ceux de Guérande et maintenant de Cholet en témoignent.

L’énormité des propos proférés par le député maire de Cholet a ceci d’inquiétant qu’elle s’inscrit en réalité dans la continuité politique de cette époque, dans celle de Vichy ensuite. Ces temps où les préfets représentants de l’Etat, les édiles locaux, prenaient des mesures racistes exceptionnelles pour limiter et interdire le déplacement des Tsiganes, pour les interner dans des camps de concentration spécialement ouverts à leur intention, comme celui de Montreuil- Bellay, proche de Cholet, où furent enfermées dans des conditions effroyables de novembre 1941 à janvier 1946, plus de 2000 personnes – hommes, femmes et enfants....

Ces propos, tenus symboliquement le jour même de la commémoration nationale rappelant le crime de Vichy, illustrent tragiquement ce que nous ne cessons de dénoncer depuis de nombreuses années : cette distinction malhonnête entretenue par le CRIF et les politiques français – tous bords confondus – entre l’antisémitisme et le racisme, sous toutes ses autres formes, qui sévit aujourd’hui en France, et le discours qui l’accompagne sur l’unicité des crimes nazis et ceux de Vichy à l’encontre des seuls juifs, excluant de la mémoire collective toutes les autres victimes de ces régimes honnis, tels les crimes commis par la France à l’encontre des Tsiganes.

Proférer publiquement de telles ignominies devient à nouveau possible à la seule condition que celles-ci ne soient pas dirigées contre les juifs.

Les remous médiatiques, vite tempérés, qu’ont suscités ces propos abjects, en sont la preuve. Le terreau d’un racisme «  ordinaire », acceptable, est depuis longtemps fécond et ce n’est pas la politique du gouvernement actuel vis à vis des Rroms, des sans-papiers, demandeurs d’asile, des musulmans en général, qui permettra d’enrayer la propagation de ce fléau.

L’ UJFP tient à exprimer son entière solidarité à nos concitoyens Tsiganes si ignoblement traités, représentés à nouveau comme étant des étrangers.

En réalité toujours discriminés dans le droit français depuis la loi du 16 juillet 1912.

Plus que jamais, nous appelons nos concitoyens à refuser et à combattre fermement le racisme et la xénophobie qui gangrènent notre société, font le lit d’un fascisme ordinaire, tout autant dangereux et criminel qu’hier.

Le bureau national de l’UJFP

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