Une tribune pour les luttes

Pièces et main d’œuvre

Le 4e Reich sera cybernétique

Article mis en ligne le dimanche 29 septembre 2013

65 ans séparent les deux articles que nous publions ensemble :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=439.
Le premier décrit 65 ans à l’avance le monde du second, notre monde. Le second ratifie cette description et décrit le monde à venir ; notre monde imminent.

Le premier, intitulé "Vers la machine à gouverner" fut publié dans Le Monde du 28 décembre 1948 par Pierre Dubarle, physicien, dominicain et chroniqueur scientifique du quotidien. Il s’agit d’une recension du livre de Norbert Wiener « Cybernetics or control and communication in the animal and the machine » (Editions Hermann). « Cybernétique » est le mot forgé par Norbert Wiener, à partir du grec « kubernêtikê » (pilote) pour désigner la « science de la commande et de la transmission des messages chez les hommes et les machines. » C’est-à-dire la « science du gouvernement », puisqu’à travers le gouvernail et les commandes, ce sont des ordres qui sont communiqués au navire, aux marins, à l’État, aux gouvernés. En un temps où « les grandes machines mathématiques » couvrent encore « des surfaces de plus de cent mètres carrés », Dubarle prévoit « la machine à gouverner » de l’État mondial (« d’un gouvernement unique de la planète »). « Une des perspectives les plus fascinantes ainsi ouvertes est celle de la conduite rationnelle des processus humains, de ceux en particulier qui intéressent les collectivités et semblent présenter quelque régularité statistique, tels les phénomènes économiques ou les évolutions de l’opinion. »

En effet, une machine capable de collecter et de traiter toutes les données, ou peu s’en faut, réduit toute question politique à une question technique. Or techniquement, et suivant les données disponibles, il n’y a jamais qu’une seule meilleure solution à la fois.

Si une telle machine rationnelle existait, il faudrait donc, d’un point de vue technique, lui remettre le gouvernement des hommes et de l’État mondial. Cette machine existe. IBM l’a construite sous le nom de « Planète intelligente », et Le Monde en fait la publicité, en partenariat sur son site lemonde.fr. Le Monde qui publie un article « antifasciste » par jour, comme sous Mitterrand et aux mêmes fins de manipulation (rappelez-vous, SOS Racisme, ou "l’affaire de Carpentras"). Ainsi, d’« informatisation de la société » (rapport Nora, Minc, 1977), en PC (personnal computers), d’Internet en e-administration, e-gouvernement, école numérique, etc., en sommes-nous venus à ce que Dubarle nommait « la manipulation mécanique des réactions humaines » qu’il comparait au « Meilleur des mondes ». La dystopie la plus connue alors, mais il aurait mieux valu citer « Nous autres » (1920) de Zamiatine, et son monde des « numéros ».

Nous avons reçu le deuxième article de Philippe Godard, auteur critique de la société industrielle et contributeur du site contrebande.org. Intitulé « Echapper au "nouvel âge digital" ? » et publié le 10 juin 2013, il s’agit également de la recension d’un livre , également américain, The New Digital Age. Reshaping the Future of People, Nations and Business (« Le Nouvel Âge digital. Refaçonner le futur des peuples, des nations et des affaires ») Il faut prendre les auteurs au sérieux. Eric Schmidt, PDG de Google, et Jared Cohen, directeur de Google Ideas, sont des technarques. D’éminents représentants de cette technocratie qui gouverne notre présent et planifie notre avenir. C’est-à-dire qu’ils ont les moyens de réaliser leurs plans. Google, vous savez, l’entreprise partenaire de l’État américain et de la NSA (National Security Agency) dans le programme Prism d’espionnage universel. La machine à gouverner qui sait tout de nous, qui investit d’énormes capitaux dans la mise au point de « l’homme augmenté », du cyborg, du surhomme électronique cher à Politis (cf Politis et le transhumanisme : une autre réification est possible) et aux cyberféministes.

Sans paraphraser l’article de Godard, sachez que ces plans concernent au premier chef la police des populations - ordre et gestion (cf Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique), la prévention des dissidences et insurrections.

« Le danger est identifié : l’individu qui se cache. Et la sentence tombe : - "No hidden people allowed". "Interdit aux personnes cachées" (…) Les gouvernements doivent décider, par exemple, qu’il est trop risqué que des citoyens restent « hors ligne », détachés de l’écosystème technologique. Dans le futur comme aujourd’hui, nous pouvons être certains que des individus refuseront d’adopter et d’utiliser la technologie, et ne voudront rien avoir à faire avec des profils virtuels, des bases de données en ligne ou des smartphones. Un gouvernement devra considérer qu’une personne qui n’adhèrera pas du tout à ces technologies a quelque chose à cacher et compte probablement enfreindre la loi, et ce gouvernement devra établir une liste de ces personnes cachées, comme mesure antiterroriste. »

Aussi bizarre que cela paraisse, nous soutenons que nous sommes en 2013 et non pas en 1933. Que notre ennemi n’est pas le NSDAP mais la NSA et la DGSE.

Que le « fascisme » de 2013, en dépit de quelques résidus folkloriques, ne se présente pas sous les aspects d’un parti de masse et de sections d’assaut fanatisées par un chef charismatique, mais sous ceux d’un système technologique – efficace et fonctionnel – auquel par veulerie, inconscience et futilité, nous cédons nos moindres parcelles d’existence.

Que tous les partis – mais d’abord la gauche techno-progressiste – au nom de la rationalité, des gains de productivité et des points de croissance, collaborent à sa mise en place.

Et que si nous voulions résister au fascisme contemporain, il faudrait continuer ce que le Clodo (Comité pour la liquidation des ordinateurs) avait si bien commencé, à Toulouse, dans les années 70, en détruisant les « machines à gouverner ». (cf. Les Luddites en France. Résistance à l’industrialisation et à l’informatisation. Editions L’Echappée, 2010)

Pour lire « Vers la machine à gouverner » et « Échapper au "nouvel âge digital" ? » :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=439.

Merci de faire circuler,
Pièces et main d’oeuvre

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Vos commentaires

  • Le 2 octobre 2013 à 06:56, par djondo En réponse à : Le mouvement des casses-couilles Le 4e Reich sera cybernétique

    Votre article est intéressant, c’est pourquoi je l’ai lu jusqu’au bout. Il est documenté.
    Le mien le sera sans doute moins.
    Lors de la revolution industrielle anglaise, du 18ème siècle, il y eu une révolte des tisserands. De nombreuses machines ont été brisées par des ouvriers en colère qui les accusaient de voler leur travail.
    Votre article traite du contrôle des âmes et semble glorifier une résistance base sur la liberté de refuser le progrès.
    Je me souviens des indiens d’amérique dont on dit qu’ils refusaient d’être pris en photo de crainte qu’on leur vole leur âme. Je cherche encore la signification et la portée de cette attitude pour savoir s’ils avaient raison dans une dimension qui me serait accessible. Je n’en ai pas trouvé.
    Il parrait que des nords-Africains qui aimaient découvrir les films occidentaux ne comprenaient pas qu’un acteur puisse réaparaître dans un autre film s’il était mort dans une histoire précédente...
    Tout ça me surprends et je traque les même raisonnement chez moi, à tous les niveaux, dans toutes les dimensions...
    Je suis enthousiaste à devenir un humain augmenté. Pas seulement d’électronique, mais aussi de symbiotes organiques. Nous sommes colonises par des milliards de milliards de bactéries presents dans notre intestine. Mais nous ne contrôlons pas ce processus qui est issus d’une lente evolution.
    Je sais que je mourrais un jour. C’est la seule chose dont je sois sûr qu’il m’arrivera.
    Votre texte semble politiser une evolution technologique en prédisant le pire : la colonisation par une espèce politique tyrannique, à cause de la centralisation du système. Votre raisonnement est retrograde et heureux de l’être. Je crois que vous avez peur d’un avenir que vous voudriez controller d’avantage, quite à bloquer son evolution. Et en fait, ce contrôle pour les autres est un acte tyranique.
    Les lutes politiques, sont souvent des lutes brutes.
    Lorsqu’on decide pour moi, j’aime à rêver que j’obtiendrais un bienfait, mais c’est rârement le cas.
    Nous ne sommes plus des enfants. Nous vivons et mourons, mais nous évoluons.
    Nous ne nous arrêterons ni à un stade de foumillière, ni à celui de pillards désorganisés.
    Et aux enfants qui croient à l’avenir d’un superGouvernement assisté par ordinateur, qui serait "parfait", je répond qu’ils n’ont pas pensé "out of the box", aux aliens, aux Dieux et à tous ce que le monde à d’incroyablement riche et multidimensionnel. Conçu pour déjouer toute tentative d’encadrement durable... Le temps est notre pire ennemi et notre meilleur allié...
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