Une tribune pour les luttes

Economistes, Chercheurs et Universitaires pour le Non

Article mis en ligne le mercredi 18 mai 2005

Nous, économistes, votons, et appelons à voter « non » au projet de traité constitutionnel européen (TCE) pour deux raisons essentielles :

- il interdit de fait toute alternative aux politiques libérales ;

- il subordonne les droits sociaux au principe de concurrence.

La partie III (les politiques de l’Union) du texte soumis à référendum est une compilation des traités précédents. En votant « oui », les citoyens avaliseraient les politiques néo-libérales menées en Europe depuis vingt ans. Or le bilan de ces politiques est désastreux : elles ont été incapables de soutenir la croissance et l’emploi, et ont conduit à une régression sociale permanente (privatisation des services publics, déconstruction des systèmes de protection sociale, accroissement des inégalités et de la pauvreté).

L’insertion de la Charte des droits fondamentaux (partie II) dans le traité ne peut être interprétée comme une avancée. Les droits sociaux, souvent définis au rabais, se trouvent encadrés par les prescriptions contraignantes de la partie III. Toute logique volontariste d’harmonisation est explicitement exclue et le projet s’en remet, selon une logique profondément libérale, au libre jeu du marché pour assurer une telle harmonisation. En réalité, le TCE organise scrupuleusement une mise en concurrence des systèmes sociaux : en effet, au-delà d’un seuil critique d’hétérogénéité, qui a été dépassé avec l’élargissement, l’absence d’harmonisation par le haut signifie de fait l’harmonisation par le bas.

Toute la construction européenne repose sur l’hypothèse que seule la concurrence généralisée permet d’augmenter le bien-être des populations ! Or cette hypothèse est fausse. Tant l’histoire que le succès de certains pays européens actuels montrent la possibilité de configurations économiques performantes où la concurrence est restreinte et encadrée. C’est cette voie, qui allie efficacité économique et justice sociale, qu’il faut explorer de nouveau plutôt que de répéter, comme le fait le TCE, la pétition de principe libérale.

Mais la structure actuelle de la construction européenne empêche d’aller dans la direction que nous défendons. En effet, au niveau communautaire, tous les dispositifs institutionnels, et en particulier la répartition des domaines de compétence entre ceux soumis à la majorité qualifiée et ceux requérant l’unanimité des Etats membres, sont conçus pour que la construction européenne continue à avancer « en crabe » : très vite pour tout ce qui relève de l’orthodoxie libérale, à grand peine pour le social.

Au total, ce projet de traité est :

- anti-économique : il érige au statut de norme absolue des politiques dont nombre de pays européens ont fait l’expérience désastreuse depuis au moins deux décennies ;

- anti-social : il soumet les droits sociaux à un principe supérieur de concurrence ;

- anti-démocratique : il ferme toute possibilité de mener des politiques autres que libérales.

Enfin, ce projet est anti-européen : il déchire les tissus sociaux, jette les peuples les uns contre les autres par toutes les forces de la concurrence, et les conduit à un degré d’exaspération au bout duquel il n’y aura plus que le rejet de l’idée européenne elle même.
Les vrais européens ne sont pas ceux qu’on croit !

Appel à l’initiative de Bruno Amable, Jean Gadrey, Liêm Hoang-Ngoc, Michel Husson, Frédéric Lordon, Stefano Palombarini, Christophe Ramaux, Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi, Damien Sauze, Bruno Théret, auteurs de l’ouvrage Douze économistes contre le projet de Constitution européenne.

SIGNER L’APPEL :
http://econon.free.fr/appel.html

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