Une tribune pour les luttes

Association France palestine Solidarité (AFPS)

Cessons de pénaliser le boycottage d’Israël

Il faut abroger la circulaire Alliot-​​Marie.

Article mis en ligne le jeudi 6 mars 2014

http://www.france-palestine.org/Cessons-de-penaliser-le-boycottage

Cessons de pénaliser le boycottage d’Israël

Ivar Ekeland, Rony Brauman, Ghislain Poissonnier, Le Monde, mercredi 5 mars 2014


Il faut abroger la circulaire Alliot-​​Marie.

En tant que consom­mateur citoyen, je n’achète pas de pro­duits israé­liens tant qu’Israël ne res­pectera pas le droit inter­na­tional ; j’appelle aussi mes conci­toyens à faire de même afin de faire pression sur Israël pour qu’il démantèle le mur de sépa­ration et les colonies. " Pour avoir tenu de tels propos dans la rue ou dans des com­merces, pour les avoir écrits dans des maga­zines ou sur Internet, près d’une cen­taine de per­sonnes sont tra­duites en France devant les tri­bunaux. Il s’agit de membres d’associations qui sou­tiennent la cam­pagne " Boycott-​​désinvestissement-​​sanctions " (BDS). Ces per­sonnes sont pour­suivies par les pro­cu­reurs en vertu d’un texte interne au ministère de la justice adopté le 12 février 2010, dite cir­cu­laire Alliot-​​Marie, garde des sceaux de l’époque.

La cir­cu­laire ordonne aux par­quets de pour­suivre péna­lement les per­sonnes qui appellent au boy­cottage des pro­duits israé­liens. Elle affirme, sans le démontrer, que l’article 24 alinéa 8 de la loi de 1881 sur la presse per­met­trait de réprimer les appels lancés par des citoyens ou des asso­cia­tions au boy­cottage de pro­duits issus d’un Etat dont la poli­tique est contestée. Ce texte inter­prète la loi de manière extensive, en contra­diction avec la règle de l’interprétation stricte des lois pénales.

En effet, l’article 24 alinéa 8 de la loi de 1881 ne s’attache pas à interdire les appels au boy­cottage, mais uni­quement les pro­vo­ca­tions " à la dis­cri­mi­nation, à la haine ou à la vio­lence à l’égard d’une per­sonne ou d’un groupe de per­sonnes en raison de leur origine ou de leur appar­te­nance ou de leur non-​​appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ".

La cir­cu­laire Alliot-​​Marie a été cri­tiquée par le monde asso­ciatif au nom de la liberté d’expression. Mais éga­lement par de nom­breux juristes, uni­ver­si­taires, avocats et magis­trats, en raison de son contenu qui procède à un usage détourné de la loi prévue pour lutter contre les propos racistes et anti­sé­mites. Des pro­cu­reurs ont même refusé de requérir ora­lement la condam­nation des mili­tants de la cam­pagne BDS, en dépit des ins­truc­tions écrites de leur hiérarchie.

La cour d’appel de Paris a pro­noncé en 2012 des relaxes, consi­dérant que les propos tenus rele­vaient de la cri­tique paci­fique de la poli­tique d’un Etat. La Cour euro­péenne des droits de l’homme, quant à elle, rap­pelle très régu­liè­rement que les groupes mili­tants béné­fi­cient sur des sujets poli­tiques d’une pro­tection ren­forcée de leur liberté d’expression. Chris­tiane Taubira a même déclaré publi­quement à plu­sieurs reprises que cette cir­cu­laire contenait une inter­pré­tation de la loi qui pouvait être consi­dérée comme " injuste " ou " abusive ".

L’ensemble de ces élé­ments et le chan­gement de majorité poli­tique per­met­taient de penser que la prise de conscience du caractère absurde de cette situation allait se tra­duire en acte. Or, la cir­cu­laire Alliot-​​Marie de 2010 est tou­jours en vigueur et les pour­suites pénales contre des mili­tants de la cam­pagne BDS conti­nuent. Ce faisant, la France se sin­gu­larise en Europe et dans le monde : elle est le seul Etat, avec Israël, à envi­sager la péna­li­sation d’une cam­pagne paci­fique et citoyenne, demandant le respect du droit inter­na­tional. Cam­pagne paci­fique en ce sens que les actions d’appel au boy­cottage orga­nisées consistent en des mesures inci­ta­tives, qui se limitent à faire appel, par la dif­fusion d’informations, à la conscience poli­tique des consom­ma­teurs. Aucune forme de contrainte n’est exercée ni à l’égard des clients et des dis­tri­bu­teurs français, ni à l’égard des pro­duc­teurs israé­liens. En France, l’appel au boy­cottage, forme d’action poli­tique non vio­lente, s’inscrit dans le débat poli­tique répu­blicain depuis des décennies.

Mme Taubira l’a même qua­lifié de " pra­tique mili­tante, reconnue, publique " et admet l’avoir encouragé en son temps contre les pro­duits sud-​​africains, dans le cadre d’une cam­pagne inter­na­tionale que per­sonne n’avait alors envisagé d’interdire.

Cam­pagne citoyenne en ce sens qu’elle repose sur une mobi­li­sation des sociétés civiles. La cam­pagne BDS a été engagée en 2005 à la demande de 172 asso­cia­tions et syn­dicats pales­ti­niens. Elle appelle les sociétés civiles du monde entier à se mobi­liser pour que leur gou­ver­nement fasse pression sur l’Etat d’Israël.

En France, de nom­breuses asso­cia­tions ont rejoint l’appel lancé en 2005. Les actions qu’elles conduisent dans le cadre de cette cam­pagne se situent au cœur de la liberté d’expression et d’information des citoyens français sur un sujet inter­na­tional. Ces actions ne consistent pas à dis­cri­miner les citoyens israé­liens : elles visent à boy­cotter les ins­ti­tu­tions et les pro­duits d’Israël en vue de faire changer une poli­tique d’Etat.

Cam­pagne pour le respect du droit inter­na­tional enfin, dans la mesure où le but recherché est d’obtenir le respect des réso­lu­tions des Nations unies et la fin des poli­tiques déclarées illé­gales par l’avis du 9 juillet 2004 de la Cour inter­na­tionale de justice de La Haye que sont la construction du mur de sépa­ration et la colo­ni­sation en Cis­jor­danie et à Jérusalem-​​Est. La mobi­li­sation des sociétés civiles est rendue indis­pen­sable, car la plupart des Etats n’ont rien fait ou presque pour pousser Israël à se conformer à l’avis de la Cour, notamment en prenant des mesures de sanc­tions pour que le mur et les colonies soient démantelés.

Rien n’est plus faux que de laisser entendre que la cam­pagne BDS puisse être raciste ou anti­sémite. Cet amalgame relève de la même rhé­to­rique que celle parfois uti­lisée dans les années 1970 et 1980 contre les mili­tants anti-​​apartheid com­parés à d’irresponsables marxistes-​​léninistes ou à des racistes anti-​​Blancs. Aucun des mili­tants de la cam­pagne BDS pour­suivis depuis 2010 en vertu de la cir­cu­laire évoquée ne l’a d’ailleurs été pour avoir tenu des propos ou commis des actes racistes et anti­sé­mites. Il est temps de pro­céder à l’abrogation de la cir­cu­laire Alliot-​​Marie.

Ivar Ekeland, Pré­sident de l’Association uni­ver­si­taire pour le respect du droit inter­na­tional en Palestine

Rony Brauman, Médecin, essayiste

Ghislain Poissonnier, Magistrat

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Vos commentaires

  • Le 6 mars 2014 à 11:06, par Mic En réponse à : Cessons de pénaliser le boycottage d’Israël

    Vous etes animé par la haine d’Israel, je ne répondrai meme pas sur le fond du sujet, je pourrai défendre Israel de bien des manières.

    Mais puisque vous semblez etre a ce point engager dans la défense du droit internationale, ne vous arretez pas en chemin. Boycottez tous ! Vos téléphones portables et ordinateurs, fabriqués en Chine ( les processeurs de vos ordinateurs intel sont pour les 3/4 fabriqués en Israel), vos vetements fabriqués en Chine aussi ou au bangladesh.

    La loi en France interdit l’appel au boycott, donc si ca vous plais pas, faites vous élire, devenez députés et faites passer votre lois. Jusque là, vous qui parlez de droit, vous devez respecter la loi !

    Puis bon, le droit internationale, quand on a une ONU parasité par je ne sais combien de pays arabes qui eux meme ne respectent rien ( l’hopitale qui se fout de la charité).

    Mais bon, je sais que vous etes de mauvaise foi, et que vous etes obsédé et haineux d’Israel. Continuez de vivre dans la haine, votre boycott a tellement aucun impact sur l’économie israélienne, que ca me fait toujours marrer de vous voir vous fatiguer pour rien.

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