Une tribune pour les luttes

de Lampedusa

Présentation du Collectif Askavusa et du projet PORTO M.

à Marseille Samedi 26 avril à Casa Consolat - 1 rue Consolat

Article mis en ligne le mardi 15 avril 2014

Askavusa est un collectif né en mars 2009 à Lampedusa, suite aux mobilisations contre l’ouverture d’un centre de rétention sur l’île (qui devait remplacer le "centre d’accueil et de premier secours").

Depuis sa création, le collectif organise des activités culturelles et de promotion du territoire, notamment le LampedusaInFestival, un festival de cinéma autour des migrations, des libertés civiles et des effets de la mondialisation sur la société.
En même temps, le collectif mène un travail intensif de dénonciation des causes et des conséquences des phénomènes migratoires qui traversent la Méditerranée.
Depuis quelques années, Askavusa s’est engagé dans un travail de collecte et de conservation d’objets trouvés sur les bateaux utilisés par les migrants pour rejoindre les côtes italiennes.
Ce travail a mené à la création de l’espace Porto M : une exposition permanente de ces objets, qui témoignent discrètement du passage et de l’histoire de milliers d`êtres humains sur l’île de Lampedusa.
Le collectif compte sur l’aide de plusieurs associations et, tout au long des années, s’est entouré d’un réseau de citoyens solidaires et bénévoles, qui apportent un soutien précieux et constant à Askavusa et à son engagement.

PORTO M

Les objets, tous les objets retiennent et relâchent de l’énergie.
La matière est énergie, vibration, mouvement, et est modifiée de l’énergie même qui la transperce, la dégénère, qui la modifie à jamais de l’intérieur et de l’extérieur. Nous même, nous faisons parti de ce mouvement éternel.
Comment pouvons nous dès lors raconter ces objets ?
D’infinies manières, évidemment. Mais un mystique, un artiste, un philosophe ne doit-il pas chercher dans les objets un sens qui va au-delà de leur forme, de leur fonction, de leurs solidité, même si finalement il faut commencer par cet aspect ? Et peut-être, le point d’arrivée ne sera-t-il pas une autre forme, une autre fonction ou solidité ?
Les objets se re-créent au niveau énergétique comme au niveau culturel, lorsqu’ils sont contemplés, étudiés ou manipulés.
Tout est en perpétuelle transformation, même les objets, en dépit de nos efforts pour les archiver, les « fixer » dans le temps en les restaurant et les glorifiant.
Les objets assument alors d’autres crédits, et plus nous les décrivons plus ils perdent de leur énergie, de leur valeur intrinsèque. Plus le concept se détache de sa forme, de sa fonction, de sa matière et de son énergie propre, et plus il s’éloigne de l’objet.

Nous pensons donc qu’il est important de ne pas avoir d’attentes, ni de la part de celui qui observe les objets, ni de l’objet lui-même.
Alors pourquoi les montrer, peut-on se demander ? A quoi bon les préserver, les nettoyer et les conserver ?
Justement parce que nous croyons que ces objets doivent être montrés ; non étudiés ou catalogués, ni même restaurés ou « renfermés » mais exposés, sans ajouter autre chose. Les présenter sans autres informations didactiques n’est pas un acte neutre, mais un choix politique.

Ce n’est pas non plus une recherche d’objectivité parce que l’objet est constitué en grande partie du regard de celui qui le contemple.
Nous voulons renverser certaines perceptions et donc l’illusion de toute relation de causalité.
Car choisir signifie inclure et exclure et le choix de sauver ces objets et de les conserver est une manière de les considérer vivants en soi.

Représenter est simuler la réalité.
L’univers est une jungle d’allégorie. Tout est équivoque. On renonce même en choisissant. A quoi peuvent donc servir ces objets maintenant ?
Celui re-définit l’objet, le reconstitue lui donne un sens nouveau - de déchet, l’objet acquiert une nouvelle symbolique, une nouvelle composition.
La même chose advient avec les corps des migrants.
Les média en particulier, nous offrent leur représentation. Les catégories de « migrants », de « clandestins », de « Turcs », ont été crées en réalité par commodité politique et linguistique, par ce même langage qui nous donne seulement l’illusion de choisir et de définir, alors même que l’on a toujours le choix.
Le langage est un chemin exigu d’où on ne s’échappe pas, même lorsque nous nous méprenons ; nous sommes pris au piège d’exprimer seulement ce qui peut l’être.
D’abord on parle des migrants dans des termes somatiques : ils ont faim, soif, froid, comme des animaux en fuite d’un autre monde.
Puis avec d’autres connotations : politique, culturel, médiatique, mais toujours comme si ces corps étaient incapables de s’exprimer par eux-même, de revendiquer des siècles de colonialisme et d’impérialisme portés par chacun d’entre eux consciemment ou inconsciemment dans les poumons, la tête, les jambes, sur les épaules.
L’histoire de chacun est étouffé par les chroniques du chiffre, la représentation construite par l’État, la négation de l’individualité qui transforment ainsi toute personne arrivant à Lampedusa en animal/marchandise.
Il n’y a pas de place pour l’individu dans la représentation collective des migrants, ce serait trop compliqué. Chaque personne, abstraction faite de son état, de si elle est en voyage ou non, mobile ou arrêtée, est irreprésentable sinon en déformant la réalité ou comme processus de transformation continue. On ne représente pas les individus, sinon comme exceptions.
Mais de leurs objets, on prétend pourtant qu’ils parlent, ou plutôt qu’ils soient racontés, qu’ils soient le médium de leurs voix, de leurs pensées, de leurs méthodes, de leurs cultures. C’est par ce processus que nous voudrions confectionner l’objet, lui donner une voix, mais aussi un message. Mais l’objet est mué, il nous envoie des messages intraduisibles ; et pour nous continue l’incompréhension, le choix du sens donné et des lacunes qu’il engendre.
Ces pièges sont partout et se déclenchent au moindre faux pas.

Nous ne voulons pas dire qu’étudier les objets, les identifier et les renommer est erroné.
Nous ne savons pas ce qui est juste ou faux.
Nous ne savons pas ce que doivent faire les autres.
Nous savons seulement quel est le parcours que nous voulons entreprendre avec ces objets (qui n’est jamais définitif). Chacun a ses propres motivations, arguments et thèses à porter en avant.
Nous sommes simplement à la recherche du chemin qui nous a conduits à cette décharge.

Collectif Askavusa


Le Collectif Askavusa sera à Marseille samedi 26 avril 2014
à CASA CONSOLAT
1 rue Consolat, 13001 Marseille
Adhésion et diner sicilien à prix libre

PORTO M

à 19h - Vernissage de l’expo PORTO M et présentation du LampedusaInFestival

Le collectif Askavusa est né en 2009 suite aux mobilisations contre l’ouverture d’un centre de rétention à Lampedusa.
Askavusa organise chaque année un festival de cinéma autour des migrations, le LampedusaInFestival,
et récupère de nombreux objets ayant appartenus aux migrants passés par l’île.
PORTO M est l’exposition de ces objets.
M comme migrations, militarisation, mer, méditerranée, mélange, mobilisations...

http://askavusa.wordpress.com/

à 22h - Concert de Giacomo Sferlazzo en duo avec Jacopo Andreini

Chansonnier, artiste et activiste de Lampedusa qui chante pour la liberté de mouvement.
Accompagné par le multi-instrumentiste Jacopo Andreini.

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