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Peña, Marseille ne te reçoit pas

Article mis en ligne le jeudi 16 juillet 2015

Le 14 juillet 2015, François Hollande reçoit avec les honneurs le président mexicain Enrique Peña Nieto. Un véritable camouflé pour les droits humains quand on sait qu’au Mexique, les morts et les disparus se comptent par milliers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 160 000 morts, 23 000 disparus, 98 journalistes assassinés. Évidemment, les quarante-trois disparus d’Ayotzinapa ne sont pas au programme des tractations financières des deux chefs d’états. Un seul mot d’ordre « Silence ». Parce que la vente de cinquante hélicoptères made in France est plus importante que le respect des droits humains. Parce qu’un contrat de deux milliards d’euros ne se refuse pas. Du cynisme à l’état pur avec tapis rouge et petits fours !

Le 15 juillet, un énorme drapeau mexicain trône sur la façade de la mairie de Marseille, au côté de celui de la France. Une visite express à Marignane sur le site Airbus Helicopters puis à Marseille pour inaugurer une plaque Gilberto Bosques, consul du Mexique qui a sauvé des milliers de vies pendant la Seconde Guerre Mondiale. Une figure du « Juste » que monsieur Peña Nieto n’hésitera pas à récupérer pour démontrer son « humanisme » et poursuivre ses négociations politico-commerciales. Et enfin, un petit survol en hélicoptère au-dessus des calanques pour promouvoir le super Puma, fleuron de l’industrie française.

À Marseille, Monsieur Peña Nieto sera attendu de pied ferme. Le matin même, un petit groupe jettera du sang aux pieds du drapeau mexicain pour ne pas oublier que ce président-là est un assassin en puissance. Pour souvenir, en 2006, il était gouverneur de l’état de Mexico et c’est lui qui a orchestré la brutale répression d’Atenco. Aujourd’hui à la tête du pays, il n’hésite pas à afficher publiquement son mépris pour la douleur des parents d’Ayotzinapa. Il reste indifférent à leurs suppliques et jamais il n’a diligenté la moindre enquête sur la responsabilité de l’armée dans le massacre des étudiants de l’école rurale. Pendant que son pays hurlait « Crime d’état », monsieur Peña Nieto voyageait en Chine. Un président qui se révèle plus un VRP qu’un défenseur des droits de son peuple à vivre en sécurité.

Mais les Mexicains de Marseille et d’autres individus outrés par cette visite ont décidés de se rappeler à son bon souvenir. Une centaine de personnes défileront pacifiquement du vieux port au fort Saint-Jean. Une marche blanche où les robes et les t-shirts sont symboliquement rouge du sang des victimes de ce régime autoritaire. Certains ont les masques des calaveras mexicaines, pour symboliser la mort qui rôde autour de cette rencontre d’affaire. D’autres arborent le portrait des quarante-trois disparus. En tête, une banderole où il est marqué « Peña Nieto assassin, Hollande complice ». Des dizaines de policiers en vélo entourent la manifestation, ils essaient d’empêcher les collages, sans succès. La manifestation se poursuit au cri de « Zapata vive, la lucha sigue » , au fort Saint Jean, les CRS bloquent la route. Impossible d’approcher du MUCEM. Rien ne doit déranger ce petit dîner entre amis dans un restaurant cinq étoiles.

Une Mexicaine prend la parole face à la seule femme CRS du peloton, un masque de calavera sur le sommet du crâne. Elle crie sa douleur face un pays qui sombre dans la violence et les morts arbitraires. Des larmes dans la voix mais une détermination sans faille pour que les armes ne soient plus la seule voix qui se fasse entendre au Mexique.

Et à chaque fois que Peña Nieto fera une apparition, en France, en Europe ou sur le sol mexicain, il y aura toujours des hommes et des femmes pour lui rappeler qu’il n’est qu’un simple président aux mains sales. Le mépris du commerce n’arrivera jamais à faire taire la douleur d’un peuple blessé.

Marseille, 16 juillet 2015

(texte : Traba / photos : patxi beltzaiz)

Voir aussi sur le site de contre-faits (avec plus de photos) :
http://www.contre-faits.org/spip.php?article126

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