Une tribune pour les luttes

Débat militant N° 75 du 29 septembre 2005

SNCM : libération des marins inculpés !

La révolte du monde du travail explose, le 4 octobre est l’occasion qu’elle s’exprime massivement

Article mis en ligne le jeudi 29 septembre 2005

Débat Militant est une lettre éditée par des militants de la LCR dont le n°75 est consacré au conflit de la SNCM. 

Comité de coordination : Fabienne Autan, Charles Boulay, Serge Godard, Valérie Héas, Yvan Lemaitre, Galia Trépère, Gérard Villa

Contact-abonnement-désabonnement : debatmilitant chez lcr-debatmilitant.org
Site : www.lcr-debatmilitant.org


SNCM : libération des marins inculpés !

La révolte du monde du travail explose, le 4 octobre est l’occasion qu’elle s’exprime massivement

La révolte du monde du travail est profonde, à l’image de celle des marins de la SNCM qui refusent la privatisation de ce service public et d’être bradés au « fonds d’investissement » Butler, prédateur qui fait fortune sur le rachat d’entreprises qu’il « restructure » avant de les revendre trois fois plus cher. Butler, ami personnel de Villepin, passé par l’inspection des finances avant de participer à la privatisation de TF1 puis de se lancer dans le « capital-risque », a déjà annoncé plusieurs centaines de licenciements.
Tentant de couper court à l’explosion de colère des marins, après que le préfet de région ait fait lundi charger les CRS pour « rétablir l’ordre républicain sur le port de Marseille »... c’est l’armée qui est intervenue contre les travailleurs mercredi : 3 bâtiments de la marine nationale, 5 hélicoptères Puma, un commando du GIGN et 200 CRS ont été envoyés contre les 30 marins corses qui avaient pris le contrôle d’un ferry, et contre des centaines de salariés solidaires sur le port de Bastia. 4 marins ont été incarcérés et risquent jusqu’à 20 ans de prison ! Leurs camarades ont été relâchés mais restent sous la menace de poursuites.

Cette répression violente est à l’image de la crainte du gouvernement et du patronat face à la classe ouvrière, au mouvement qui s’approfondit depuis le 10 mars dernier, malgré les obstacles. Ils veulent faire taire, tentent d’intimider par leur cynique brutalité, comme ils ont déjà essayé de le faire avec les 14 postiers de Bordeaux.

En osant faire face, en ne cédant pas au chantage et en comptant sur leur force collective et la solidarité ouvrière, les travailleurs de la SNCM montrent la voie. La journée de grève interprofessionnelle et intersyndicale du 4 octobre est l’occasion de dire haut et fort, dans la rue, notre solidarité et d’exiger la levée de toute sanction et la libération des marins emprisonnés. Et elle est une étape possible vers le mouvement d’ensemble dont chacun ressent la nécessité.

La grève des salariés de Total au Havre, qui bloquent la production depuis une semaine pour une augmentation de salaire de 200 euros mensuel (alors que Total vient d’annoncer 6 milliards d’euros de bénéfices) comme celle des salariés de Hewlett Packard, dont beaucoup ont manifesté ces derniers jours pour la première fois de leur vie, sont elles aussi l’expression du mûrissement et de la profondeur de la révolte.
Il faut rompre le carcan de la politique d’adaptation et de négociation à froid des directions syndicales, affirmer nos exigences, libérer la révolte légitime et la combativité contenue de millions de salariés. Le patronat et ses amis au pouvoir ont un plan pour imposer leurs attaques dans le même temps qu’ils s’imposent au gouvernement, il faut au mouvement ouvrier son propre plan pour organiser la riposte.

D’EDF à la SNCM, du 10 mars au 4 octobre, la continuité d’un mouvement profond

Comme la lutte des marins de la SNCM fait écho à celles des travailleurs d’EDF en 2004 contre la privatisation, les luttes en cours, la grève du 4 octobre, s’inscrivent dans la continuité du 10 mars, des manifestations du lundi de Pentecôte et du Non massif dans les urnes le 29 mai.

Malgré la passivité des appareils, tant ceux des confédérations syndicales que des partis de la gauche de gouvernement, le mouvement a réussi à trouver les voies pour s’imposer. Les salariés et les militants ont exercé leur pression à la base pour faire de chaque occasion une étape permettant au mouvement de s’exprimer, de prendre confiance en lui, alors que les confédérations syndicales ne proposaient aucune suite au million de travailleurs et de jeunes descendus le 10 mars dans la rue. C’est sous la pression de la base que des manifestations ont été appelées -au dernier moment- le lundi de Pentecôte, qui ont rassemblé là où elles ont eu lieu bien plus de manifestants que celles du 1er mai. Comme c’est à la base, dans les cortèges, les syndicats, les collectifs unitaires, que s’est construit en parallèle le Non du 29 mai, écho politique des luttes et vote de rupture, renouant avec le 21 avril 2002, tournant la page qui avait été ouverte par le vote Chirac.

Les directions confédérales ont tout fait pour contenir la révolte, l’étouffer, l’empêcher de déboucher sur un mouvement capable de faire céder le gouvernement, en ne lui donnant aucune perspective. Mais, au final, elles ont été obligées d’appeler à la grève et à manifester le 4 octobre, sous peine de se discréditer totalement. Le mouvement grandissant donne ses rendez-vous par dessus la tête des directions, il mûrit, fait des forces, s’étonne même de son audace, comme les travailleurs de la SNCM qui ont su créer l’événement.

L’offensive de la bourgeoisie indique le niveau de la riposte nécessaire

Dans un contexte économique où la seule croissance est celle des profits, de l’exploitation et des inégalités sociales, la bourgeoisie mène la guerre pour baisser les coûts, gagner en productivité et en rentabilité financière. Restructurations, fusions, délocalisations, les annonces de licenciements se succèdent alors que les entreprises viennent d’annoncer des profits semestriels records : 40,5 milliards d’euros pour celles du Cac 40 (+ 34 % par rapport à 2004). Et le gouvernement, tout en faisant mine de s’inquiéter des « aides » perçues par les entreprises qui licencient, annonce de nouveaux cadeaux au patronat : au nom de « l’emploi », celui-ci va bénéficier de plus de 2,2 milliards d’euros d’allègements de charge sociale ainsi que de la baisse de 1,4 milliard de la taxe professionnelle. Pour faire face à la baisse des recettes de l’Etat, 5100 postes de fonctionnaires vont être supprimés et de nouvelles privatisations sont prévues. Les hôpitaux, dont les trois quarts sont déjà au bord de la faillite, vont subir de nouvelles restrictions.

Cette offensive frontale du patronat et du gouvernement n’empêche pas le Medef d’affirmer, par la voix de Parisot, « nous sommes pour le dialogue social, et au-delà le dialogue économique ». Elle a ainsi invité à tour de rôle les dirigeants confédéraux... qui ont tous fait bonne figure tel le secrétaire de FO trouvant son ton « franc et direct ». Quant à Thibault, il a noté chez son interlocutrice (avec qui il a accepté de poser main dans la main, sourire aux lèvres) « une volonté de montrer qu’il y a une nouvelle direction de l’organisation et sans l’avouer explicitement, au moins dans la méthode, le constat d’un certain échec de ce qui a pu être fait jusqu’à présent », tout en se sentant obligé d’ajouter « ne pas voir de motif suffisant pour renoncer à la manifestation du 4 octobre »... Quel radicalisme ! Le même sans doute qui lui a fait demander mercredi une entrevue à Villepin (que celui-ci s’est empressé de lui accorder... à moins que ce soit l’inverse). Thibault, qui a lui aussi trouvé Villepin... « franc et direct », est sorti en expliquant : « J’ai demandé et obtenu qu’il y ait une contre-expertise d’ordre juridique pour regarder quelles sont ou pas les contraintes européennes qui s’imposeraient au gouvernement français s’agissant de jusqu’où il peut aller et je pense qu’il a plus de marges de manoeuvre que ce qu’il affirme aujourd’hui »... Et l’armée, c’est l’Europe qui l’a envoyée ?

La réponse, les travailleurs de la SNCM et des ports de Marseille et Bastia l’ont apportée en étendant la lutte, en faisant appel à la solidarité de la population et en obligeant chacun à prendre position face à leur combat.

Pour que le 4 octobre ne soit pas une journée sans suite, que la révolte ne se laisse pas étouffer ni canaliser

Le décalage se creuse entre la dépendance des dirigeants syndicaux, leur adaptation et la révolte des travailleurs, des militants, des marins de la SNCM, des chômeurs, des travailleurs immigrés en proie aux provocations et à la démagogie populiste de Sarkozy, des jeunes à qui Villepin n’a rien d’autre à promettre qu’une plus grande précarité et un service militaire adapté en guise de premier emploi.

Face aux agressions et aux provocations, au mépris, à l’égoïsme destructeur du patronat, la journée de grève du 4 octobre est l’occasion d’exprimer la colère du monde du travail et sa solidarité. Le fait que cet appel soit intersyndical et interprofessionnel encourage et renforce le sentiment qu’ensemble, privé et public, petites et grandes entreprises, nous sommes une force.

Et pour que cette journée ne soit pas sans suite, pour ne pas se retrouver prisonniers de la passivité des syndicats, il est nécessaire que les travailleurs, les militants s’en emparent, que nous la fassions nôtre. Cette journée et sa préparation sont l’occasion de se regrouper, d’élargir les réseaux militants, de donner confiance et d’appeler chacun à être acteur, à prendre des initiatives, à entraîner. Elle est l’occasion de discuter de la nécessité de reconstruire le rapport de forces et, dès maintenant, de comment préparer son prolongement, ses suites.

La lutte des marins de la SNCM, par son culot, son affranchissement, a d’ores et déjà commencé à modifier le rapport de forces. La répression dont ils sont l’objet n’empêchera pas la lutte de s’étendre, elle lui donne au contraire plus de détermination. Elle choque et indigne le plus grand nombre : tant d’hypocrisie et de cynisme de la part des amis du patronat est insupportable.

Ces hommes avides de pouvoir n’ont d’autre légitimité que la force du fric et des flics : ça suffit. Le moment est venu de le leur dire avec toute la détermination nécessaire.

Carole Lucas

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