Les déclarations de Sarkozy au Monde (répétées dans tous les médias) s’engageant explicitement à suspendre jusqu’à la fin de l’année scolaire les expulsions de lycéens (jeunes majeurs) et de parents de jeunes scolarisés sont à notre échelle une victoire importante. Bien évidemment, ce revirement (partiel, mais quand même !) n’aurait pas eu lieu sans les dizaines et les dizaines de mobilisations autour des jeunes scolarisés et de leurs familles.
Le but de la manœuvre de Sarko est clairement de faire retomber ces mobilisations. Ce ne doit pas être le cas. Il a montré qu’il pouvait reculer un peu, on doit l’amener à le faire beaucoup. Peut mieux faire !
Il s’agit donc maintenant de pousser pour que ces déclarations se traduisent dans les faits. Dans un coup de fil qu’il a passé à Gérard Aschiéri (Secrétaire général de la FSU), Sarkozy lui a assuré que ses déclarations sont « d’application immédiate ». On le prend au mot.
Il faut entreprendre des démarches (« appuyées » si nécessaire !) pour que l’ensemble des Invitations à quitter le territoire (IQT) et des Arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) concernant des jeunes ou leurs parents soient abrogés par les préfectures qui les ont prises.
On réclame d’autre part, pour les adultes qui, de fait, se trouvent autorisés à séjourner en France jusqu’en juillet, des autorisations de séjour avec le droit au travail. Pas question qu’ils restent dans la semi-clandestinité des ni-ni (ni expulsables ni régularisables). Le Ministre les autorise à rester... il leur faut les papiers qui vont avec... et l’autorisation de travailler car, pour que les jeunes puissent « finir leur année tranquillement » selon l’expression de Sarko lui-même, il faut que leurs parents travaillent ! Enfin, on demande, mais ça sera difficile sans mobilisation sur le terrain, le retour de ceux qui ont été expulsés (à Perpignan par exemple). Donc, on continue en demandant pour commencer que l’administration applique les directives du ministre : des papiers et le droit au travail.
Cela étant, les déclarations de Sarko ne résolvent rien sur le fond : elle ne font que reporter les échéances de quelques mois. En réalité, il s’est débrouillé pour refiler la patate chaude à son successeur : il a senti qu’il s’était engagé sur un terrain où il risquait de prendre des coups, il reporte la question à un moment où, je pense, il ne sera plus ministre de l’Intérieur (je n’ai pas d’info particulière mais je crois quand même que c’est son calcul) et où un autre sera chargé d’appliquer des décisions impossibles à tenir (quitte d’ailleurs à ce qu’il le critique pour son incompétence et son laxisme).
En effet, si Sarko tient ses engagements -et je ne vois pas comment il pourrait ne pas les tenir, compte-tenu des mobilisations qui se sont produites et qui repartiraient de plus belle s’il continuait à expulser des scolaires , il sera impossible de procéder en deux mois aux milliers d’expulsions antérieurement prévues sur 8 mois. Matériellement d’abord (centres de rétention trop petits, tribunaux engorgés, pas de places d’avion à une période où ils sont surbookés). Mais aussi politiquement : comment arrêter des milliers de familles en quelques semaines ? En réquisitionnant les bus de la RATP et le stade de France ? Et puis aussi, tout simplement, parce que les sans paps ont compris la leçon de enfants Makombo : il suffit de planquer les mômes. Sarko s’est mis dans une impasse ou, plus exactement, y a probablement fourré son successeur.
Pas question pour autant de baisser la garde. Le sursis de quelques mois concédé par Sarko ne suffit pas : on le prend, bien sûr (en demandant que les choses soient faites dans les formes) mais on continue de réclamer la régularisation sans condition de durée de tous les jeunes scolarisés et de leurs familles pour préparer la bataille décisive qui se jouera probablement dans les quelques mois qui précèderont la fin de l’année scolaire. Au fur et à mesure que les échéances se rapprocheront, les cas vont se dévoiler et la tension monter. Il est donc important que les collectifs continuent à se créer, à veiller à ce qu’aucune expulsion n’ait lieu et à réclamer la régularisation définitive des familles et des jeunes.
Richard, 26 10 2005