Une tribune pour les luttes

DROITS DES TRAVAILLEURS :

Bouygues et l’or de Morila (Mali)

La Françafrique toujours à l’oeuvre

Article mis en ligne le lundi 7 novembre 2005

Vous trouverez ci-dessous un communiqué émanant de camarades belges en séjour au Mali suivi d’un compte rendu de la situation rédigé par un journaliste de radio Kayira une radio contestataire très populaire au Mali.

Communiqué de presse

Cet été un groupe de 34 belges a participé à un chantier-forum à Sanso au Mali.
Sanso est un village de 9000 habitants qui accueille la mine d’or de Morilla.

Ce samedi 28 octobre 2005, nous avons appris avec consternation la situation suivante :
- L’emprisonnement de 30 ouvriers grévistes de la mine.
- La descente d’un commando chez le Secrétaire Général du Syndicat de la Somadex (Bouygues)
- Les intimidations et diffamations proférées à l’encontre des grévistes et délégués syndicaux.

Ces situations font suite à une grève qui dure depuis 3 mois.

Les causes de cette grève sont :
- Les graves problèmes de santé et d’empoisonnement que vivent de nombreux travailleurs de la mine
- La falsification des contrats de travail
- Les licenciements abusifs
- Les conditions indignes de travail et de vie
- Le non paiement des primes de rendement depuis des mois pour lesquelles les ouvriers ont déjà gagné un procès
- Les manœuvres de diffamation à l’encontre du syndicat et de son Secrétaire Amadou Nioumanta

Par ailleurs, durant ces dernières semaines, de « réels commandos » créent la confusion afin de discréditer l’action des grévistes.
Ces « commandos » commandités par la direction de Somadex n’hésitent pas à mettre le feu à des bus, à tirer sur des camions de transport, à circuler dans le village pour intimider la population et cherchent à faire disparaître les documents qui prouvent la falsification des contrats d’embauche.

Depuis le 18 octobre, 2 3 grévistes emprisonnés ont été libérés sur 30. Ils sont tous malades et souffrent de malnutrition, de dermatoses et d’infections génitales.

Restent enfermés :
Adama Traoré
Binkè Kansaye
Salif Mariko
Papa Kalifa Traoré
Mamadou Sogodogo
Sekou Ouattara
Alou Diallo

Karim Guindo vient d’être arrêté le mardi 25 octobre et améné manu militari à Bougouni où il rejoignit les 7 restés en prison.

Une Délégation de participants au Chantier Forum se met à votre disposition

Marijke Vanderschelden : 0477 92 69 44

Eric Pauporte : 0479 405 248


Mine d’or de Morila

Le comité syndical de la SOMADEX est contraint à la clandestinité.

La fin de la crise qui oppose le syndicat des travailleurs à la Direction de la SOMADEX (Société Malienne d’Exploitation) n’est pas pour demain. Il y a quelques jours, sur les trente (30) ouvriers incarcérés à Bougouni, 23 avaient bénéficié d’une liberté provisoire et les sept(7) autres sont restés en prison. La Société (SOMADEX) les reproche d’avoir brûler deux de ses cars. Le Comité syndical estime que c’est faux. Car selon lui cette attitude de la (SOMADEX) se rime bien avec cet adage qui dit ceci : « celui qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Cela voudrait autrement dire que les ouvriers ne sont pas responsables de l’incendie d’autant plus que les cars sont toujours gardés dans la cour de la gendarmerie.

Le Secrétaire Général du syndicat Amadou Nioumanta est recherché par la gendarmerie du Camp I de Bamako

Mardi 25 octobre 20005, des gendarmes du Camp I de Bamako sont allés encerclés le domicile du Secrétaire Général du Comité syndical Amadou Nioumanta à Daoudabougou, un quartier de Bamako, dans l’objectif de le kidnapper. La chasse n’a pas été fructueuse, mais ils se sont saisis de ses deux voitures de sa femme et de se enfants. Et depuis, Nioumanta est rentré en clandestinité avec les autres membres du Comité syndical. Pour les gendarmes qui agissent de la sorte, Nioumanta serait sans doute le cerveau de cette longue grève des ouvriers de la mine d’or de Morila, laquelle paralyse considérablement la production. Faut-il l’ajouter, le secrétaire Administratif du comité syndical Karim Guindo a été arrêté et emprisonné à Bougouni.

***

Situation géographique de Morila

Le gisement d’or de Morila se situe dans l’arrondissement de Sanso, cercle de Bougouni dans la région de Sikasso au Mali. L’arrondissement de Sanso comprend cinquante (50) villages dont trois (3) en particulier sont touchés par les activités d’exploitation.
Ces villages sont : Sanso, Morila, et Domba.
Par rapport à Bamako, la mine d’or de Morila est située à environ 250km de la capitale au sud du pays.
Le climat de cette région est tropical. Il est caractérisé par une division nette en saisons sèches et pluvieuses. La saison sèche, de novembre à mai, peut elle-même être séparée en deux (2) périodes distinctes, une période sèche et assez fraîche de novembre à février, caractérisée par de grandes variations entre les températures moyennes pendant le jour (un maximum de 34°C en moyenne) et la nuit (un minimum de 15,5°C en moyenne). Cette 1ère période marque "l’hiver".

La 2ème période est sèche et chaude et va de mars à mai avec des températures très élevées le jour (jusqu’à 45°C) et de plus faibles écarts entre les températures le jour et la nuit. La saison des pluies va de juin à octobre ; les précipitations maximum étant au cours des mois de juillet, d’août et de septembre. Le vent souffle en général en direction nord-est ou sud ouest. La pluviométrie moyenne au cours des huit (8) dernières années est de huit cent (800) mm par an.

La flore est du type savane caractérisée par les arbres : karité, néré et baobab. Le genre de végétation depend du relief, l’emplacement des ruisseaux et la nature des sols avec une végétation dense et broussailleuse le long des ruisseaux.

La faune est représentée essentiellement par diverses espèces d’oiseaux avec seulement quelques petits mammifères (par exemple des lapins, des phacochères et des singes). On rencontre également quelques serpents.

Le système hydrographique n’est pas dense et compte une série de ruisseaux généralement orientés nord - sud selon la géomorphologie.

Ces ruisseaux se jettent dans la Koba, qui coule à huit (8) km de Sanso et qui à son tour se jette dans le Bagoë, 30km à l’est. La Bagoë est l’unique cours d’eau perpétuel. Les ruisseaux ne coulent qu’en saison des pluies.

S’agissant de la population, les habitants de la zone appartiennent essentiellement à l’ethnie bambara et sont pour la plupart des agriculteurs de subsistance, la culture du coton étant la seule culture de rente importante. La zone est cultivée de manière intensive avec une densité de population relativement élevée. Les routes dans la zone sont de temps en temps entretenues par la CMDT (Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles), société qui achète la production du coton.

Les villages de Morila, Sanso et Domba regroupent 117 ménages (3 388 personnes). La taille moyenne des ménages est de 29 personnes.

Dix huit pour cent (18%) de la population a une instruction primaire. Deux pour cent (2%) de la population a une instruction secondaire et seulement un pour cent (1%) de la population a suivi un enseignement tertiaire. Les personnes ayant suivi un enseignement coranique apparaissent dans cette catégorie.

***

Le chef personnel Balamourou Diarra spécialiste en filouterie falsifie les contrats des travailleurs mettant ainsi dans la rue des dizaines d’ouvriers qui rasent les murs pour se nourrir.

La situation à la date d’aujourd’hui est presque insurrectionnelle à la mine d’or de Morila (plus importante mine actuellement dans notre pays, sa réserve estimée à 120tonnes), où les ouvriers depuis le 5juillet dernier observent une grève. Pour rappel, il y a juste une année, jour pour jour ces mêmes ouvriers avaient observé une grève de 72 heures, avec une seule revendication : le payement de leur prime de rendement qui s’élève à la somme de 17milliards de francs cfa.

A cette revendication qui n’est toujours pas satisfaite, vient s’ajouter une autre qui est la lutte du comité syndical contre une pratique jugée de celle d’une autre époque. En effet, Balamourou Diarra, chef personnel, un Malien de surcroît, à la solde de l’impérialisme et du capitalisme de Anglogold /Rangold, et SOMADEX (Société Malienne d’Exploitation), affiliée à la multinationale française Bouygues. Elle licencie à tour de bras les travailleurs dont les contrats de travail ont été falsifiés pour les transformer en contrat d’essai de six ( 6) mois afin d’échapper à des cascades de procès et des condamnations certaines du Tribunal de Travail. Il faut préciser que certains travailleurs ont plusieurs années de service (entre 4 à 5 années).

C’est le chef du Personnel de la SOMADEX Balamourou Diarra expert en filouterie, qui est l’auteur des contrats falsifiés. Il roule pour la mafia polico-administrative du Mali qui vit des miettes de la corruption et qui cherche chaque jour à négocier une position favorable dans le système de gestion clientéliste et népotiste mis en place par l’Etat et alimenté par les sociétés multinationales qui pillent notre or et détruisent notre environnement.

Accompagné d’un huissier de justice et des gendarmes de Bougouni, le chef du Personnel de la SOMADEX oblige les travailleurs à signer les ruptures de contrat. Plus de 300 travailleurs ont été licenciés sans droit ni indemnités, et sur les 535 ouvriers de la Société, 80 agents seulement ont des contrats réels.

Pour avoir refusé ces pratiques dignes d’une autre époque, les syndicalistes de la SOMADEX sont pourchassés et mis en prison avec la complicité de la SECNAMI ( Section nationale des mines) dont certains dirigeants sont connus pour leur allégeance et leur collusion avec la société mise en cause.

Face à cette situation qui va de mal en pire ( puisqu’il y a eu plusieurs négociations sans écho favorable), le syndicat se dit déterminé à aller jusqu’au bout.

Qu’est ce que la prime de rendement ?

En fait la prime de rendement est contenue dans les articles 63 et 65 de la convention collective qui lie les Sociétés d’exploitations Anglogold /Rangold, et SOMADEX et l’Etat malien. Dans son annexe IV, cette convention prévoie le paiement en complément de salaire aux travailleurs d’une prime dès que la production dépasse les prévisions fixées. Dans un cahier de doléances que le comité syndical a adressé à la Direction dès son installation figuraient ces revendications.

Mieux, ce cahier de doléances a fait l’objet d’un protocole d’accord signé entre les deux parties le 11 novembre 2002. Mais malheureusement les pauvres travailleurs ne sont jamais rentrés en possession de leurs droits.

La convention d’exploitation violée !

La réserve d’or de Morila est estimée à 120 tonnes. Au terme de la convention avec l’Etat Malien, l’exploitation des 120 tonnes doit s’étendre sur onze (11) ans à raison de onze (11) tonnes par an. C’est en fonction de ce rythme d’exploitation que l’Etat a exonéré Morila-SA de tous les impôts et taxes pendant les trois premières années de production (article 22-2). La convention aussitôt signée, le calcul de Morila-SA a consisté, pendant les trois premières années de production, à exploiter et extraire le maximum d’or. Et ainsi au lieu de 11 tonnes par an, elle a exploité :
Année 2000 (quelques mois) 4,208tonnes
Année 2001.....................23, 442tonnes
Année 2002.....................38,915tonnes
Année 2003 .................. 16, 650tonnes.

Au total Morila-SA a exploité 83,216tonnes pour trois années d’exploitation, soit plus des 2/3 de la réserve de la mine. A ce rythme la durée de la mine se limitera à 5 ans, au lieu de onze (11) et au lieu de payer l’impôt à l’Etat malien pendant huit (8) ans elle ne le fera que pour deux (2) ans. En trois (3) ans, Morila-SA a produit de l’or pour une valeur de cinq cent (500) milliards de francs cfa. Au rythme conventionnel, elle aurait du produire trente trois (33) tonnes. L’excédent produit pour fuir le payement de l’impôt à l’Etat ( bien entendu avec sa complicité) est de cinquante (50) tonnes soit une valeur de trois cent (300) milliards de francs cfa. Ce que Morila-SA fait semblant d’ignorer avec le soutient des plus hautes autorités, c’est que si cette surproduction intense lui évitera de payer beaucoup plus d’impôts à notre pays, à l’inverse la convention collective a prévu qu’en cas de dépassement de la production sur les prévisions fixées, la société est contrainte de payer aux travailleurs un pourcentage sur le taux de dépassement. C’est la prime de rendement que Morila-SA refuse de payer et pourtant il est stipulé à l’article 32 de la convention d’établissement que le droit applicable est celui de la République du Mali.

Les Non Dits de la mine d’or de Morila :

Certains responsables de Anglogold /Rangold et SOMADEX ont donné des sommes colossaux à certains dirigeants du pays. Le Ministre des mines Diane Séméga aurait reçu plus de 80millions de francs cfa des mains d’un Sud Africain du nom de Glèn. Fousseyni Touré de la SECNAMI (Section Nationale des Mines ) et ses collaborateurs ont reçu de la part de la Direction de la mine plus de sept (7) million de nos francs pour l’organisation de leur conférence nationale. Qui dit mieux !

Quels bénéfices la mine a-t-elle apporté aux populations locales ?

Si ce n’est la désolation, la population de Morila et environ n’a rien bénéficié. Elle en veut même beaucoup à "Dieu", car elle regrette qu’on ait pu découvert de l’or dans leur village. Aucun signe de développement n’est perceptible, manque de salles de classes, pas de centre de santé, pas d’eau, non protection de l’environnement. Ajouté à de toutes ces difficultés aux quelles restent confrontées les populations de Morila, s’ajoute le mal du siècle, c’est-à-dire le VIH/Sida.

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Vos commentaires

  • Le 1er février 2008 à 18:16, par abou hamza En réponse à : Bouygues et l’or de Morila (Mali)

    chèr journaliste de radio kayira ou que tu sois et qui que tu sois sache que tu es digne et des gens dignes qui osent parler de la souffrance des maliens (à l’interieur du mali et de surcroit à cause des richèsses de notre sous sol)il y en a pas beaucoup.
    une chose est certaine il ne faut pas compter sur les autres surtout les occidentaux pour nous respecter car nous sommes indigne de respect car pour etre respecter il faut se respecter mais si des responsables maliens acceptent des pots de vin pour laisser leurs frères traités comme des chiens à l’interieur du mali,il est temps de dire que l’avenir de ce pays est plus que sombre.
    EN TOUT CAS MERCI POUR TON COURAGE ET SACHE QUE BIENTOT ECLATERA LA VERITE ;

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