Une tribune pour les luttes

Le Cri plie mais ne rompt point

Chaque jour où notre liberté est un peu plus menacée

Article mis en ligne le mardi 4 novembre 2003

Mercredi 29 octobre, 19h30 sur la pelouse centrale du Vieux Port. Il fait froid. Pas grand monde. Quatre personnes, petit noyau résiduel de l’appel des Vingt de Provence pour le Grand Cri hebdomadaire. Il y a bien le vin pour se réchauffer un peu, et cette étrange vibration au fond de nous qui nous pousse à élever la voix, malgré le doute causé par la démobilisation du moment. Cinq gorges un peu fiévreuses à l’approche de l’hiver, cela suffit-il pour le cri ? Mais d’autres personnes doivent venir, c’est sûr, ce soir comme chaque semaine. Pourquoi ne viendraient-elles pas ? On attend, plantés là autour de la flamme de l’espoir pour nous garder du froid et des ténèbres.

Rassemblement suspect, se dit la patrouille de motards de la police municipale qui passait par là. Plus de trois, c’est interdit par la loi. Et moins de six, on peut y aller. Pied à terre, Messieurs, et main sur la matraque. Nous sommes la loi, pas de faiblesse, opprimons sans risque.

"Bonsoir Messieurs, faites-nous le plaisir de déguerpir de cet endroit, ce n’est marqué nulle part mais ceci est une pelouse interdite et certainement pas un endroit de pique-nique, et ne discutez pas, nous ne sommes pas là pour ça, nous sommes incapables de vous opposer un quelconque argument plausible pour vous expliquer vos torts, nous sommes là pour appliquer la loi que nous connaissons par coeur, et nous ne réfléchissons pas, soyez de bons citoyens français et renoncez à toutes vos libertés, oubliez jusqu’à votre dernière vélléité de résistance. Ne dites rien, la force est avec nous. Que dites-vous, votre liberté ? Quel étrange idée vous passe donc par la tête ? Allons messieurs, faites donc bonne figure et rentrez chez vous, il fait bien trop froid pour rester là ce soir."

De fait, nous restions tout interdits. Quel discours, quelle persuasion ! Que faire sinon obéir à ces doux conseils paternels (car oui c’est bien l’image du père, de la protection paternelle qui me vient au contact de ces hommes, bottés casqués armés prêt à vous tomber sur la gueule au premier faux pas. Que serions-nous s’ils n’étaient là pour nous protéger de nous-mêmes ?) Tous, aussi peu que nous sommes, retraversons donc, puisque le béton seul de l’autre côté de la route nous est autorisé. Il faut bien comprendre, et laisser pousser l’herbe verte en paix sans la piétiner, préserver à la France ce symbole de fraîcheur et d’espoir !!!

Au revoir, messieurs, et merci pour tout, votre présence partout et à chaque instant à nos côtés, ainsi que votre sens du dialogue, nous rendent vraiment ce sentiment de sécurité si longtemps perdu.

19h45. Le renfort tant espéré est arrivé, nous permettant de rejoindre la pelouse. Nous sommes au moins quinze, aucun policier pour compter jusque là. La crainte de l’inconnu l’empêcherait d’intervenir à nouveau.

Comme chaque semaine, le cri peut s’élever comme un doigt haut tendu vers la France d’en haut. Dans le mien, un peu plus de larmes, un peu plus de rage, et ce sentiment que notre liberté d’être simplement se trouve de plus en plus menacée, oppressée, opprimée, et une prière pour que gagne et reste cette liberté, que jamais elle ne cède et s’écroule devant la stupidité, la bêtise, l’hypocrisie, le mensonge, l’égoïsme et le vice de la bête rampante qui voudrait nous gouverner.

Un grand cri pour appeler au suivant. Pour que le cri jamais ne cède et se fasse entendre chaque semaine encore longtemps, et de plus en plus fort, de plus en plus sûr.

Ô voix de notre justice et de notre justesse, élève-toi !

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