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Danse-toi le monde. Festival de danse en terre zapatiste

De l’autre coté du charco - carnet de passage par Abya Yala (Traba , Patxi Beltzaiz)

Article mis en ligne le mercredi 22 janvier 2020

« Báilate otro mundo ». Tel est le beau titre du premier festival de danse zapatiste. Pour le Sub, ça sera « Baila una ballena ». Son obsession pour les baleines ne semble pas vouloir passer. Après les images fixes, c’est au tour des corps de s’exprimer. Et évidemment, cette fois encore, cela sera bien autre chose que de la danse.

Dans l’antre de la baleine, les danseurs de la compagnie Barro Rojo s’échauffent. Soudain, le noir se fait. Un homme entre en scène. Tête baissée. Il enfile un sac papier sur sa tête. Un visage imprimé dessus. Comme un pochoir. L’empreinte d’un visage. Le visage d’un disparu. Un fils, un frère, un mari. Il ondule doucement. Le sac tangue. Futilement. Le corps se ploie. Se déploie et s’écroule au sol. Une femme à la robe rouge sang, arrive en criant « A donde están ? ». Des chaussures à la main, inutiles. Elle balance son corps. Doucement. Enfile ses escarpins. L’homme se cogne contre les murs. Il est là avec nous. Sans être là. Dans les nimbes de l’absence. Dans ses propres ténèbres. Il veut arracher son sac. Redevenir vivant. Il ne sait que frapper le vide. Il est seul. Désespérément seul. « A donde están ? ». Presque un rugissement. Un cri primaire. D’une Mater Dolorosa Mexicaine. Sa douleur percute les murs. Reviens comme un boomerang. En plein cœur. La danseuse s’avance sur un linge blanc, posé au sol. Presque un linceul. Elle laisse des traces de pas, aussi noirs que son espoir. C’est tout simple. Et tellement puissant à la fois. La musique se traîne. L’homme ne veut pas partir. Retourner dans l’oubli. On est au bord des larmes. On pense aux étudiants d’Ayotzinapa. Ils sont sur scène, presque malgré eux. Fantômes qui ne nous quittent jamais vraiment. La musique s’arrête. Le silence nous saisit d’effroi. Il n’y a plus personne sur scène. Disparus, les disparus. Sans savoir, si on les reverra un jour. Danser pour ne pas hurler. Un exutoire salutaire. Pour ne pas sombrer. Dans la folie, le désespoir et contenir cette furieuse envie de renoncer au monde des humains.

La suite et les photos ici

P.-S.

Nous vous invitons à suivre "De l’autre coté du charco" sur place :

https://delautrecoteducharco.wordpress.com

Nous publierons sur ce blog des articles et des photos des différents lieux et situations que nous rencontrerons durant notre passage en Amérique, ou plutôt en Abya Yala.
Abya Yala est le nom indigène pour désigner le continent Amérique.
Photographies : Patxi Beltzaiz / Textes : Vero Traba

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