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Craintes pour la vie du réfugié kurde que Paris a livré à la Turquie

Article mis en ligne le samedi 19 septembre 2020

PARIS – Aujourd’hui [mercredi 16 septembre 2020], la France a extradé vers la Turquie Mehmet Yalcin, un réfugié kurde accusé d’être membre du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), malgré les mises en garde de l’OFPRA qui avait prévenu qu’Yalçin ne devait pas être renvoyé vers la Turquie où il risquait d’être emprisonné.

En plus des menaces qui pèsent sur la vie d’Yalçin, sa femme – dont le titre de séjours a été annulé par les autorités françaises – et ses trois enfants nés en France vivent un drame familial suite à son départ probablement définitif. Ça en fait beaucoup pour un Etat qui se vante d’être le pays des droits de l’Homme…

Retour sur un scandale français

Mehmet Yalçin, un demandeur d’asile kurde vivant en France depuis 15 ans qui a été arrêté à Bordeaux hier, à été transféré en région parisienne, il a été expulsé vers la Turquie sur un vol de Turkish Airlines en direction d’Istanbul.

Le 28 juillet dernier, cet homme marié, père de trois jeunes enfants avait été arrêté à son domicile de Bordeaux mais relâché quelques semaines plus tard, suite à une grève de la faim et grâce à une mobilisation au niveau local.
Arrêté à son domicile de Bordeaux, mardi matin, il a été expulsé vers la Turquie. En 2019, il avait été condamné par la justice française à deux ans de prison, pour de soi-disant liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Suite à un aménagement de peine, il avait dû porter un bracelet électronique pendant près d’un an. Sa première demande d’asile a été rejeté par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) suite à cette condamnation farfelue.

Son avocat, Gabriel Lassort, ne cachait pas son étonnement devant l’arrestation de son client en vue d’une expulsion car :

« Monsieur Yalçin, qui avait fait l’objet d’une rétention administrative, avait été libéré sur décision du Tribunal administrative de Bordeaux jugeant mal fondée cette rétention. Monsieur Yalçin a souhaité une nouvelle fois l’examen de sa demande d’asile. Alors que la préfecture a voulu dès sa sortie le placer sous assignation à résidence, cette décision a également été annulée par le tribunal administrative de Bordeaux. J’ai appris ce matin son interpellation par 20 policiers à son domicile devant sa femme et ses enfants. Il a été emmené à l’aéroport de Mérignac pour une audition administrative. On est dans l’attente de ce que va décider la préfecture. Vont-ils le mettre de force dans l’avion ? Le remettre au centre de rétention ? Ou tout simplement le laisser repartir ? On n’en sait rien. Pourtant la préfecture agit là en dehors de ses prérogatives. »

Le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F) a condamné l’expulsion de Mehmet Yalcin ainsi :

« L’expulsion de Mehmet Yalcin vers la Turquie serait une violation grave de la convention européenne des droits de l’homme et de la Convention de Genève sur les réfugiés. La Turquie n’a rien d’un État de droit et la France le sait très bien.

L’orientation franchement autoritaire et répressive prise par le régime d’Erdogan au cours de ces dernières années le démontre largement. Chaque jour, des militants politiques, élus, journalistes, avocats, syndicalistes sont arrêtés et emprisonnés en Turquie. La presse est muselée et les réseaux sociaux en passe d’être entièrement contrôlés par le régime. Par ailleurs, les cas de torture et de mauvais traitements sont en pleine recrudescence, comme le dénonce un rapport récent de l’ONG Human Rights Watch.

Depuis des années, la France mène des opérations contre les associations kurdes et leurs militants, prétextant leur proximité avec le PKK. Ceux-ci sont poursuivis, condamnés, détenus. Et comme si cela ne suffisait pas, ils se voient interdire le territoire français, retirer leur statut de réfugié et placés sous FIJAIT, une sorte de contrôle judiciaire à vie. D’autres encore, sans même passer par la case mise en examen, ni jugement, se voient soumis à des mesures administratives de gel des avoirs, totalement arbitraires.

Jusqu’où va aller la France dans ce harcèlement judiciaire et administratif à l’encontre des Kurdes ? Que cherche-t-elle à faire dans un moment où les tensions avec la Turquie sont au plus haut, à tel point que le Sultan Erdogan menace directement le président Macron ? Veut-on sacrifier Mehmet Yalçin pour apaiser les tensions entre la France et la Turquie ?Nous demandons instamment aux autorités françaises d’abroger, sans plus attendre, l’ordre d’expulsion de M. Yalcin et d’accorder à celui-ci un droit de séjour afin que lui et sa famille puissent vivre en France dans des conditions dignes. »

Article à lire sur Kurdistan au féminin

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